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28/09/2000 | FRANCE | N°98PA04603

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 28 septembre 2000, 98PA04603


(4ème Chambre B)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 30 décembre 1998 sous le n 98PA04603, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9405468/4 en date du 3 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la compagnie Air France, a annulé sa décision en date du 22 février 1994 lui infligeant une amende d'un montant de 10.000 F ;
2 ) de rejeter la demande de la compagnie Air France ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU

la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chica...

(4ème Chambre B)
VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 30 décembre 1998 sous le n 98PA04603, présenté au nom de l'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9405468/4 en date du 3 juillet 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris, faisant droit à la demande de la compagnie Air France, a annulé sa décision en date du 22 février 1994 lui infligeant une amende d'un montant de 10.000 F ;
2 ) de rejeter la demande de la compagnie Air France ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la convention relative à l'aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944 ;
VU la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985
entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Bénélux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
VU le code de l'aviation civile ;
VU l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;
VU le décret n 93-180 du 8 février 1993 ;
VU la décision du conseil constitutionnel n 92-307 DC du 25 février 1992 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 septembre 2000 :
- le rapport de Mme de SALINS, premier conseiller,
- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 26 février 1992 : "I - Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10.000 F l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne et démuni d'un document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité. / Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l'intérieur. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. / L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai de un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision du ministre, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. Le ministre ne peut infliger une amende à raison de faits remontant à plus d'un an. II - L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'est pas infligée : / 1 ) lorsque l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d'asile n'était pas manifestement infondée ; / 2 ) lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement ou lorsque les éléments présentés ne présentent pas un élément d'irrégularité manifeste" ;
Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux dispositions de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L.322-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

Considérant que, par décision du 22 février 1994, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945, infligé à la compagnie Air France une amende d'un montant de 10.000 F pour avoir laissé débarquer sur le territoire français, le 11 juin 1993, du vol AF 7229 en provenance de Bamako un ressortissant malien Sacko Samba, démuni de document de voyage et de visa, le passeport et le titre de séjour présentés étant manifestement usurpés ; que, pour annuler cette décision, les premiers juges se sont fondés sur le motif qu'en l'absence de justifications apportées par l'administration relatives aux dissemblances entre le passager et le titulaire du titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un élément d'irrégularité manifeste affectait les documents présentés par le voyageur et devait être remarqué par les agents d'embarquement ;
Considérant que, pour refuser l'admission sur le territoire français du passager, M. Samba X..., les services de police ont retenu comme motif, dans le procès-verbal dressé contre la compagnie le 11 juin 1993, le fait que l'intéressé avait usurpé le titre de séjour présenté, précisant : "vous êtes incapables de nous décrire le travail que vous faîtes, de nous donner le nom de votre employeur qui lui vous décrit comme mesurant 1,90 m et de bonne corpulence alors que vous êtes plus petit et fluet. Vous êtes incapables de reproduire la signature de votre carte de séjour" ; que, toutefois, aucun de ces éléments qui ne concernent que le titre de séjour ne sont de nature à établir une usurpation du document de voyage, laquelle est contestée par la compagnie dès sa réponse en date du 17 septembre 1993 ; que le seul fait que le titre de séjour ait été usurpé n'est pas de nature à rendre applicable à la compagnie les dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 lesquelles ne concernent que le voyageur démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa exigé par les textes ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en laissant débarquer sur le territoire français M. X... la compagnie Air France ait manqué aux obligations résultant pour elle de l'application des dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 22 février 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à verser à la société Air France la somme de 12.000 F au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR est rejeté.
Article 2 : L'Etat (MINISTRE DE L'INTERIEUR) versera 12.000 F (douze mille francs) à la société Air France sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 98PA04603
Date de la décision : 28/09/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-005 ETRANGERS - ENTREE EN FRANCE


Références :

Code de l'aviation civile L322-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 26 février 1992
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 20 bis


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de SALINS
Rapporteur public ?: M. HAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-09-28;98pa04603 ?
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