(4ème Chambre A)
VU, enregistrés au greffe de la cour les 23 octobre 1998 et 11 janvier 1999, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour M. Rémy X..., demeurant ... Desgranges,75012 Paris, par Me Y..., avocat ;
M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9606482/5 en date du 2 juillet 1998 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a rejeté sa demande tandant à l'annulation de la décision du 6 février 1996 du ministre de l'intérieur mais seulement pour ce qui concerne le refus de lui accorder le bénéfice des deuxième et troisième franctions de l'indemnité d'éloignement ;
2 ) d'annuler dans cette mesure la décision du 6 février 1996 du ministre de l'intérieur ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser les deuxième et troisième fractions de l'indemnité d'éloignement majorées des intérêts de droit ainsi que des intérêts des intérêts ;
C+ 4 ) de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à lui verser la somme de 10.351 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 53-1266 du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'Outre-Mer ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable, notamment son article R.200 ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2001 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour M. X...,
- et les conclusions de Mme LASTIER, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicable : " Les jugements contiennent les noms et conclusions des parties, les visas des pièces et des dispositions ( ...) dont ils font l'application" ; qu'il ressort de la minute de la décision attaquée que les premiers juges ont visé et analysé tous les mémoires enregistrés au greffe du tribunal administratif ; que la circonstance que l'extrait du jugement notifié au requérant ne comporte pas l'intégralité des visas est sans influence sur la régularité dudit jugement ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Considérant que M. X... ne conteste le jugement attaqué en date du 2 juillet 1998 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris qu'en tant seulement que celui-ci a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les deuxième et troisième fractions de l'indemnité d'éloignement ; que ne contestant pas la prescription quadriennale qui lui a été opposée par le magistrat délégué, M. X... doit être regardé comme ayant renoncé à demander l'annulation de la décision du 6 février 1996 du ministre de l'intérieur qui se bornait à lui opposer la prescription de la première fraction ; que, par suite, sa requête doit être regardée comme étant dirigée contre la décision du 19 décembre 1996 par laquelle le préfet de police de Paris lui a dénié tout droit à bénéficier de l'indemnité d'éloignement ; que cette décision étant intervenue au cours de l'instance devant le tribunal administratif, le caractère prématuré de sa demande, enregistrée le 2 mai 1996, qui visait les trois fractions de l'indemnité d'éloignement, a été couverte en cours d'instance ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé n 53-1266 du 22 décembre 1953 : "Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable. Les taux et conditions d'attribution de cette indemnité sont identiques à ceux prévus par les articles 2, 4 et 5 du présent décret" et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret : "L'indemnité d'éloignement est payable en trois fractions : la première lors de l'installation du fonctionnaire dans son nouveau poste, la seconde au début de la troisième année de service et la troisième après quatre ans de service." ; que le domicile du fonctionnaire, au sens des dispositions précitées, doit s'entendre du lieu où se trouve le centre des intérêts matériels et moraux de l'agent ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., qui est né le 14 novembre 1962 en Guadeloupe où il a effectué sa scolarité obligatoire, est arrivé en métropole le 23 août 1981 pour rechercher du travail ; qu'après une première période d'activité dans le secteur privé du mois de juin 1982 au mois de juillet 1983, l'intéressé a été appelé pour accomplir son service national au terme duquel il a repris son emploi du mois d'août 1984 au mois d'avril 1985 ; qu'au cours de cette même année, ayant subi avec succès le concours de gardien de la paix, M. X... est entré dans les cadres de la police nationale le 2 juin 1986 et a été titularisé dans le grade de gardien de la paix le 1er mars 1988 ; que l'année même de sa titularisation puis en 1989, l'intéressé a formulé une demande de mutation pour son département d'origine où résident son père, sa mère et sa grand-mère paternelle ; que l'intéressé justifie y détenir un compte bancaire ; qu'il se rend régulièrement en Guadeloupe accompagné de son épouse, également originaire de ce département, et de sa fille, et bénéficie d'ailleurs à ce titre de congés bonifiés ; que l'ensemble de ces éléments établissent que si, à la date de sa titularisation, M. X... comptait près de sept années de présence continue en métropole, il avait cependant conservé en Guadeloupe le centre de ses intérêts matériels et moraux et devait par conséquent être regardé comme domicilié dans un département d'outre-mer au sens des dispositions précitées de l'article 6 du décret n 53-1266 du 22 décembre 1953 ; qu'il s'ensuit que M. X... est fondé à soutenir que la décision du 19 décembre 1996 par laquelle le préfet de police de Paris lui a dénié tout droit à bénéficier de l'indemnité d'éloignement doit être annulée en tant qu'elle concerne les deuxième et troisième fractions ;
En ce qui concerne le versement de l'indemnité d'éloignement :
Considérant que si, comme il est dit plus haut, M. X... ne conteste pas le jugement attaqué en ce qu'il lui oppose la prescription de la première fraction de l'indemnité d'éloignement dont les droits lui étaient acquis à compter du 1er mars 1988, date de sa titularisation, en revanche, l'intéressé remplit les conditions spécifiées par les textes précités pour bénéficier des deuxième et troisième fractions venues à échéance, respectivement, les 1er mars 1990 et 1er mars 1992 ; qu'en l'absence d'éléments permettant à la cour de céans de calculer les sommes auxquelles M. X... peut prétendre à ce titre, il y a lieu de renvoyer l'intéressé devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de ladite indemnité ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit, comme il le demande, aux intérêts des sommes qui lui seront versées dans les conditions susmentionnées au titre des deuxième et troisème fractions de l'indemnité d'éloignement, à compter du 2 mai 1996, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 23 octobre 1998 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait les deuxième et troisième fractions de l'indemnité d'éloignement ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens:
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. X... en condamnant l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à lui payer, au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés, la somme qu'il réclame de 10.351 F ;
Article 1er : Le jugement n 9606482/5 en date du 2 juillet 1998 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. X... en ce qu'elle portait sur les deuxième et troisième fractions de l'indemnité d'éloignement.
Article 2 : La décision du 19 décembre 1996 du préfet de police de Paris, en tant qu'elle concerne les deuxième et troisième franctions, est annulée.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. X... les deuxième et troisième fractions de l'indemnité d'éloignement venues à échéance, respectivement, les 1er mars 1990 et 1er mars 1992. L'intéressé est renvoyé devant l'administration pour qu'il soit procédé à la liquidation de ladite indemnité, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 2 mai 1996. Les intérêts échus le 23 octobre 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : L'Etat est condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à verser à M. X... la somme qu'il réclame de 10.351 F.