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17/06/1999 | FRANCE | N°96PA04234

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 17 juin 1999, 96PA04234


(1ère chambre B)
VU la requête, enregistrée le 18 novembre 1996 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour la COMMUNE DE PANTIN, représentée par son maire en exercice, par Me Z..., avocat ; la COMMUNE DE PANTIN demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9310279/7 en date du 10 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a, à la demande de la Société européenne nouvelle d'achat immobilier (SENA), condamnée à verser à cette société la somme de 600.000 F en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait qu'elle a omis de mention

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(1ère chambre B)
VU la requête, enregistrée le 18 novembre 1996 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée pour la COMMUNE DE PANTIN, représentée par son maire en exercice, par Me Z..., avocat ; la COMMUNE DE PANTIN demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9310279/7 en date du 10 juillet 1996 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a, à la demande de la Société européenne nouvelle d'achat immobilier (SENA), condamnée à verser à cette société la somme de 600.000 F en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait qu'elle a omis de mentionner des servitudes importantes sur la notice de renseignements qu'elle lui avait délivrée le 23 mars 1990 ;
2 ) de condamner la Société européenne nouvelle d'achat immobilier à lui payer la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces produites et jointes au dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 1999 :
- le rapport de M. BARBILLON, premier conseiller,
- les observations du cabinet Z..., avocat, pour la COMMUNE DE PANTIN et celles du cabinet VERIN, avocat, pour la Société européenne nouvelle d'achat immobilier,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a déclaré la COMMUNE DE PANTIN responsable des préjudices subis par la Société européenne nouvelle d'achat immobilier (SENA) en raison de la faute qu'elle avait commise en omettant de mentionner dans la notice de renseignements qu'elle avait délivrée à la société que l'immeuble que cette dernière envisageait d'acquérir était situé dans un emplacement réservé pour l'élargissement d'une rue inscrit dans le plan d'occupation des sols de la commune et allait être frappé d'alignement et l'a condamnée à verser la somme de 600.000 F à la Société européenne nouvelle d'achat immobilier, correspondant à la différence entre le prix d'achat et de vente du bien acquis par la société, aux frais de notaire exposés pour l'achat de ce bien, aux taxes foncières versées de 1991 à 1994, aux frais financiers afférents à l'emprunt que la société avait contracté pour l'achat dudit bien pour un montant limité en première instance à 410.963,58 F ; que la COMMUNE DE PANTIN demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les demandes d'indemnisation de la Société européenne nouvelle d'achat immobilier ; que cette dernière, par la voie de l'appel incident, demande à la cour, dans ses dernières écritures, de réformer le jugement attaqué en condamnant la COMMUNE DE PANTIN à lui verser les sommes de 400.779,89 F et de 291.253,27 F correspondant, respecti-vement, aux préjudices financier et commercial qu'elle a subis ;
Sur l'appel principal de la COMMUNE DE PANTIN :
Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire de LA COMMUNE DE PANTIN a délivré le 23 mars 1990 à un géomètre une notice de renseignements concernant un pavillon à usage d'habitation sis au ... à Pantin (Seine-Saint-Denis), dans laquelle il était indiqué que cet immeuble n'était pas situé dans un emplacement réservé pour équipement et n'était pas concerné par un plan d'alignement et certifiait que l'alignement existant serait conservé ; qu'au vu de ces renseignements, la SENA, qui exerce la profession de marchand de biens, a acquis pour le prix de 650.000 F ledit immeuble par acte notarié en date du 19 juin 1990, afin de le rénover et de le revendre ; que le 20 février 1991, la société a signé une promesse de vente d'un montant de 1.050.000 F au bénéfice de Mme X... ; que cette dernière, ayant appris que l'immeuble dont s'agit était frappé d'alignement et, étant inclus dans un emplacement réservé du plan d'occupation des sols en vue de l'élargissement de la rue Kléber, avait fait l'objet d'une décision de préemption de la part de la COMMUNE DE PANTIN en date du 7 mai 1991, a indiqué le 8 juillet 1991 à la société SENA qu'elle renonçait à cette acquisition ; que l'immeuble a finalement été vendu le 10 janvier 1995, à la requête de la banque "La Hénin", créancier poursuivant, à la barre du tribunal de grande instance de Bobigny, au prix de 500.000 F ; qu'en délivrant une notice de renseignements qui omettait de mentionner la situation du pavillon acquis par la SENA, dans un emplacement réservé du plan d'occupation des sols pour l'élargissement d'une rue, la COMMUNE DE PANTIN a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'il appartenait cependant à la société SENA, en tant que professionnel de l'immobilier, de solliciter la délivrance d'un certificat d'urbanisme ou de consulter le plan d'occupation des sols de la commune afin de vérifier l'exactitude des données de cette notice ; qu'en se portant néanmoins acquéreur de l'immeuble, sans procéder à ces vérifications, la société SENA a commis une imprudence constitutive d'une faute qui, dans les circonstances de l'espèce, exonère pour un tiers la COMMUNE DE PANTIN de sa responsabilité ; qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE PANTIN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé qu'elle était entièrement responsable des préjudices subis par la société SENA du fait de l'illégalité de sa décision de préemption ;
Sur les préjudices :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le plan d'alignement dont le pavillon acquis par la société est frappé, a pour conséquence d'amputer de près de la moitié la surface de la parcelle, de réduire une partie de la surface habitable et de supprimer le garage, rendant ainsi cet immeuble impropre à sa destination d'habitation ; qu'en raison de l'ignorance dans laquelle elle s'est trouvée de cette situation, la SENA a ainsi acquis un bien qui, après la renonciation à acheter de Mme X..., était impossible à revendre suivant ses prévisions ; que le préjudice ainsi subi par cette société est directement lié à la faute qu'a commise la COMMUNE DE PANTIN en lui délivrant une notice qui comportait des renseignements inexacts, et ne peut être imputé, comme le soutient la commune, au manque de diligence de la société pour vendre l'immeuble, ni résulter du risque qu'elle aurait pris en acquérant un bien situé dans une zone de préemption ; que la circonstance, invoquée également par la commune requérante, que la SENA n'a pas usé de la possibilité qu'elle avait, sur le fondement de l'article L.123-9 du code de l'urbanisme, d'exiger de la commune qu'elle procède à l'acquisition de son bien, est sans incidence sur le préjudice subi par ladite société ;
Considérant que le préjudice subi par la SENA correspond, ainsi que l'a jugé le tribunal, au montant des sommes qu'elle a engagées inutilement pour l'acquisition de l'immeuble du ... qui sont la conséquence directe de la faute commise par la COMMUNE DE PANTIN ; que la société a ainsi droit au remboursement par cette dernière de la différence entre le prix d'achat et de vente de cet immeuble, des frais de notaire exposés en vain pour cet achat, du coût des taxes foncières acquittées, afférentes à cet immeuble au titre des années 1991 à 1994, et aux frais financiers qu'elle a payés au titre de l'emprunt qu'elle avait effectué pour cette acquisition ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'une partie des sommes dues par la société SENA à la banque La Hénin a été remboursée à cette dernière par M. Y..., en tant que caution de la société SENA, à la suite de l'hypothèque d'un immeuble appartenant à ce dernier ; que le préjudice financier invoqué qui résulte de ces opérations postérieures à la période de responsabilité n'est pas directement imputable à la faute commise par la commune et ne peut, dès lors, être indemnisé ;
Considérant, en deuxième lieu, que la SENA ne peut demander l'indemnisation du préjudice commercial lié à la perte du bénéfice escompté de la vente de l'immeuble, ce préjudice ne résultant pas de la faute commise par la commune, mais de la servitude qui grève l'immeuble dont s'agit, laquelle n'est pas susceptible, en vertu de l'article L.160-5 du code de l'urbanisme, de donner lieu à indemnisation ;

Considérant ainsi qu'il a été dit, que la société SENA n'est pas recevable à demander, au titre du préjudice financier, à être indemnisée des sommes que M. Y... a versées à la banque La Hénin, qui s'élèvent à 188.633,65 F ; qu'elle a droit, en revanche, à l'indemnisation des frais de notaire pour un montant de 25.221,25 F, des taxes foncières afférentes aux années 1991 à 1995, qui s'élèvent à 23.290 F et des intérêts de l'emprunt qu'elle avait contracté pour l'achat de l'immeuble, pour un montant de 163.625,99 F, dont elle a justifié le paiement par les pièces qu'elle a produites en appel ;
Considérant que l'indemnisation des préjudices subis par la société SENA en raison de la décision de préemption annulée, s'élève ainsi à la somme de 362.137,24 F, correspondant pour un montant de 150.000 F à la différence de valeur entre le prix d'achat et le prix de revente de l'immeuble et pour 212.137,24 F, aux frais que la société a exposés pour cet achat ; que, compte tenu de partage de responsabilité retenu, il y a lieu de condamner la COMMUNE DE PANTIN à verser à la société SENA la somme de 239.010,57 F ; que la COMMUNE DE PANTIN est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à indemniser la société SENA des préjudices subis pour un montant de 600.000 F ; qu'il y a lieu de réformer le jugement, dans la mesure où ce montant excède la somme de 239.010,57 F ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la SENA succombe dans la présente instance ; que sa demande tendant à ce que la COMMUNE DE PANTIN soit condamnée à lui verser une somme au titre des frais qu'elle a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner la SENA à payer à la COMMUNE DE PANTIN la somme de 5.000 F ;
Article 1er : La somme de 600.000 F que la COMMUNE DE PANTIN a été condamnée à verser à la Société européenne nouvelle d'achat immobilier par jugement du 10 juillet 1996 du tribunal administratif de Paris est ramenée à une somme de 239.010,57 F.
Article 2 : Le jugement n 9310279/7 du 10 juillet 1996 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE PANTIN ainsi que l'appel incident de la Société européenne nouvelle d'achat immobilier, en ce qui concerne l'indemnisation des frais financiers pour un montant de 188.633,65 F et du préjudice commercial, sont rejetés.
Article 4 : La Société européenne nouvelle d'achat immobilier versera la somme de 5.000 F à la COMMUNE DE PANTIN au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA04234
Date de la décision : 17/06/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-02-01-01-01 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - PREEMPTION ET RESERVES FONCIERES - DROITS DE PREEMPTION - DROIT DE PREEMPTION URBAIN (LOI DU 18 JUILLET 1985)


Références :

Code de l'urbanisme L123-9, L160-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BARBILLON
Rapporteur public ?: Mme COROUGE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-17;96pa04234 ?
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