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22/06/2000 | FRANCE | N°97PA03098

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 22 juin 2000, 97PA03098


(4ème chambre B)
VU la requête, enregistrée le 10 novembre 1997 au greffe de la cour, présentée pour la Société SOPIZA représentée par son gérant M. A..., dont le siège social est à Rennes, Buffet de la gare, place de la gare, Me X..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée SOPIZA, Me Z..., mandataire judiciaire, demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée SOPIZA, désigné à cette fin par jugement du tri

bunal de commerce de Rennes du 10 juin 1994, par Me Y..., avocat ; la société S...

(4ème chambre B)
VU la requête, enregistrée le 10 novembre 1997 au greffe de la cour, présentée pour la Société SOPIZA représentée par son gérant M. A..., dont le siège social est à Rennes, Buffet de la gare, place de la gare, Me X..., pris en sa qualité d'administrateur judiciaire du redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée SOPIZA, Me Z..., mandataire judiciaire, demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers du redressement judiciaire de la société à responsabilité limitée SOPIZA, désigné à cette fin par jugement du tribunal de commerce de Rennes du 10 juin 1994, par Me Y..., avocat ; la société SOPIZA, Me X... et Me Z... demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9516701/7 en date du 2 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation du contrat de concession du 1er mars 1993 et à la condamnation de la SNCF à leur verser la somme de 15.868.850 F à titre de dommages et intérêts ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 1994 et une somme de 50.000 F sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) de faire droit à leurs conclusions de première instance, et de condamner la SNCF à leur verser la somme de 50.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juin 2000 :
- le rapport de Mme ADDA, premier conseiller,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la SNCF :
Considérant que Me Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SPINOZA a qualité pour reprendre l'instance introduite par ladite société ; que la demande des requérants tendant à ce que le juge du contrat reconnaisse la nullité du contrat du 1er mars 1993, en se fondant sur les dispositions de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985, n'était, contrairement à ce que soutient la SNCF, pas irrecevable, dès lors qu'elle ne constituait pas en une demande d'annulation dudit contrat devant le juge de l'excès de pouvoir ; que le moyen tiré du déséquilibre des obligations des deux parties n'est pas recevable comme nouveau en appel dès lors qu'en première instance comme devant la cour, les requérants se sont fondés sur le non respect par la SNCF de ses obligations contractuelles ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par la SNCF ne peuvent qu'être rejetées ;
Au fond :
Considérant que la société SPINOZA était concessionnaire du buffet de la gare de Rennes en vertu de trois traités successifs de concession d'occupation du domaine public ferroviaire, le premier du 22 mars 1984, le deuxième du 3 juillet 1991 prenant effet au 1er janvier 1992, le troisième du 1er mars 1993 ; que le tribunal de commerce de Rennes ayant, par jugement en date du 12 décembre 1997, prononcé la liquidation judiciaire de la société SOPIZA, Me Z..., nommé liquidateur judiciaire de la société en vertu dudit jugement, demande la condamnation de la SNCF à réparer le préjudice que la société SOPIZA estime avoir subi dans l'exploitation dudit buffet ;
Sur la responsabilité de la SNCF pour la période antérieure au traité du 1er mars 1993 :

Considérant qu'aux termes de l'article 23 du cahier des charges des buffets-hôtels de la SNCF en vigueur depuis 1983 : "La SNCF s'engage à ne pas autoriser, dans les emprises de la gare, la vente de produits comestibles concurrençant directement le buffet" ; que ce cahier des charges s'applique à tous les traités de concession de buffets de gare sauf stipulations contraires du traité ; que les traités de concession de 1984 et de 1991 font référence sans aucune exclusive au cahier des charges national ; qu'il résulte de l'instruction que la SNCF a laissé s'implanter une viennoiserie Saint-Valentin ouverte en juillet 1991 et un bar "fast food" ouvert à la fin du mois d'octobre 1991 ; que si la SNCF soutient que ces commerces ont été implantés sur une dalle construite au-dessus des voies et vendue à la SEMAEB, société d'économie mixte à laquelle la ville de Rennes a concédé la réalisation de la nouvelle SAC de la gare, cette circonstance n'a pas pour effet de faire regarder leur implantation comme extérieure à l'emprise de la gare ; qu'enfin, la circonstance alléguée par la SNCF, qu'elle aurait prévenu la société SOPIZA dès 1989 que la clause de non concurrence ne pourrait être maintenue dans la nouvelle convention de concession qui serait signée pour un nouvel emplacement dans la gare transformée, dès lors qu'elle ne s'est pas traduite concrètement par une disposition écartant expressément l'application de l'article 23 du cahier des charges, dans la convention de 1991 comme cela a d'ailleurs été fait dans le traité du 1er mars 1993, n'a pas eu pour effet de dispenser la SNCF du respect de ses obligations contractuelles ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la violation par la SNCF de ses obligations contractuelles doit être regardée comme établie par les pièces du dossier ;
Sur la responsabilité de la SNCF pour la période postérieure au 1er mars 1993 :
Considérant, en premier lieu, que le nouveau traité de concession signé le 1er mars 1993 par la SNCF et la société SOPIZA écartait expressément la clause de non
concurrence prévue par l'article 23 du cahier des charges des buffets-hôtels de la SNCF ; que, par suite, et alors même que ce nouveau traité n'a pas indiqué expressément qu'il annulait et remplaçait le précédent signé en 1991, la responsabilité de la SNCF ne peut être recherchée postérieurement à ce traité pour la violation de ses engagements contractuels ;
Considérant, en deuxième lieu, que les allégations de la société SOPIZA, relatives à la nullité du traité de concession du 1er mars 1993 pour avoir été signé pendant la période suspecte ne sont pas corroborées par les pièces du dossier, le jugement par lequel le tribunal de commerce a décidé d'une procédure judiciaire à l'encontre de la société SOPIZA n'étant intervenu que le 7 octobre 1994, soit plus d'un an et demi après la signature du traité ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 : " Sont nuls lorsqu'ils auront été faits par le débiteur depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : ...2 ) tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie" ; et qu'aux termes de l'article 1104 du code civil : "II le contrat est commutatif lorsque chacune des parties s'engage à donner ou à faire une chose qui est regardée comme l'équivalent de ce qu'on lui donne, ou de ce qu'on fait pour elle. Lorsque l'équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d'après un événement incertain, le contrat est aléatoire" ; qu'un contrat d'occupation temporaire du domaine public est aléatoire par son caractère précaire et révocable et non commutatif ; qu'il suit de là que le moyen, invoqué par la société SOPIZA, tiré de la nullité du traité du 1er mars 1993 par application de l'article 107 de la loi du 25 janvier 1985 ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la SNCF à l'égard de la société SOPIZA ne peut être recherchée après le 1er mars 1993 ni sur le terrain de la faute contractuelle, ni sur celui de l'illégalité fautive ;
Sur le préjudice :
Considérant que, eu égard aux circonstances que, d'une part, la majeure partie du préjudice subi par la société SOPIZA est imputable aux investissements imprudents qu'elle a effectués, alors même que la SNCF l'avait prévenue de sa volonté d'écarter les dispositions de l'article 23 du cahier des charges, et que, d'autre part, la responsabilité de la SNCF n'est engagée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que pour la période qui précède le traité du 1er mars 1993, il sera fait une juste appréciation du préjudice direct et certain subi par la société SOPIZA en l'évaluant à 1,4 milliards de Francs (un milliard quatre cent mille francs), montant du déficit de l'exercice 1992 ; que Me Z... est, dès lors, fondé à demander la condamnation de la SNCF à lui verser ladite somme ;
Considérant que Me Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SOPIZA a droit aux intérêts des indemnités allouées à compter du 22 décembre 1994, date d'enregistrement de son assignation de la SNCF devant le tribunal de commerce de Rennes ;
Sur la compensation :
Considérant que la demande de la SNCF tendant à obtenir la compensation entre la somme qu'elle doit à la société SOPIZA et les dettes de ladite société à son égard, constitue un litige distinct relatif à la liquidation de la société ; qu'il y a donc lieu de rejeter la demande en ce sens de la SNCF ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Me Z..., es qualité de mandataire liquidateur de la société SOPIZA, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, soit condamné à payer à la SNCF une somme sur ce fondement ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la SNCF à payer à Me Z..., es qualité de mandataire liquidateur de la société SOPIZA une somme de 50.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : La SNCF est condamnée à payer à Me Z..., es qualité de mandataire liquidateur de la société SOPIZA, une somme de 1,4 Milliards de Francs (un milliard quatre cent mille francs), assortie des intérêts à compter du 22 décembre 1994.
Article 2 : La SNCF versera à Me Z..., es qualité de mandataire liquidateur de la société SOPIZA, une somme de 50.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Me Z..., es qualité de mandataire liquidateur de la société SOPIZA est rejetée.
Article 4 : Les conclusions incidentes de la SNCF et celles tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA03098
Date de la décision : 22/06/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

24-01-02-01-01-02 DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - CONTRATS ET CONCESSIONS


Références :

Code civil 1104
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme ADDA
Rapporteur public ?: M. LAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-06-22;97pa03098 ?
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