La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°24TL00015

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, Magistrat statuant seul, 11 avril 2024, 24TL00015


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Grande Motte Environnement et l'association des riverains et amis du Grand Travers ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 n° PC 034 344 22 00035 et l'arrêté rectificatif du 15 mai 2023 par lesquels le maire de La Grande Motte a accordé à la société à responsabilité limitée Matis un permis de construire précaire en vue de la réalisation d'un restaurant de plage exploité sous l'enseigne " La Paillotte Bambou " su

r un terrain situé sur le lot 13 de la concession de plage au point d'accès n° 47 de la pl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Grande Motte Environnement et l'association des riverains et amis du Grand Travers ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 n° PC 034 344 22 00035 et l'arrêté rectificatif du 15 mai 2023 par lesquels le maire de La Grande Motte a accordé à la société à responsabilité limitée Matis un permis de construire précaire en vue de la réalisation d'un restaurant de plage exploité sous l'enseigne " La Paillotte Bambou " sur un terrain situé sur le lot 13 de la concession de plage au point d'accès n° 47 de la plage de cette commune.

Par un jugement n° 2301554 du 21 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier, a, d'une part, annulé les arrêtés du 9 mars 2023 et 15 mai 2023 du maire de La Grande Motte, d'autre part, mis à la charge de la commune de La Grande Motte et de la société Matis une somme de 1 500 euros à verser à l'association Grande Motte Environnement et l'association des riverains et amis du Grand Travers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 3 janvier 2024, la commune de La Grande Motte et la société à responsabilité limitée la société Matis, représentées par la SELARL Maillot Avocats et Associés, demandent à la cour :

1°) d'ordonner sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative le sursis à exécution de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'association Grande Motte Environnement et de l'association des riverains et amis du Grand Travers, une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'association Grande Motte Environnement justifiait d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire précaire dès lors que le président de l'association était incompétent pour introduire au nom de l'association la requête introductive d'instance ;

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'absence de mandat signé du représentant légal de l'association des riverains et amis du Grand Travers pour engager l'action en justice ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que l'association des riverains et amis du Grand Travers justifiait d'un intérêt pour agir à l'encontre du permis de construire précaire dès lors que, d'une part, le représentant légal de l'association ne justifiait pas d'un mandat signé pour engager l'action en justice et, d'autre part, l'objet de l'association est trop général et ne mentionne pas la possibilité d'agir en justice en matière d'urbanisme ;

- le permis de construire précaire est légal à la suite de l'arrêté rectificatif du 15 mai 2023 pris après avis favorable conforme du préfet de l'Hérault recueilli en application de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme ;

- les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce et ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le maire de la commune avait fait une inexacte application de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme ;

- il est justifié d'une nécessité caractérisée reposant sur l'existence de circonstances locales par référence à la situation de l'activité économique balnéaire saisonnière ; il est démontré que les aménagements démontables ou transportables ne présentent aucun élément de nature à les ancrer durablement au sol ; ces éléments participent au service public des bains de mer et ses activités associées ;

- le programme de concession de plage et les restaurants de plage qui y sont autorisés à titre précaire répondent aux besoins saisonniers auxquels est confrontée la commune ;

- le tribunal ne s'est pas prononcé explicitement sur le caractère disproportionné de la dérogation aux règles d'urbanisme ainsi qu'aux incidences du projet autorisé ;

- du fait de son encadrement dans l'espace et le temps et des conditions strictes posées à l'activité de l'établissement, le projet n'est pas de nature porter une atteinte grave et immédiate à un intérêt public ;

- le risque de déferlement auquel est exposé l'ensemble de la plage a bien été pris en compte et le règlement du plan de prévention du risque d'inondation autorise notamment les équipements de plage.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mars et 3 avril 2024, l'association Grande Motte Environnement et l'association des riverains et amis du Grand Travers, représentées par Me Jean-Meire, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de La Grande Motte et de la société Matis une somme de 3 000 euros à leur verser respectivement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- alors que le permis de construire précaire a une durée de validité de deux ans, le prononcé d'un sursis à exécution du jugement prononçant son annulation aurait pour conséquence de les priver du droit à un recours effectif ;

- leurs statuts leur confèrent un intérêt à agir contre le permis de construire précaire en litige et le représentant de chacune des associations a été régulièrement habilité à les représenter en justice ;

- aucune erreur de droit n'a été commise par le tribunal en ce qui concerne la prise en compte de l'amortissement des investissements du titulaire du permis précaire attaqué, ce point étant dans le débat contradictoire en première instance ;

- le permis de construire précaire ne pouvait être légalement délivré sur le fondement de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme en raison de la méconnaissance d'une règle d'urbanisme forte, à savoir une inconstructibilité dans un espace particulièrement sensible écologiquement et par rapport aux risques de sécurité ;

- le permis de construire précaire ne présente pas un caractère exceptionnel permettant de justifier qu'il soit dérogé à l'application des règles d'urbanisme ;

- aucune nécessité d'ordre économique n'est caractérisée en l'espèce ;

- les dérogations aux règles d'urbanisme applicables sont manifestement disproportionnées au regard des caractéristiques du terrain d'assiette, de la nature des constructions et des motifs rendant nécessaires le projet ;

- le permis de construire précaire déroge à de nombreuses règles d'urbanisme prévues par les articles L. 121-4, R. 121-5, L. 111-3 et R. 111-27 du code de l'urbanisme et par le chapitre 4.5 de la 1ère partie du plan de prévention des risques d'inondation applicable au terrain d'assiette ;

- les parties appelantes n'apportent aucun élément suffisant permettant d'établir que le projet participe au service public des bains de mer pouvant de justifier les dérogations aux règles d'urbanisme applicables en l'espèce ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit de nature à justifier son annulation dès lors que le restaurant se situe dans un espace remarquable et qu'une telle occupation du sol n'est pas permise au regard de la liste prévue par le décret n° 2019-482 du 21 mai 2019 reprise à l'article R. 121-5 du code de l'urbanisme.

Vu :

- la requête enregistrée le 3 janvier 2024 sous le n° 24TL00014 par laquelle la commune de La Grande Motte et la société Matis demandent l'annulation du même jugement ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2019-482 du 21 mai 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience du 9 avril 2024 à 11 h 00 :

- le rapport de M. Chabert, président,

- les observations de Me Maillot, représentant la commune de La Grande Motte et la société Matis et celles de M. A..., dirigeant de la société Matis,

- et les observations de Me Jean-Meire, représentant l'association Grande Motte Environnement et l'association les amis et riverains du Grand Travers.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° PC 034 344 22 00035 du 9 mars 2023 et un arrêté rectificatif du 15 mai 2023 le maire de La Grande Motte (Hérault) a délivré un permis de construire précaire à la société Matis pour la réalisation d'un restaurant de plage exploité sous l'enseigne " la Paillotte Bambou " sur un terrain situé sur le lot 13 au point accès n° 47 de la plage de cette commune. Par la présente requête, la commune de La Grande Motte et la société Matis demandent qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 21 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces arrêtés et a mis à la charge de la commune et de la société une somme de globale de 1 500 euros à verser à l'association Grande Motte Environnement et à l'association des riverains et amis du Grand Travers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".

3. En application des dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

4. Aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme : " Une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. / Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre ". L'article L. 421-5 du même code dispose que : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : / a) De leur très faible importance ; / b) De la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel ils sont destinés. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 421-6 de ce code : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) "

5. L'objet des dispositions relatives aux permis de construire précaires, figurant aux articles L. 433-1 et suivants du code de l'urbanisme, est d'autoriser, à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l'ensemble de la règlementation d'urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d'ordre économique, social, culturel ou d'aménagement, et ne dérogent pas de manière disproportionnée aux règles d'urbanisme applicables eu égard aux caractéristiques du terrain d'assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet.

6. En l'état de l'instruction, les moyens soulevés par la commune de La Grande Motte et la société Matis, tels que visés et analysés dans les visas de la présente décision, ne paraissent pas de nature à justifier, outre l'annulation du jugement n° 2301554 du 21 décembre 2023 du tribunal administratif de Montpellier, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par les premiers juges. Il en résulte que la commune de La Grande Motte et la société Matis ne sont pas fondées à demander le sursis à exécution de ce jugement en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'association Grande-Motte Environnement et de l'association des riverains et amis du Grand Travers, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que demandent les requérantes au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de La Grande Motte et de la société Matis une somme globale de 1 000 euros à verser à l'association Grande Motte Environnement et à l'association des riverains et amis du Grand Travers sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête en sursis à exécution de la commune de La Grande Motte et de la société Matis est rejetée.

Article 2 : La commune de La Grande Motte et la société Matis verseront à l'association Grande-Motte Environnement et à l'association des riverains et amis du Grand Travers une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Grande Motte, à la société à responsabilité limitée Matis, à l'association Grande-Motte Environnement et à l'association des riverains et amis du Grand Travers.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

Le président de la 4ème chambre,

D. Chabert

Le greffier,

N. BaaliLa République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24TL00015


Synthèse
Formation : Magistrat statuant seul
Numéro d'arrêt : 24TL00015
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Avocat(s) : MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-04-11;24tl00015 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award