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30/03/2006 | FRANCE | N°05PA04287

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites a la frontiere, 30 mars 2006, 05PA04287


Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2005, présentée pour Mme Y... née A..., élisant domicile ..., par Me X... ; Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508840/8 en date du 24 juin 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 mai 2005 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour et de rée

xaminer sa situation, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la no...

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2005, présentée pour Mme Y... née A..., élisant domicile ..., par Me X... ; Mme demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0508840/8 en date du 24 juin 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 17 mai 2005 décidant sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative, au versement de la somme de 1 500 euros, à payer directement au profit de Me X... ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret n°46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus par l'article 7-5 du décret n°46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris, en date du 6 octobre 2005, admettant Mme née TUMUENA au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du 2 janvier 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à M. Piot, magistrat ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 17 mars 2006, présenté son rapport et entendu :

- les observations orales de Me Z..., représentant Mme née TUMUENA,

- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme née TUMUENA, de nationalité congolaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 11 février 2005, de la décision du préfet de police du 3 février 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que si Mme née TUMUENA soutient que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a entaché son jugement d'irrégularité en ne répondant pas au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 11° dudit code, il ressort des pièces du dossier que devant le Tribunal administratif de Paris l'intéressée a seulement évoqué que son état de santé qui résultait d'une opération qu'elle avait subie en France devait être pris en charge en France ; que, dès lors, en estimant qu'aucun texte ne lui ouvrait droit au regard de cette circonstance à se maintenir sur le territoire et ne faisait obstacle à un arrêté de reconduite à la frontière, le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Paris a suffisamment répondu à ce moyen ; que, dès lors, il n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;

Considérant, d'autre part, que si Mme née TUMUENA soutient que le magistrat délégué a omis de répondre au moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort des pièces du dossier qu'un tel moyen n'a pas été invoqué à l'appui de sa demande ; que, dès lors, ce moyen doit être rejeté comme non fondé ;

Sur le légalité du refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, alors en vigueur : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...)./ La commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme née TUMUENA excipait de son état de santé pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article 12 bis 11° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur, elle n'entrait pas dans le champ des dispositions de cet article ; que, par suite, le préfet de police n'était pas tenu, en application de l'article 12 quater, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de la même ordonnance : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 introduit dans le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, le médecin chef du service médical de la préfecture. (…). Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin, chef du service médical de la préfecture de police d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de police rejetant la demande de titre de séjour de Mme née TUMUENA a été prise au vu de l'avis du médecin chef du service médical de la préfecture de police qui indiquait que l'état de santé de Mme née TUMUENA ne nécessitait pas une prise en charge médicale et que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que si la requérante produit deux certificats médicaux des 29 juillet 2003 et 18 août 2005 indiquant qu'elle est suivie pour un problème de stérilité, ceux-ci n'établissent pas qu'il y aurait pour elle, en cas de non prise en charge, des risques d'une exceptionnelle gravité, ni qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine, ni qu'elle ne peut voyager sans risques ; qu'ainsi, même s'il ne mentionnait pas si l'intéressée pouvait ou non bénéficier dudit traitement dans son pays d'origine, la durée de celui-ci et qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, ces mentions n'étaient pas rendues nécessaire par l'état de santé de la requérante ; que, dès lors, le médecin chef du service médical de la préfecture de police a fourni dans l'avis transmis au PREFET DE POLICE toutes les précisions qu'il lui incombait de donner en application des dispositions de l'arrêté du 8 juillet 1999 ; que, par suite, Mme née TUMUENA n'est pas fondée à invoquer l'irrégularité de cet avis ;

Considérant que Mme née TUMUENA suit avec son mari un traitement contre la stérilité ; que cette situation n'entre pas dans le champ des dispositions de l'article 12 bis 11°précitées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de cet article doit être rejeté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée, alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. » ; et qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si Mme née TUMUENA soutient qu'elle réside en France depuis 1996, qu'elle est bien intégrée, qu'elle a déclaré ses ressources à l'administration fiscale, que son époux réside sur le territoire français depuis plus de dix ans et a donc droit à un titre de séjour et que le couple tente depuis 1997 d'avoir un enfant et suit un traitement en ce sens et qu'à raison de son âge il constitue pour eux l'ultime chance d'avoir un enfant, il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée en France à l'âge de 27 ans, qu'elle est mariée avec un compatriote lui-même en situation irrégulière, qu'elle ne soutient pas être démunie d'attaches familiales au Congo, qu'elle n'établit ni la durée de sa présence sur le territoire national ni son intégration en France ; que, dès lors, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation familiale et personnelle et n'a méconnu ni les dispositions de l'article 12 bis 7° ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de l'admettre au séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance précitée et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (…) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (…) » ;

Considérant que si la requérante allègue qu'elle suit un traitement médical de longue durée qui lui imposerait de rester en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

Considérant que si Mme née TUMUENA fait valoir que la mesure de reconduite contestée porterait atteinte à sa vie privée et familiale, il ressort des pièces du dossier et des éléments sus évoqués que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressée en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police en date du 17 mai 2005 n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme née TUMUENA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant que le présent arrêt qui rejette la requête de Mme née TUMUENA n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à Mme née TUMUENA une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme née TUMUENA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme née TUMUENA est rejetée.

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N° 05PA04287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05PA04287
Date de la décision : 30/03/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie PIOT
Rapporteur public ?: M. COIFFET
Avocat(s) : COSTAMAGNA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-03-30;05pa04287 ?
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