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18/04/2023 | FRANCE | N°22TL22422

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 18 avril 2023, 22TL22422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée Château Auzias Paretlongue, la société civile Château Auzias international et la société par actions simplifiée Château Auzias Paretlongue Auzias ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de désigner un expert afin qu'il constate, détermine et évalue l'étendue, l'imputabilité, les causes et les origines des inondations survenues les 10 et 11 mai 2020.

Par une ordonnance n° 2202762 du 22 novembre 2022, le juge d

es référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée Château Auzias Paretlongue, la société civile Château Auzias international et la société par actions simplifiée Château Auzias Paretlongue Auzias ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de désigner un expert afin qu'il constate, détermine et évalue l'étendue, l'imputabilité, les causes et les origines des inondations survenues les 10 et 11 mai 2020.

Par une ordonnance n° 2202762 du 22 novembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2022 sous le n° 22TL22422 et un mémoire enregistré le 24 mars 2023, l'exploitation agricole à responsabilité limitée Château Auzias Paretlongue, la société civile Château Auzias international et la société par actions simplifiée Château Auzias Paretlongue, représentées par Me Vermot, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 novembre 2022 ;

2°) de désigner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, un expert chargé de :

- de se rendre sur les lieux du litige,

- convoquer les parties,

- se faire remettre tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- constater et décrire les désordres allégués,

- indiquer la nature de ces désordres, leur importance et leur date d'apparition,

- rechercher l'origine et les causes de ces désordres, préciser la part et l'imputabilité respectives de chacune d'entre elles,

- se procurer les rapports d'utilisation établis les 10 et 11 mai 2020 concernant les diverses manipulations effectuées sur le barrage de Lampy ainsi que les autres barrages concernés,

- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues,

- préconiser toute mesure permettant d'éviter la répétition des désordres à l'avenir,

- proposer, le cas échéant, les mesures d'urgence à mettre en œuvre afin d'éviter, pendant les opérations d'expertise, une aggravation des désordres,

- fournir tous les éléments de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice subi par elles,

- adresser aux parties un pré-rapport dans lequel seront exposées les conclusions de l'expert,

- répondre aux dire des parties déposés dans le mois suivant la communication du pré-rapport.

Elles soutiennent que :

- elles ont intérêt et qualité pour agir ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a entaché son ordonnance d'irrégularité en ce qu'il a considéré que la demande portait sur un référé-constat et non un référé-expertise et partant, a statué sur des conclusions dont il n'était pas saisi ;

- le fait que la propriété soit située en zone inondable est sans incidence sur la demande d'expertise visant à déterminer si une faute a été commise ;

- suite au constat des préjudices subis et à l'estimation du montant de leur indemnisation, la mesure d'expertise est utile pour déterminer leur imputabilité.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2023, le département de l'Aude, représenté par M. A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés requérantes de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et subsidiairement à ce que la société des eaux potables de Laprade soit appelée à participer aux opérations d'expertise.

Il soutient que la demande ne présente pas de caractère utile que ce soit sur le fondement de l'article R. 531-1 ou de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2023, la société BRL Exploitation, représentée par Me de Angelis, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et à la mise à la charge solidaire des sociétés requérantes de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les sociétés requérantes ne justifient pas de leur qualité et de leur intérêt à agir et que la demande ne présente pas de caractère utile que ce soit sur le fondement de l'article R. 531-1 ou de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2023, l'Institution des Eaux de la Montagne Noire, représentée par Me Banel, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et à la mise à la charge des sociétés requérantes de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les sociétés requérantes ne justifient pas de leur qualité et de leur intérêt à agir et que la demande ne présente pas de caractère utile que ce soit sur le fondement de l'article R. 531-1 ou de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2023, le syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières, représenté par Me Marc, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et à la mise à la charge des sociétés requérantes du versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande est irrecevable faute de motivation et ne présente pas de caractère utile que ce soit sur le fondement de l'article R. 531-1 ou de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2023, la société des eaux potables de Laprade, représentée par Me Pinet, conclut au rejet de la requête, à sa mise hors de cause et à la mise à la charge solidaire des sociétés requérantes de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la demande ne présente pas de caractère utile que ce soit sur le fondement de l'article R. 531-1 ou de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2023, l'établissement Voies Navigables de France, représenté par Me Caron, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés requérantes de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande ne présente pas de caractère utile que ce soit sur le fondement de l'article R. 531-1 ou de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Le domaine de Paretlongue situé à Pennautier dans l'Aude, a été inondé les 10 et 11 mai 2020. Par une requête enregistrée auprès du tribunal administratif de Montpellier le 30 mai 2022, la SCI Château Auzias International, propriétaire du terrain, l'EARL Château Auzias Paretlongue, exploitant viticole et la SAS Château Auzias, société commerciale, ont saisi le juge des référés afin qu'il désigne un expert chargé de déterminer l'origine, la cause et l'étendue des préjudices qu'elles invoquent. Par une ordonnance du 22 novembre 2022 dont les sociétés précitées relèvent appel, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à ces demandes.

Sur la recevabilité :

2. Les trois personnes morales requérantes justifient, dès lors que leur demande a été rejetée par le tribunal, de leur intérêt à faire appel et sont régulièrement représentées alors qu'eu égard aux qualités dont elles se prévalent exposées au point 1 elles justifient de leur intérêt à avoir demandé en première instance que soit ordonnée une expertise pour apprécier les causes et évaluer les préjudices des inondations ayant frappé le domaine viticole du Château Auzias.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. Il peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Il peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels (...). ". Aux termes de l'article R. 532-1 du même code : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ".

4. Il ressort des pièces du dossier que les sociétés requérantes ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier en se fondant de manière expresse sur les dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative afin qu'il prononce une mesure d'expertise tendant notamment à rechercher l'origine et la cause des désordres, de dire s'ils sont imputables à un défaut d'entretien ou à des manœuvres inadéquates des gestionnaires des barrages mis en cause et de proposer les mesures d'urgence à prendre pour éviter leur aggravation. Ces conclusions ne peuvent être regardées comme demandant la seule constatation de faits au sens de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, mais comme une demande d'expertise au sens de l'article R. 532-1 précité. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a méconnu son office et entaché l'ordonnance du 22 novembre 2022 d'irrégularité en répondant à cette demande sur le fondement de l'article R. 531-1.

5. Il y a lieu pour la cour d'annuler ladite ordonnance et de statuer immédiatement par voie d'évocation sur la demande des sociétés requérantes devant le tribunal.

Sur l'utilité de la demande d'expertise :

6. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 précité doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

7. Les sociétés requérantes soutiennent que l'expertise est utile dès lors qu'elle permettra d'apprécier l'incidence de la gestion de sept barrages lors de l'épisode orageux des 10 et 11 mai 2020 et notamment de vérifier une hypothèse émise par le rapport de la société HydroPraxis de l'ouverture d'une vanne du barrage du Lampy qui expliquerait le caractère anormal des inondations subies et qu'elle assurera plus généralement une discussion contradictoire afin d'apprécier les désordres et leurs causes ainsi que les préjudices subis. S'agissant de l'étendue des désordres les sociétés disposent déjà d'un procès-verbal de constat du 14 mai 2020 dressé par un huissier de justice, donnant un tableau précis de l'étendue des dommages causés par les inondations des 10 et 11 mai 2022 sur le domaine de Paretlongue et d'un rapport du 1er mars 2021 rédigé par M. B..., expert mandaté, estimant le montant des dommages subis par le propriétaire du domaine de Paretlongue au moins à 411 000 euros. Il leur est possible de faire compléter l'évaluation de ce préjudice en ce qui concerne les pertes de récoltes alléguées sans qu'il soit nécessaire à ce stade d'avoir recours à une expertise judiciaire. Il ressort aussi de ce même rapport que les terrains concernés sont situés sur le territoire de la commune de Pennautier couvert par un plan de prévention du risque inondations et que le risque d'inondation de ce secteur a ainsi fait l'objet d'études précises des services de l'Etat. Par ailleurs le rapport d'expertise produit par le cabinet HydroPraxis en mars 2021 analyse les données relatives aux apports d'eau constatés lors des épisodes pluvieux des 10 et 11 mai 2020 dans les barrages mis en cause par les sociétés requérantes et émet l'hypothèse de l'ouverture d'une vanne du barrage de Lampy. Toutefois le préfet de l'Aude a produit devant le tribunal tous les éléments sur la gestion de l'épisode orageux des 10 et 11 mai par les gestionnaires de l'ensemble des barrages mis en cause y compris celui du Lampy dont il ressort que le niveau de retenue normale n'a pas été atteint à cette occasion et qu'il n'a pas été procédé au lâcher d'eau allégué, cette analyse étant confirmée aussi devant le premier juge par l'établissement public Voies Navigables de France. Dans ces conditions, en l'absence notamment de la moindre démonstration sur le lien de causalité entre l'action des personnes publiques mises en cause et les inondations ayant affecté la propriété de la société civile requérante et des éléments déjà à leur disposition sur la gestion des barrages lors de l'épisode, les causes des inondations et les désordres subis, la mesure d'expertise demandée ne satisfait pas à la condition d'utilité requise à l'article R. 532-1 du code de justice administrative.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande d'expertise présentée par les sociétés requérantes ne présentant pas le caractère d'utilité requis par les dispositions précitées doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département de l'Aude, de l'établissement public Voies Navigables de France, de l'Institution des Eaux de la Montagne Noire, du syndicat mixte des milieux aquatiques et rivières, de la société des eaux potables de Laprade et de la société BRL Exploitation tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 22 novembre 2022 est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EARL Château Auzias, de la SCI Château Auzias International et de la SAS Château Auzias est rejeté.

Article 3 : Les conclusions du département de l'Aude, de l'Institution des Eaux de la Montagne Noire, du syndicat mixte des milieux aquatiques, de Voies Navigables de France, de la société des eaux potables de Laprade et de la société BRL Exploitation tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SCI Château Auzias International, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au département de l'Aude, à l'établissement public Voies Navigables de France, à l'Institution des Eaux de la Montagne Noire, au syndicat mixte des milieux aquatiques et rivières, à la commune de Cennes-Monesties, à la société des eaux potables de Laprade et à la société BRL Exploitation.

Copie en sera adressée au préfet de la région Occitanie et au préfet de l'Aude.

Fait à Toulouse, le 18 avril 2023.

Le président,

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°22TL22422 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 22TL22422
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Avocat(s) : GOUTAL ALIBERT et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-04-18;22tl22422 ?
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