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19/05/2005 | FRANCE | N°01PA01732

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5eme chambre - formation a, 19 mai 2005, 01PA01732


Vu I, la requête, enregistrée le 22 mai 2001 sous le numéro 01PA01732, présentée pour la société S.C.D.M., dont le siège est ..., par Me X... ; la requérante demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952620 du 13 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a partiellement rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices 1987 à 1989 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de au titre de 3 000 F de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative ;

..........................................................

Vu I, la requête, enregistrée le 22 mai 2001 sous le numéro 01PA01732, présentée pour la société S.C.D.M., dont le siège est ..., par Me X... ; la requérante demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952620 du 13 mars 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a partiellement rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices 1987 à 1989 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de au titre de 3 000 F de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu II, la requête, enregistrée le 7 septembre 2001, sous le numéro 01PA02962, présentée pour la société S.C.D.M.,dont le siège est ..., par Me X... ; la requérante demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 952620 du 28 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des exercices 1987 à 1989 résultant de l'estimation de ses travaux en cours ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi de finances rectificative n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 pour l'année 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 avril 2005 :

- le rapport de M. Vincelet, rapporteur,

- et les conclusions de M. Jardin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société en nom collectif Tradition et Qualité , qui commercialisait des maisons individuelles et était détenue par la société anonyme Mabinvest , a, à la suite de la vérification de sa comptabilité, été assujettie à des rappels d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 1987 à 1989 ; que les deux requêtes de la société S.C.D.M., laquelle vient aux droits de la société Mabinvest , tendent respectivement à l'annulation des jugements des 13 mars et 28 juin 2001 par lesquels le Tribunal administratif de Versailles a, d'une part prescrit un supplément d'instruction pour permettre de chiffrer les frais de commercialisation à inclure dans l'évaluation des stocks et travaux en cours de la contribuable tout en rejetant ses conclusions en décharge des impositions ne résultant pas de cette évaluation, d'autre part rejeté le surplus de ses conclusions en décharge des impositions trouvant leur base dans l'évaluation des stocks et travaux ; qu'eu égard à leur connexité, il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que contrairement aux observations de la requérante, la notification de redressements qui a été adressée le 28 novembre 1990 à son gérant mentionnait les conséquences financières des redressements ; que la contribuable étant soumise à l'article 8 du code général des impôts applicable aux sociétés de personnes, les redressements procédant du contrôle de sa comptabilité ont été en outre, directement assignés à chacun de ses associés, par des notifications leur précisant, en conformité avec l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, les conséquences financières sur leur imposition personnelle ; que l'intéressée n'est, dès lors et en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle aurait été induite en erreur par le manque de clarté du document dont elle a été destinataire ;

Considérant, en deuxième lieu, que la réponse du vérificateur en date du 1er février 1991 aux observations de la contribuable du 28 novembre précédent, prenait en considération, sur chacun des trois chefs de redressement contestés relatifs aux frais d'établissement, aux redevances versées à sa société mère et à la valorisation des stocks, l'argumentation développée par l'intéressée en y apportant formellement une réponse ; que la circonstance que cette réponse serait erronée en droit, insuffisamment claire ou ne satisferait pas son destinataire, n'est pas de nature à la faire regarder comme insuffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que le vérificateur n'avait pas admis, dans la notification de redressement initiale, l'abattement pratiqué sur la valeur des stocks en tant qu'il n'était pas individualisé par dossier ; qu'il n'a procédé à aucune substitution de base légale dans sa réponse aux observations du contribuable en mentionnant que la méthode statistique employée n'était pas appropriée ; que la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles L. 54 et L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1...le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises...2 le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt...l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : 1° Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1°les frais généraux de toute nature....2° les amortissements réellement effectués par l'entreprise dans la limite de ceux qui sont généralement admis... ;

S'agissant des frais d'établissement :

Considérant qu'au cours des exercices antérieurs à la période vérifiée, la contribuable avait engagé diverses dépenses et exposé des frais ; que, plutôt que d'en déduire le montant de ses résultats en tant que charges normales de ces exercices, elle a entendu les immobiliser à l'actif de son bilan de clôture de l'exercice 1986 en vue de les amortir, en tant que frais d'établissement et de premier établissement, sur une période de cinq ans ;

Considérant, en premier lieu, que les frais de véhicule et de déplacement, les dépenses de personnel et de représentation, les fournitures de bureau et charges locatives que l'intéressée entendait amortir, ne peuvent être regardés comme engagées à l'occasion d'opérations conditionnant l'existence ou le développement de l'entreprise , au sens de l'article D 19 du code de commerce définissant les frais d'établissement ; qu'elles constituaient au contraire des charges se rattachant à l'activité normale de production et, en tant que telles, immédiatement déductibles, quand bien même certaines d'entre elles auraient-elles été engagées avant le commencement effectif de l'activité ; que l'instruction de la direction générale des impôts, référencée sous le numéro 4 G 6-84 du 17 décembre 1984, ne donne pas du texte fiscal une interprétation différente ;

Considérant, en deuxième lieu , qu'il ne résulte pas de l'instruction que les frais de promotion et de publicité que la société a immobilisés pour un montant de 2 911 978 F (443 928, 18 euros), aient eu une autre contrepartie que la production et la commercialisation des maisons proposées à la vente au cours des exercices de leur engagement , alors que l'intéressée a continué d'engager des dépenses de même nature, dans des proportions légèrement moins élevées, au cours des exercices ultérieurs ; que, faute pour elle d'établir que les frais en cause ont été exposés à l'occasion d'opérations qui conditionnent l'existence ou le développement de l'entreprise , l'intéressée ne peut se prévaloir de l'instruction administrative susmentionnée, qui exclut par ailleurs formellement des frais de premier établissement les dépenses (de prospection ou de publicité) rattachables à des produits fabriqués par l'entreprise ; qu'enfin, la circonstance que le vérificateur n'ait pas consulté d'autres pièces justificatives que l'état de frais qui lui a été communiqué par l'intéressée est sans incidence, dès lors qu'il appartenait à cette dernière de justifier le principe même des amortissements en litige ;

Considérant, en troisième lieu, que les sommes versées par la contribuable à une société tierce en rémunération d'études de marché et de clientèle, de conception de catalogue et du produit, ainsi que de mise au point des gammes et de leurs variantes, ont rémunéré l'acquisition de compétences industrielles et commerciales nécessaires à son activité et ont ainsi valorisé les éléments incorporels de son fonds ; que de telles dépenses ne relevaient pas des frais d'établissement et ne pouvaient, par suite être amorties ; que, si les éléments incorporels ainsi acquis peuvent toutefois voir leur dépréciation constatée par la voie de l'amortissement, c'est à la condition que soit normalement prévisible, à la date de leur acquisition, que leurs effets bénéfiques pour l'entreprise prendront fin à une date déterminée ; que cette condition ne saurait résulter de la seule obsolescence des techniques de production ; que l'instruction administrative référencée sous le numéro 4 D 123 , qui ne fait que commenter la jurisprudence rendue sur ce point, ne contient aucune interprétation du texte fiscal ;

S'agissant de la valeur des stocks :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts : Les marchandises.........produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. Le coût de revient est constitué :....Pour les produits... finis, ....et les productions en cours, par le coût d'achat des matières premières.....augmenté de toutes charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers. Ces coûts sont fournis par la comptabilité analytique ou, à défaut, ...déterminés par des évaluations statistiques ; que l'article 38 decies prévoit en outre que dans le cas où le cours du jour à la date de l'inventaire est inférieur au coût de revient, l'entreprise doit constituer une provision pour dépréciation ;

Considérant que la société requérante a intégré, pour l'évaluation de ses travaux en cours, l'ensemble des frais par elle exposés, y compris les frais d'étude et de vente, dont il est constant qu'ils ne pouvaient qu'être déduits en tant que charges de l'exercice ; qu'elle a toutefois pratiqué une décote sur les montants obtenus, pour tenir compte de ce que l'intégralité des travaux n'aboutirait pas ;

Considérant, d'une part, que le tribunal ne s'est pas mépris sur la dévolution de la charge de la preuve en demandant notamment à la requérante, par jugement avant dire droit sur ce point, de préciser les frais de commercialisation qui n'avaient pas à être pris en compte pour le calcul de la valeur des travaux en cours ; que cette dernière ayant, en réponse audit jugement, informé le tribunal qu'en raison de l'ancienneté des années en cause, elle ne disposait plus des éléments demandés, elle ne peut demander que cette valeur soit calculée après exclusion desdits frais ;

Considérant, d'autre part, qu'en appel l'intéressée n'invoque aucun argument susceptible de démontrer la pertinence du calcul de l'abattement qu'elle a pratiqué aux lieu et place de la provision prévue par la disposition réglementaire susmentionnée ;

Sur le droit à correction symétrique des bilans :

Considérant que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application des dispositions précitées de l'article 38-2 du code général des impôts, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ...et entraînent une sous-ou une sur-estimation de l'actif net de l'entreprise, peuvent, notamment à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures du bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, toutefois que l'article 43 de la loi de finances rectificative n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 dispose que : I Le code général des impôts est ainsi modifié : 1°) Après le 4 de l'article 38, il est inséré un article 4 bis ainsi rédigé : 4 bis : Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou une surestimation de celui-ci ; ...Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ; ...Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnées au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé ; ...Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan...... ; qu'en outre, en vertu du IV du même article : Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et de l'application des deuxième, troisième et quatrième alinéas du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, les impositions établies avant le 1er janvier 2005......sont réputées régulières en tant qu'elles seraient contestées par le moyen tiré de ce que le contribuable avait la faculté de demander la correction des écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit. Toutefois, ces impositions ne peuvent être assorties que des intérêts de retard ;

Considérant que les impositions mises à la charge de la contribuable résultent des irrégularités entachant les écritures figurant au bilan de clôture de l'exercice 1986, lequel est prescrit ; que les erreurs en résultant, qui concernent les frais d'établissement, de publicité et d' amortissement de procédé , ainsi que le coût des travaux en cours et des stocks, ne sont pas au nombre des exceptions pour lesquelles le nouvel alinéa 4 bis de l'article 38 du code général des impôts résultant de l'article 43 de la loi de finances rectificative a prévu que, par dérogation au principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, elles pouvaient être corrigées ; que le paragraphe 4 dudit article 43 ayant réputé régulières les impositions en tant que, comme en l'espèce, la contestation porte sur la faculté de corriger les écritures du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, cette contestation est devenue sans objet ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Considérant, par ailleurs, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la requérante la somme de 3 000 euros qu'elle demande en remboursement de ses frais ; que ses requêtes étant rejetées, la société S.C.D.M. ne peut davantage obtenir le versement d'intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes de la société S.D.C.M. en tant qu'elles tendent à ce que soient corrigées les erreurs affectant les écritures du bilan d'ouverture de l'exercice 1987.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société S.D.C.M. est rejeté.

2

Nos 01PA01732, 01PA02962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 01PA01732
Date de la décision : 19/05/2005
Sens de l'arrêt : Non-lieu partiel
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pré SICHLER-GHESTIN
Rapporteur ?: M. Alain VINCELET
Rapporteur public ?: M. JARDIN
Avocat(s) : DAVID ; DAVID ; DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-05-19;01pa01732 ?
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