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31/01/2024 | FRANCE | N°23TL00279

France | France, Cour administrative d'appel, 31 janvier 2024, 23TL00279


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'établissement public à caractère industriel et commercial Port Sud de France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la condamnation des sociétés Eurocrane-equipamentos de elevaçao et Arcen engenharia à lui verser une provision d'un montant total de 10 491 436,08 euros.



Les sociétés Eurocrane equipamentos de elevaçao et Arcen engenharia ont d

emandé au juge des référés précité, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public à caractère industriel et commercial Port Sud de France a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, la condamnation des sociétés Eurocrane-equipamentos de elevaçao et Arcen engenharia à lui verser une provision d'un montant total de 10 491 436,08 euros.

Les sociétés Eurocrane equipamentos de elevaçao et Arcen engenharia ont demandé au juge des référés précité, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de verser à la première d'entre elles une provision de 770 549,93 euros hors taxes.

Par une ordonnance n° 2002321-2106753 du 11 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, condamné la société Eurocrane equipamentos de elevaçao à verser à Port Sud de France, à titre de provision, la somme totale de 4 971 850,81 euros, dont la somme de 172 136,08 toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise, et, d'autre part, condamné la société Aquass à garantir la société Eurocrane Equipamentos de Elevaçao à hauteur de 25 % de la somme de 5 424 000,74 euros.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023 sous le n° 23TL00279, la société Aquass, représentée par Me de Angelis, demande au juge des référés de la cour de :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes de Port Sud de France et de la société Eurocrane equipamentos de elevaçao dirigées à son encontre et, à titre subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité dans la survenance des désordres soit limitée à 10 % ;

3°) de mettre à la charge de Port sud de France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le premier juge l'a condamnée à garantir la société Eurocrane à hauteur de 25 % du montant de la condamnation prononcée à son encontre ;

- en effet, elle n'a pas participé à la conception des grues, sa mission étant celle d'un assistant à la maîtrise d'ouvrage ; la circonstance qu'elle n'a pu remplir correctement cette mission en l'absence de certains documents devant être fournis par Eurocrane est sans lien avec la survenance des désordres, exclusivement imputables à cette dernière ;

- de plus, lorsque l'équipe d'assistance à la maîtrise d'ouvrage a participé aux opérations de réception, les stipulations du cahier des clauses techniques particulières étaient respectées s'agissant du réglage du contrôleur d'état de charge, des réserves étant émises par ailleurs ;

- en ce qui concerne les préjudices, l'évaluation à 3 740 857 euros du coût de remise en état des grues ne repose sur aucune pièce justificative et aucun devis et ne saurait donc être retenue ;

- les préjudices économiques ne sont pas davantage justifiés ;

- enfin, elle ne saurait être condamnée à garantir Eurocrane à hauteur de 25 % de la somme de 3 740 857 euros alors que cette dernière n'a été condamnée qu'à verser la somme de 3 288 707,07 euros.

II. Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023 sous le n° 23TL00282, la société Eurocrane equipamentos de elevaçao, présentée par Me Holterbach, demande au juge des référés de la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 11 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de mettre à la charge de Port sud de France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le premier juge a statué ultra petita en la condamnant à verser une somme au titre des travaux de réparation des deux grues alors que Port sud de France ne le demandait pas, concluant au contraire à l'inutilité de ces réparations ;

- par ailleurs, Port sud de France n'a pas démontré la réalité de son préjudice d'exploitation commerciale, notamment au titre des exercices 2020 à 2022, en se prévalant du rapport d'une société de conseil établi de manière non contradictoire et daté du 24 avril 2019 ;

- en outre, sa responsabilité dans la survenance des désordres a été retenue à tort par l'expert et, à sa suite, le premier juge ;

- enfin, les frais d'expertise ne peuvent rester à sa charge ; du reste, Port Sud de France ne démontre pas avoir réglé ces frais.

Par un mémoire, enregistré le 11 avril 2023, l'établissement public à caractère industriel et commercial Port sud de France conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société appelante et de la société Arcen engenharia à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée ne statue pas ultra petita puisque le montant de la provision au paiement de laquelle elle condamne l'appelante est inférieur à celui de la somme demandée en première instance ;

- la société appelante ne critique pas utilement les constats opérés par l'expert judiciaire ;

- ses comptes sont publics et il appartenait à l'appelante de contester l'étude effectuée par la société Mensia ;

- le montant des frais d'expertise doit être mis à la charge de la société appelante et de la société Arcen engenharia.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés industriels ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du 1er septembre 2022 par laquelle le président de la cour a désigné M. Éric Rey-Bèthbéder, président de la 3ème chambre, pour statuer sur les demandes en référé en application des dispositions de l'article L. 555-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Selon l'acte d'engagement du 21 août 2012, l'établissement public à caractère industriel et commercial Port sud de France, ci-après Port sud de France, a retenu l'offre de 8 400 000 euros hors taxes présentée par la société de droit portugais Eurocrane equipamentos de elevaçao, ci-après Eurocrane, pour la tranche ferme, et de 9 173 100 euros hors taxes, en incluant les six options, présentée dans le cadre du marché public industriel destiné à la conception, la fabrication, le montage et aux essais de deux grues identiques (EC1 et EC2) avec trémie portée, leur transport à Sète et leur mise en place sur les rails du quai I du port de Sète, y compris les interventions annexes éventuelles sur le transporteur continu existant, leurs raccordements et leur mise en service. La société Aquass a, quant à elle, été retenue dans le cadre d'un contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage lié au marché public industriel précité. Les deux grues ont été mises en service en mai 2014 et la réception du marché a été prononcée au mois d'août suivant, mais, le 30 décembre 2017, la poutre supportant la crémaillère de la grue EC2 a lâché, conduisant à son arrêt et également à celui de la grue EC1, sur conseil du constructeur. Ainsi la grue EC2 est demeurée arrêtée depuis cette date et la grue EC1 a été arrêtée jusqu'à la mi-juillet 2018 puis au début d'avril 2019 et, enfin, définitivement, à la suite de l'apparition de nouvelles fissures.

2. À la demande de Port Sud de France, le président du tribunal administratif de Montpellier a désigné, le 11 juillet 2018, un expert, qui a déposé son rapport le 1er mars 2022, aux fins, notamment, de décrire les désordres et malfaçons affectant les grues, de réunir les éléments d'information permettant au tribunal de dire si elles sont de nature à compromettre leur solidité ou à les rendre impropres à leur destination, de définir les mesures et travaux à réaliser pour assurer une mise en sécurité et permettre une remise en service provisoire ou définitive, de donner un avis motivé sur les causes et origines des désordres et malfaçons et d'indiquer la nature des travaux nécessaires pour remédier à la situation actuelle, en prévoir la durée et en chiffrer le coût. Port Sud de France a demandé au juge des référés du tribunal administratif précité de condamner solidairement les sociétés Eurocrane et Arcen Engenharia (Arcen) à lui verser, à titre de provision, les sommes de 8 400 000 euros hors taxes au titre du remboursement du coût d'achat des grues, 1 919 300 euros à raison des pertes d'exploitations subies et 172 136,08 euros toutes taxes comprises au titre des frais d'expertise, d'autre part, la société Eurocrane a demandé au même juge des référés de condamner Port Sud de France à lui verser une provision de 770 549,93 euros hors taxes, augmentés des intérêts moratoires, au titre des sommes restant dues en exécution du marché et que la société Aquass soit condamnée à la garantir à hauteur de 25 % des sommes qui seraient mises à sa charge.

3. Par la requête n° 23TL00279, la société Aquass relève appel de l'ordonnance du 11 janvier 2023 par laquelle le juge des référés précité l'a condamnée à garantir la société Eurocrane à hauteur de 25 % de la somme totale de 5 424 000,74 euros.

4. Par la requête n° 23TL00282 la société Eurocrane relève appel de l'ordonnance du 11 janvier 2023 par laquelle le juge des référés précité l'a condamnée à verser à Port sud de France une provision d'un montant total de 4 971 850,81 euros.

5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

6. Ainsi qu'il a été exposé au point 2 ci-dessus, Port Sud de France a sollicité, notamment, le versement d'une provision correspondant au coût de remplacement des deux grues livrées par la société appelante, pour un montant total de 8 400 000 euros, et le premier juge a mis à la charge de cette dernière, outre une somme au titre des pertes d'exploitation et une autre correspondant aux frais d'expertise, une somme de 3 288 707,07 euros au titre des frais de réparation de ces équipements, bien que cela n'était plus demandé dans le dernier état des écritures de première instance de Port sud de France sans pour autant que ce dernier ait déclaré se désister de sa demande concernant le coût de remplacement des deux grues précitées. Toutefois et compte tenu de ce que la limite des conclusions indemnitaires s'apprécie au regard du montant total de l'indemnisation demandée pour la réparation de l'entier dommage, soit, en l'espèce,

10 491 436,08 euros, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ne peut être regardé comme ayant statué ultra petita.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise cité au point 2, que les désordres en cause ne sont pas imputables à des défauts d'exécution mais, essentiellement, à des défauts de conception, d'études et de dimensionnement des grues EC1 et EC2 et, pour partie, à des défauts de vérification de la conformité des notes de calculs et plans et d'assistance aux opérations de vérification et de réception. Il résulte en outre de l'instruction, d'une part, que les interventions, modifications et réglages ainsi que les conditions d'entretien, de maintenance préventive et de dépannage des engins par la société Eurocrane, pendant la période contractuelle d'assistance technique, de 2014 à 2016, puis par la suite, sont de nature à avoir aggravé l'incidence des désordres matériels, et, d'autre part, que les dommages survenus sur la grue EC2, le 30 décembre 2017, sont la conséquence inéluctable de cette situation, de même pour la fissure constatée sur la grue EC1 à cette occasion. Enfin, les conditions de fonctionnement, qui résultent directement des modifications du système de pesage et des réglages du système de sécurité en cas de surcharge faites par le constructeur, dès les essais qui précédaient la mise en service, puis par la suite, ne sont de fait pas conformes à celles prévues au cahier des clauses techniques particulières et sont de nature à participer aux dommages, à engendrer une fatigue anormale et excessive des éléments, en l'état d'un dimensionnement insuffisant.

8. S'agissant, en deuxième lieu, de la réparation des préjudices, aux termes de l'article 33.5.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics industriels approuvé par l'arrêté du 16 septembre 2009 et auquel renvoie l'article 2.2 du cahier des clauses techniques particulière du marché : " Lorsque les prestations défaillantes ne sont pas réparables, le titulaire remplace les prestations défaillantes ou rembourse au pouvoir adjudicateur la valeur à neuf de la prestation ".

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise précité, qui s'appuie lui-même sur une étude économique détaillée établie par la société Stratébord, spécialisée dans l'expertise portuaire, laquelle n'est pas utilement contredite par les sociétés appelantes, que le coût des travaux nécessaires à la réparation des dommages constatés, avant dépose, démontage et contrôles demeurant à être effectués, en regard des désordres apparents constatés, hors pièces d'usure, et sous réserve de désordres susceptibles d'apparaître au démontage, peut être évalué à 3 466 397 euros hors taxes, auxquels s'ajoutent les frais d'intervention d'un bureau d'études, d'un maître d'œuvre indépendant et spécialisé en charge notamment des travaux d'études, de calculs de conception et de contrôles en cours de travaux pour un coût de l'ordre de 274 460 euros hors taxes, soit un total de 3 740 857 euros hors taxes.

10. Par ailleurs et en ce qui concerne les préjudices économiques, il ressort de l'étude, réalisée le 24 avril 2019 à la demande de Port Sud de France et établie par la société Mensia, dont l'une des activités est le conseil aux collectivités locales en matière de gestion des dépenses publiques, à partir d'informations comptables non utilement contestées par les sociétés appelantes, qu'en raison des dysfonctionnements des deux grues, la marge horaire de Port Sud de France s'élève à 60 euros en 2018 comparée à 220 euros pour la marge horaire moyenne constatée en 2016-2017. Si une partie de ce manque à gagner est couvert par l'assureur " perte d'exploitation " de Port Sud de France, demeure la somme de 412 093 euros non prise en charge par celui-ci au titre de l'exercice 2018. Cette somme peut aussi être retenue au titre des pertes d'exploitation non indemnisées pour 2019, 2021 et jusqu'au 1er septembre 2022, date à laquelle la demande de réparation du préjudice a été complétée en raison de son aggravation. Ainsi que l'a estimé à bon droit le premier juge, le montant de la réparation de ce préjudice peut être fixé à la somme de 1 511 007,66 euros.

11. En ce qui concerne l'appel en garantie présenté à l'encontre de la société Aquass, il résulte de ce qui a été exposé au point 7 que cette dernière, qui avait pour missions, notamment et aux termes du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclu par elle avec Port Sud de France, la vérification de la conformité des notes de calculs et plans et l'assistance aux opérations de vérification et de réception, a une part de responsabilité dans la survenance des désordres en cause, laquelle a été estimée à bon droit par le premier juge à 25 %.

12. Il résulte, de plus, de ce qui a été exposé aux points 8 à 10 que le montant des préjudices subis par Port Sud de France, relatifs au coût de réparation des grues et au manque à gagner engendré par la défaillance de celles-ci, s'établit à la somme globale de 5 251 864,66 euros. Cependant et comme le relève la société Aquass, le premier juge a omis d'extourner de ce montant la somme de 452 149,93 euros, correspondant au montant de la retenue de garantie de 5 %, qu'il a imputée, au point 15 de l'ordonnance attaquée, sur la somme de 3 740 857 euros correspondant au coût de réparation des grues.

13. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'État, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance (...) ". Aux termes de l'article R. 761-5 du même code : " Les parties, l'État lorsque les frais d'expertise sont avancés au titre de l'aide juridictionnelle ainsi que, le cas échéant, l'expert, peuvent contester l'ordonnance mentionnée à l'article R. 761-4 devant la juridiction à laquelle appartient l'auteur de l'ordonnance. / (...) / Le recours mentionné au précédent alinéa est exercé dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance sans attendre l'intervention de la décision par laquelle la charge des frais est attribuée ".

14. L'ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif liquide et taxe les frais et honoraires d'expertise, qui revêt un caractère administratif, peut faire l'objet, en vertu des dispositions précitées des articles R. 621-13 et R. 761-5 du code de justice administrative, d'un recours de plein contentieux par lequel le juge détermine les droits à rémunération de l'expert ainsi que les parties devant supporter la charge de cette rémunération. En vertu de l'avant-dernier alinéa de ce même article R. 621-13, ce n'est que lorsque les frais d'expertise sont compris dans les dépens d'une instance principale que la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que ces frais seront mis définitivement à la charge d'une partie autre que celle qui est désignée par l'ordonnance de taxation ou le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. Dès lors que la partie désignée par l'ordonnance de taxation comme devant supporter les frais d'expertise dispose d'une voie de droit spéciale pour contester cette désignation et que le juge du référé provision n'est pas saisi de l'instance principale, cette partie n'est pas recevable à demander à ce juge l'octroi d'une provision au titre de ces frais.

15. Il résulte de l'instruction que le président du tribunal administratif de Montpellier a, par une ordonnance du 15 mars 2022, mis à la charge de Port Sud de France les frais et honoraires de l'expertise, pour un montant de 172 136,08 euros. En application de l'article R. 621-13 du même code, Port Sud de France disposait donc de la faculté de contester les frais et honoraires de l'expert par le recours spécifique prévu par l'article R. 761-5 du code de justice administrative. Les conclusions de Port Sud de France présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier tendant à ce que la société Eurocrane soit condamnée à supporter les frais et honoraires d'expertise étaient par conséquent irrecevables. Du reste et à supposer que cette demande tendait à ce que le juge des référés mît à la charge définitive de la société précitée les frais et honoraires de l'expertise taxés par l'ordonnance du 15 mars 2022, une telle demande ne se rapportait pas au versement d'une provision. Par suite, n'entrant pas dans l'office du juge des référés de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, qui ne prescrit que des mesures de nature provisoire, elle était irrecevable. Dès lors, c'est à tort que le premier juge a mis ces frais à la charge de la société Eurocrane.

16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la société Eurocrane est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Port Sud de France une provision excédant 4 799 714,73 euros, et, d'autre part, que la société Aquass est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à garantir la société Eurocrane à hauteur de 25 % d'une provision excédant 4 799 714,73 euros.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : Le montant de la provision au paiement de laquelle la société Eurocrane est condamnée, au profit de Port Sud de France, est ramené à 4 799 714,73 euros.

Article 2 : La société Aquass garantira la société Eurocrane à hauteur de 25 % de la provision citée à l'article 1er.

Article 3 : L'ordonnance du 11 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est réformée en ce qu'elle a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés Eurocrane Equipamentos de Elevaçao et Aquass, et à l'établissement public à caractère industriel et commercial Port sud de France.

Fait à Toulouse, le 31 janvier 2024.

Le juge d'appel des référés,

Éric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

No 23TL00279-23TL00282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Numéro d'arrêt : 23TL00279
Date de la décision : 31/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-015 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé-provision.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : MBA & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-31;23tl00279 ?
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