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17/06/1999 | FRANCE | N°96PA01039

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 17 juin 1999, 96PA01039


(1ère chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 avril 1996, présentée par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n 9218949/7 et 9301158/7 en date du 29 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société civile immobilière "Le complexe" la décharge de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol au titre des travaux autorisés par un permis de construire délivré le 7 octobre 1988 en vue de la restructuration d'un b

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(1ère chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 15 avril 1996, présentée par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME ; le ministre demande à la cour d'annuler le jugement n 9218949/7 et 9301158/7 en date du 29 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société civile immobilière "Le complexe" la décharge de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol au titre des travaux autorisés par un permis de construire délivré le 7 octobre 1988 en vue de la restructuration d'un bâtiment situé 42-42 bis rue de Lourmel à Paris (15ème arrondissement) ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU la loi n 97-1239 du 31 décembre 1997 ;
VU le plan d'occupation des sols révisé de la ville de Paris approuvé le 20 novembre 1989 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 1999 :
- le rapport de Mme MONCHAMBERT, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme COROUGE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que par la présente requête LE MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME demande à la cour d'annuler le jugement en date du 27 novembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a déchargé la société civile immobilière "Le complexe" de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie au titre des travaux entrepris en vue de la restructuration d'un bâtiment situé 42-42 bis rue de Lourmel à Paris (15ème) ;
Considérant qu'aux termes de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 1997 : "Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont réputées régulières les impositions assises et liquidées jusqu'au 9 novembre 1995 en application de l'article R.424-1 du code de l'urbanisme et sur le fondement de l'arrêté du préfet de Paris en date du 30 mars 1984, en tant qu'elles seraient contestées pour un motif tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté précité" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial qui décidera soit des contestations sur ses droits et ses obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" . Considérant que l'article 31 de la loi des finances rectificative pour 1997 précité a eu pour effet et pour objet de faire obstacle à ce que les contribuables puissent utilement invoquer devant le juge le moyen tiré de l'incompétence du maire de Paris résultant du défaut d'affichage de l'arrêté préfectoral du 30 mars 1984 et donc de les rendre redevables du paiement des taxes dont le fait générateur est constitué par la délivrance du permis de construire et dont ils étaient en droit d'escompter la décharge ; que, dans ces conditions où les sommes en cause sont devenues exigibles non sur le fondement de la réglementation initiale mais sur celui d'une législation nouvelle rétroactivement applicable, le juge de l'impôt qui tranche des contestations portant en règle générale sur une obligation dépourvue de caractère civil, doit en revanche être regardé, dès lors que le contribuable invoque la possibilité de faire valoir devant lui une créance qui, à défaut de l'intervention de cette législation nouvelle, était certaine dans son principe et dans son montant, comme se prononçant sur une contestation relative à un droit de caractère civil au sens de l'article 6 paragraphe 1 précité de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors la société civile immobilière "Le complexe" est recevable à invoquer, par voie d'exception, le droit de toute personne à un procès équitable garanti par ce texte ;

Considérant que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 précitées, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est une modification des règles que le juge doit appliquer pour statuer sur les litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque son intervention est justifiée par des motifs d'intérêt général ; que les dispositions précitées de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 1997 qui réservent expressément les droits nés des décisions de justice passées en force de chose jugée, ont pour seul objet de purger les impositions assises et liquidées antérieurement au 9 novembre 1995 sur le fondement de l'arrêté du 30 mars 1984, du vice résultant du défaut d'affichage de cet arrêté en mairie et en préfecture ledit arrêté ayant par ailleurs fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs du département et d'une publicité dans un journal local ; que ledit article a été édicté dans un but d'intérêt général en vue d'une part, de permettre que pour la période précédant la régularisation de l'affichage dudit arrêté, l'égalité de traitement soit assurée entre les contribuables redevables desdites impositions et, d'autre part, d'éviter qu'ils échappent, du fait d'une publicité incomplète d'une mesure de déconcentration administrative, aux impositions dont ils étaient redevables ; que compte tenu de cet intérêt général, les dispositions de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 1997 ne sauraient être regardées comme portant atteinte au principe du droit au procès équitable énoncé par les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 1997, le motif tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée sur lequel le tribunal administratif de Paris s'est fondé pour prononcer la décharge de la participation litigieuse ne peut être maintenu ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé tant devant la cour que devant le tribunal ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.332-7 du code de l'urbanisme : "1- En cas de modification apportée sur la demande de l'intéressé au permis de construire qui lui a été délivré, le complément de participation éventuellement exigible est liquidé, notifié et recouvré dans les conditions prévues aux articles R.332-1 à R.332-6. II- Lorsque la modification du permis de construire entraîne une diminution ou la suppression de la participation ou lorsque le demandeur du permis de construire renonce à la construction projetée et demande le retrait à titre gracieux de son permis, il peut obtenir le dégrèvement de la somme correspondante, avant que la participation ait été recouvrée, ou la restitution dans le cas contraire" ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que par arrêté en date du 20 février 1987 la société civile immobilière "Le complexe" a été autorisée à restructurer un bâtiment de deux étages à usage de bureaux et de doublage et de mixage de films, à procéder à une extension du 2ème étage et à surélever l'immeuble de deux niveaux en vue de l'habitation ; que par un permis modificatif délivré le 14 septembre 1987, la société pétitionnaire a été autorisée à réduire l'emprise et le volume de la surélévation, à transformer le 3ème étage à usage d'habitation en salle de doublage et montage de films et à modifier les façades ; que sur le fondement de ces permis, le maire de Paris a par une décision en date du 25 juillet 1989, notifié à la société civile immobilière "Le complexe" une participation dépassement du coefficient d'occupation du sol de 469.300 F à raison d'une insuffisance théorique de terrain de 46,93 m ; que par un nouveau permis modificatif délivré le 10 avril 1992, la société civile immobilière pétitionnaire a été autorisée à conserver un plancher intermédiaire entre le rez-de-chaussée et le premier étage, à fermer les loggias du bâtiment et à conserver un garage en rez-de-chaussée ; que pour demander la restitution de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols à laquelle elle a été assujettie, la société civile immobilière "Le complexe" soutient que ce dernier permis qui a induit une création de surface hors oeuvre nette de 261,11 m ne peut être regardé comme un permis modificatif et qu'il s'agit d'un nouveau permis non assujetti à participation compte tenu des nouvelles règles de coefficient d'occupation des sols applicables définies par le plan d'occupation des sols révisé ;
Considérant que ledit permis du 10 avril 1992 n'a cependant pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient la société, d'affecter la conception générale du projet initial et ne comportait pas de modifications d'une importance suffisante pour être regardé comme un permis nouveau se substituant au permis primitif ; que dès lors, c'est à bon droit que par la décision en date du 18 novembre 1992, le maire de Paris a rejeté la demande de dégrèvement sollicitée par la société civile immobilière "Le complexe" ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a accordé à la société civile immobilière "Le complexe" décharge de la participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol au titre des travaux autorisés pour un immeuble 42-42 bis rue de Lourmel à Paris (15ème arrondissement) ;
Sur les conclusions de la société civile immobilière "Le complexe" tendant à l'exécution du jugement :
Considérant que la société civile immobilière "Le complexe" sollicite de la cour qu'elle fasse injonction à l'Etat, de lui rembourser la participation dont elle a été déchargée par le jugement précité du 27 novembre 1995 ; qu'il résulte de ce qui précède que lesdites conclusions n'ont plus d'objet ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante, puisse être condamné au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 27 novembre 1995 est annulé.
Article 2 : La participation pour dépassement du coefficient d'occupation du sol d'un montant de 469.300 F à laquelle la société civile immobilière "Le complexe" a été assujettie est remise intégralement à sa charge.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'injonction.
Article 4 : Les conclusions de la société civile immobilière "Le complexe" tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01039
Date de la décision : 17/06/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-04 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - REGIME D'UTILISATION DU PERMIS


Références :

Code de l'urbanisme R332-7
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme MONCHAMBERT
Rapporteur public ?: Mme COROUGE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-17;96pa01039 ?
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