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31/12/2012 | FRANCE | N°12PA01358

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 10ème chambre, 31 décembre 2012, 12PA01358


Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2012, présentée pour la SARL Les saveurs d'Orient, dont le siège est au 17 rue Daguerre à Paris (75014), par Me Roulleaux Dugage ; la SARL Les saveurs d'Orient demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1020126/2-3 du 19 janvier 2012, en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, mis à sa charge au titre de

l'année 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentai...

Vu la requête, enregistrée le 21 mars 2012, présentée pour la SARL Les saveurs d'Orient, dont le siège est au 17 rue Daguerre à Paris (75014), par Me Roulleaux Dugage ; la SARL Les saveurs d'Orient demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1020126/2-3 du 19 janvier 2012, en tant que, par celui-ci, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondantes, mis à sa charge au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités correspondant à ces impositions et taxes, mis à sa charge au titre des années 2005 et 2006 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. Paris, rapporteur,

- et les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Les saveurs d'Orient, qui exerce une activité de traiteur en spécialités orientales, a fait l'objet du 29 novembre 2007 au 22 février 2008 d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2005 et 31 décembre 2006 ; que, par une notification des bases servant au calcul des éléments taxés d'office en date du 31 mars 2008, l'administration fiscale l'a informée des rectifications envisagées de son bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2006, ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qu'il était envisagé de lui assigner ; qu'à la suite des observations présentées par le contribuable le 2 juin 2008, l'administration a informé la SARL Les saveurs d'Orient, par un courrier en date du 6 juin 2008, du maintien de ces rectifications ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et les compléments de taxe sur la valeur ajoutée découlant des opérations de contrôle, ainsi que les pénalités correspondantes, ont été mis en recouvrement par voie d'avis en date du 6 août 2008 ; qu'à la suite de la décision du 3 août 2010 n'admettant que partiellement la réclamation préalable qu'elle avait formée le 22 décembre 2009, la SARL Les saveurs d'Orient a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge des impositions, taxes et pénalités ainsi mises à sa charge ; que par un jugement du 19 janvier 2012, le Tribunal administratif de Paris a jugé qu'il n'y avait lieu de statuer à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance et a rejeté le surplus des conclusions de la SARL Les saveurs d'Orient ; que cette dernière relève appel de ce jugement, en tant que, par celui-ci, le tribunal a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que la SARL Les saveurs d'Orient soutient, en premier lieu, que la procédure d'établissement des impositions mises à sa charge serait irrégulière, faute pour l'administration fiscale d'avoir eu recours à la procédure de rectification contradictoire prévue par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales et dès lors, en particulier, qu'elle n'a pas été mise à même de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et du premier alinéa de l'article L. 68 du même livre, sont taxées d'office à l'impôt sur les sociétés les personnes morales qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration et qui n'ont pas régularisé leur situation dans le délai de trente jours suivant la notification d'une mise en demeure ; qu'en vertu, par ailleurs, du 3° du même article L. 66, sont taxées d'office aux taxes sur le chiffre d'affaires les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevable des taxes ;

4. Considérant que le ministre de l'économie fait valoir que la SARL Les saveurs d'Orient n'a déposé sa déclaration d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2006 que le 24 septembre 2007, soit plus de trente jours après la réception, le 25 juin 2007 d'une mise en demeure ; qu'il ajoute par ailleurs que la déclaration annuelle qu'était tenue de déposer la société requérante au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2005 n'a été déposée que le 29 septembre 2006, alors que la date limite pour le dépôt d'une telle déclaration avait été fixée au 2 mai 2006, et que la société n'a déposé la déclaration annuelle de taxe sur le valeur ajoutée au titre de l'année 2006 que le 24 septembre 2007, soit après la date limite de dépôt fixée au 2 mai 2007 et, au demeurant, plus de trente jours après la réception par le contribuable, le 20 juin 2007, d'une mise en demeure de souscrire cette déclaration ; que la SARL Les saveurs d'Orient, en se bornant à soutenir qu'elle a fait l'objet d'une campagne de désorganisation interne et qu'elle a justifié de manière irréfutable avoir déposé ses déclarations, ne rapporte pas, par cette seule allégation, la preuve qui lui incombe de ce qu'elle se serait acquittée de ses obligations déclaratives dans les délais prévus par les dispositions précédemment rappelées des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales ; que, dans ces circonstances, c'est à bon droit que le service a eu recours à la procédure de taxation d'office prévue par ces mêmes dispositions ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière, faute pour l'administration fiscale d'avoir eu recours à la procédure de rectification contradictoire, ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en outre, qu'il résulte des dispositions des articles L. 59 et suivants du livre des procédures fiscales que, hormis le cas du contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, prévu par l'article L. 76 du même livre, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut être saisie, à la demande du contribuable, que lorsqu'un désaccord persiste sur les rectifications notifiées selon la procédure contradictoire ; que dès lors, ainsi qu'il a été dit, que la SARL Les saveurs d'Orient a été régulièrement taxée d'office à raison des rectifications en litige, le moyen tiré, par la société requérante, de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière faute pour l'administration de l'avoir mis à même de saisir cette commission ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, enfin, que les stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; qu'il s'ensuit que la SARL Les saveurs d'Orient ne peut utilement invoquer ces stipulations pour contester la régularité de la procédure d'établissement, par l'administration, des impositions mises à sa charge, qui ne revêtent pas le caractère d'obligations ou d'accusations de la nature de celles qui viennent d'être mentionnées ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

7. Considérant, en premier lieu, que la SARL Les saveurs d'Orient soutient que l'administration ne pouvait regarder sa comptabilité comme n'étant pas probante et, par suite, procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires réalisé en espèces ;

8. Considérant que si, il est vrai, la seule circonstance que la société n'ait pas disposé de caisse enregistreuse ne suffisait pas, à elle seule, à faire regarder la comptabilité comme dépourvue de valeur probante, il ressort néanmoins, tant de la notification des bases de calcul des éléments imposés d'office adressée à la société requérante, que des allégations non contestées du ministre de l'économie, que la SARL Les saveurs d'Orient s'est bornée à présenter, pour justifier de ses recettes, un cahier retraçant uniquement les montants globaux des ventes réalisées quotidiennement, certes réparties entre les ventes sur place et les ventes à emporter, mais sans indication aucune du détail des produits vendus, ni de la répartition des recettes effectuées entre les différents modes de règlement ; que le service a en outre constaté qu'au cours des mois de juillet à décembre 2006, la société n'avait encaissé aucune recette en espèces, alors qu'il n'est pas contesté que le gérant a lui-même reconnu, au cours du débat oral et contradictoire, que cette circonstance ne reflétait pas la réalité de l'activité économique de la SARL Les saveurs d'Orient ; que ces derniers éléments suffisaient à regarder la comptabilité de la société requérante comme ne reflétant pas la réalité de son activité économique et, par suite, comme n'étant pas probante ; que, par conséquent, c'est à bon droit que l'administration fiscale a pu reconstituer, ainsi qu'elle l'a fait, le chiffre d'affaires réalisé en espèces au cours de l'exercice clos en 2006 ;

9. Considérant, en second lieu, que la SARL Les saveurs d'Orient peut être regardée comme soutenant que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires réalisé en espèces serait viciée dans son principe ; qu'elle fait en effet valoir, à cet égard, que le service ne pouvait se fonder, pour effectuer cette reconstitution, sur les données recueillies pendant les opérations de contrôle, correspondant au mois de janvier 2008, sans tenir compte de ce que l'entreprise, créée en 2005, était encore en phase de développement et de ce que, par suite, le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice clos en 2006 était nécessairement moins élevé que celui réalisé en 2008 ;

10. Considérant, il est vrai, que pour reconstituer le chiffre d'affaires réalisé en espèces par la SARL Les saveurs d'Orient au titre de l'exercice clos en 2006, l'administration fiscale s'est fondée sur l'analyse des fiches-clients détaillées résultant de l'activité du mois de janvier 2008, conservées par le gérant, à la suite de la demande présentée par l'agent vérificateur au cours des opérations de contrôle ; que, toutefois, l'analyse de ces fiches-clients n'a pas conduit le vérificateur à extrapoler, au titre de l'année 2006, le chiffre d'affaires réalisé en espèces au cours du mois de janvier 2008, mais a seulement permis à celui-ci de déterminer un taux moyen de recettes réalisées en espèces, par rapport au chiffre d'affaires total ; que ce taux a ensuite été comparé à celui des recettes réalisées en espèces au cours de l'exercice clos en 2006, tel que celui-ci résultait des déclarations déposées par la société requérante, afin de déterminer le montant des recettes non déclarées ; que, dans ces circonstances et en l'absence, en outre, de toute autre précision et de toute justification de la part de la SARL Les saveurs d'Orient, la reconstitution opérée par le service, qui était fondée sur des données propres de l'activité de la société au titre de l'exercice vérifié, ne peut être regardée comme étant viciée dans son principe ; que, dès lors, le contribuable ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales eu égard à la procédure de taxation d'office utilisée, de l'exagération des impositions mises à sa charge ;

Sur les pénalités :

11. Considérant, en premier lieu, que la SARL Les saveurs d'Orient soutient que l'application de la pénalité de 40 % qui lui a été assignée sur le fondement du b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, ne serait pas suffisamment motivée ; qu'en vertu de ces dispositions, une telle pénalité est applicable lorsque la déclaration n'a pas été déposée dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ;

12. Considérant, toutefois, que la notification des bases de calcul des éléments taxés d'office adressée à la société requérante précisait expressément le fondement légal de cette pénalité, à savoir l'article 1728 du code général des impôts, ainsi que la nature et le taux de celle-ci ; qu'en outre, cette notification, dans les paragraphes consacrés aux pénalités, renvoyait explicitement aux paragraphes consacrés à la procédure, dans lesquels étaient mentionnées, tant les dates limites de dépôt des déclarations, que les dates d'envoi des mises en demeure de produire les déclarations et les dates auxquelles la société requérante avait accusé réception de ces mises en demeure, ainsi que les dates auxquelles le contribuable avait effectivement déposé ses déclarations ; que, dans ces conditions, ce document comportait l'indication suffisante des considérations de droit et de fait constituant le fondement de la décision d'appliquer la pénalité litigieuse, conformément à l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, auquel renvoie l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

13. Considérant, en second lieu, que la SARL Les saveurs d'Orient soutient que la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts ne pouvait lui être assignée ; qu'aux termes des dispositions de cet article, " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent (...) des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées " ; que l'article 117 de ce même code prévoit que, lorsque la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution ;

14. Considérant, d'une part, que la circonstance, invoquée par la société requérante, tirée de ce que l'administration fiscale ne pouvait lui assigner cette pénalité dès lors que celle-ci ne rapporte pas la preuve de sa mauvaise foi est sans incidence sur le bien-fondé de cette pénalité, dont l'application n'implique aucune appréciation sur l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt ;

15. Considérant, d'autre part, ainsi qu'il a été dit, que l'administration était fondée à rectifier le résultat imposable de la SARL Les saveurs d'Orient au titre de l'année 2006, en y rapportant le montant reconstitué du chiffre d'affaires réalisé en espèces ; qu'il est constant que les produits correspondants n'ont pas été mis en réserve ou incorporés au capital et ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ; qu'ils avaient ainsi la nature de revenus distribués au sens des dispositions combinées du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et de l'article 110 du même code ; que, dès lors qu'il est également constant, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la masse des revenus distribués excédait le montant total des distributions tel qu'il résultait des déclarations, l'administration était fondée à inviter la SARL Les saveurs d'Orient à lui fournir, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution, au sens des dispositions de l'article 117 de ce code ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de réponse de la société requérante à cette demande, c'est à bon droit que l'administration a pu lui assigner l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Les saveurs d'Orient n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande ; qu'il en résulte que, l'État n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions présentées par la SARL Les saveurs d'Orient, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Les saveurs d'Orient est rejetée.

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N° 12PA01358


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA01358
Date de la décision : 31/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LOOTEN
Rapporteur ?: M. Timothée PARIS
Rapporteur public ?: M. OUARDES
Avocat(s) : CABINET BERNARDS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-12-31;12pa01358 ?
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