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10/06/1999 | FRANCE | N°97PA01187

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 10 juin 1999, 97PA01187


(4ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 13 mai 1997, la requête présentée pour Mme Cécile Y..., demeurant ..., par la SCP HUGLO et associés, avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement du 12 décembre 1996 du magistrat délégué au tribunal administratif de Paris, en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 13 décembre 1989 et 20 février 1990 par lesquelles le directeur général de l'INSERM a, d'une part, dénié tout caractère récidivant à la dermite eczématiforme dont l'imputabilit

au service a été antérieurement reconnue au titre du tableau n 10 des maladies...

(4ème Chambre A)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 13 mai 1997, la requête présentée pour Mme Cécile Y..., demeurant ..., par la SCP HUGLO et associés, avocat ; Mme Y... demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement du 12 décembre 1996 du magistrat délégué au tribunal administratif de Paris, en tant que ledit jugement a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 13 décembre 1989 et 20 février 1990 par lesquelles le directeur général de l'INSERM a, d'une part, dénié tout caractère récidivant à la dermite eczématiforme dont l'imputabilité au service a été antérieurement reconnue au titre du tableau n 10 des maladies professionnelles, d'autre part, rejeté sa demande tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service, au titre du tableau n 6, de l'atteinte bilatérale du nerf optique ;
2 ) de faire droit à l'ensemble de ses demandes susénoncées et de majorer son allocation temporaire d'invalidé en la portant au taux minimum de 80 % ;
C+ 3 ) de condamner l'INSERM aux entiers dépens et à lui verser, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la somme de 15.000 F ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires et notamment son article 26 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 1999 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- les observations de la SCP HUGLO, LEPAGE et associés, avocat, pour Mme Y...,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme Cécile Y..., née le 14 janvier 1951, technicien de la recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) fut affectée, en qualité d'agent contractuel, du 16 septembre 1974 au 16 décembre 1979 à l'unité 25 de l'hôpital Necker pour y effectuer, sous la direction du professeur C..., des travaux de recherches néphrologiques comportant, notamment, l'irradiation de cellules par le cobalt radioactif et la manipulation de divers produits chimiques toxiques au nombre desquels des chromates alcalins ; qu'en 1978, Mme Y... fut atteinte d'une dermite eczématiforme qui, par décision du 17 juillet 1978, fut reconnue imputable au service au titre du tableau n 10 des maladies professionnelles correspondant aux : "ulcérations et dermites provoquées par l'acide chromique, les chromates et bichromates alcalins, le chromate de zinc et le sulfate de chrome" ; que son état fut consolidé le 3 avril 1980 sans incapacité permanente partielle ; qu'en raison de cette allergie Mme Y... fut mutée le 16 décembre 1978 à l'unité 200 de l'hôpital Antoine Béclère à Clamart, pour y effectuer, sous la direction du docteur X..., des travaux de recherches sur "l'immunopharmacologie de l'allergie et de l'inflammation professionnelle" ; que l'intéressée fut titularisée le 1er janvier 1984 en qualité de technicien de recherche de troisième classe ; que, le 20 mars 1989, Mme Y... formula une déclaration de maladie professionnelle en raison de la réapparition intermittente des symptômes allergiques de la dermite eczématiforme et de la survenance de nouveaux troubles évolutifs laissant supposer une étiologie radique pouvant être liée à ses précédentes fonctions, déclaration mentionnant expressément quatre pathologies : une récidive de la dermite eczématiforme, une cataracte bilatérale, une parodontolyse évolutive, ainsi qu'une amputation du champ visuel binoculaire ; que, suivant l'avis de la commission de réforme en date du 25 octobre 1989, l'INSERM prit, le 12 décembre 1989, une décision reconnaissant l'imputabilité au service de la seule cataracte, par référence au tableau n 6 : "affections provoquées par les rayons ionisants", au titre de laquelle Mme Y... perçoit une allocation temporaire d'invalidité ; qu'en revanche, par une décision du même jour l'INSERM rejeta les demandes d'imputabilité au service des radiolésions chroniques des muqueuses et de la rechute de la dermite eczématiforme ; que son recours gracieux ayant été rejeté par le directeur général de l'INSERM, y compris en ce qui concerne l'atteinte du champ visuel binoculaire, Mme Y... porta le litige devant le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement en date du 12 décembre 1996 du magistrat délégué, conclut à un non-lieu partiel pour tenir compte de la décision du 8 juillet 1992, intervenue en cours d'instance, par laquelle l'INSERM, se conformant à l'arbitrage médical rendu par le docteur Z... et au nouvel avis de la commission de réforme réunie le 2 juin 1992, reconnaissait l'imputabilité au service de la parodontolyse figurant au tableau n 6, assortie d'une allocation temporaire d'invalidité ; que, par ailleurs, le même jugement prononça le rejet du surplus des conclusions de la demande en tant que celles-ci portaient sur la récidive de la dermite eczématiforme et sur l'amputation bilatérale du nerf optique ; que, par son appel, Mme Y... invoque l'irrégularité du jugement attaqué comme de la procédure suivie par
l'INSERM ainsi que le caractère infondé du refus d'imputabilité au service des deux affections susmentionnées restant en litige, et demande que l'allocation temporaire d'invalidité soit portée au taux minimum de 80 % pour tenir compte de l'ensemble des pathologies dont elle est atteinte ainsi que de l'aggravation de son état ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans son mémoire complémentaire, enregistré au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 1995, Mme Y... demandait expressément que son allocation temporaire d'invalidité fût portée au taux minimum de 80 % pour tenir compte de l'ensemble des pathologies susmentionnées ainsi que de l'aggravation de son état de santé ; que le magistrat délégué, se méprenant sur les termes de la demande dont il était saisi, a considéré que l'intéressée ne demandait pas la révision du taux de l'allocation temporaire d'invalidité et ne s'est donc pas prononcé sur lesdites conclusions dirigées contre l'INSERM ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 12 décembre 1996 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;
Considérant que l'affaire n'est pas en état sur cette partie de la demande ; qu'il y a lieu pour la cour de réserver ce point afin qu'il y soit statué ultérieurement ;
Sur la légalité externe des décisions des 12 décembre 1989 et 20 février 1990 :
Considérant que Mme Y... invoque l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de réforme en ce que la composition de ladite commission n'ayant pas été portée à sa connaissance, elle n'a pas été en mesure de s'assurer de la présence en son sein d'un spécialiste des affections liées aux radiations ionisantes ; que, toutefois, le décret n 86-442 du 14 mars 1986 susvisé, dont l'article 19, alinéa 1, énonce "( ...) un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considéré doit participer à la délibération", ne prescrit pas à peine de nullité de la procédure la présence d'un spécialiste ; que, par suite, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité interne des décisions des 12 décembre 1989 et 20 février 1990 :
En ce qui concerne le caractère récidivant de la dermite eczématiforme :

Considérant que, le 17 juillet 1978, le directeur général de l'INSERM a reconnu l'imputabilité au service, au titre du tableau n 10 des maladies professionnelles, de la dermite eczématiforme dont fut atteinte Mme Y... et qui fut considérée comme consolidée le 3 avril 1980 sans incapacité permanente partielle ; que, par la suite, l'intéressée ayant formulé une demande de reconnaissance du caractère récidivant de cette affection, l'autorité administrative refusa d'y faire droit, par une décision du 13 décembre 1989, en invoquant "l'absence de signe clinique en relation avec la maladie déclarée" et la mutation de l'intéressée, intervenue le 16 décembre 1978, dans un service ne comportant plus la manipulation d'antigènes ; que, de son côté, Mme Y... se prévaut de deux certificats médicaux, le premier, en date du 3 avril 1980, du docteur E..., aux termes duquel : "( ...) Il faut enfin retenir le fait capital que chaque exposition à l'antigène a été suivie de récidives. On ne peut donc établir un certificat de guérison mais seulement un certificat de consolidation.", le second, en date du 17 mars 1993, du docteur D..., duquel il ressort que les symptômes allergiques précédemment observés sont réapparus à la suite de la prise de médicaments contenant selon toute vraisemblance un antigène ; qu'à ce propos, Mme Y... soutient, sans être contredite sur ce point, que le caractère récurrent de l'allergie aux chromates alcalins lui interdit la prise de divers médicaments tels que les analgésiques, anesthésiques et antibiotiques, ce qui la contraint de subir à vif les fréquentes interventions dentaires que nécessite la parondotolyse dont elle est atteinte, sous peine de subir de nouvelles crises allergiques accompagnées d'oedèmes de Quincke et que, pour les mêmes raisons, l'usage de certains produits d'entretien lui est également déconseillé ;
Mais considérant que les assertions des parties ne sont étayées par aucun compte rendu d'analyses ou de tests ; que, dans ces conditions, la cour n'est pas en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les conclusions de Mme Y... tendant à la reconnaissance de cette allergie intermittente comme étant une récidive de la dermite eczématiforme dont l'imputabilité au service fut précédemment admise ; qu'il y a lieu, par suite, de prescrire une expertise afin qu'il soit procédé à tous examens, analyses et allergographies de nature à éclairer le juge d'appel sur ce point ;
En ce qui concerne l'atteinte du champ visuel binoculaire :

Considérant que, par une décision du 20 février 1990, le directeur général de l'INSERM a expressément rejeté le recours gracieux de Mme Y... tendant à voir reconnaître l'imputabilité au service, au titre du tableau des maladies professionnelles n 6 relatif aux affections résultant de rayonnements ionisants, l'atteinte bilatérale des nerfs optiques dont elle est atteinte ; que pour justifier son refus, l'autorité administrative invoque l'avis du professeur B... qui a examiné l'intéressée le 11 juin 1990 et conclu à l'origine congénitale de l'amputation temporale des deux champs visuels avec anomalie de la tête du nerf optique, avis confirmé par le professeur F... le 19 octobre 1990 et repris par le professeur A..., expert désigné par le tribunal administratif, lequel n'allègue ni n'établit avoir procédé à une quelconque vérification des diagnostics des professeurs précités ; que, de son côté, Mme Y... conteste lesdits avis et produit une attestation, établie le 14 avril 1997, par le docteur X..., directeur de recherche à l'INSERM, certifiant que les tâches confiées à l'intéressée dans son service requièrent une "excellente acuité visuelle" en ce qu'elles impliquent, notamment, "le cathétérisme vasculaire sur petits animaux" ; que, par ailleurs, il résulte du compte-rendu d'un scanner cranio-encéphalique avec injection, effectué le 16 mars 1989 à l'Hôtel-Dieu, et dont les résultats ne sont pas mis en doute, qu'"aucune anomalie significative" n'a été relevée ; que si l'INSERM soutient que le scanner est antérieur aux explorations électrophysiologiques subies par Mme Y... en 1990, il n'est pas établi que ces derniers examens, qui ne sont pas de même nature que le scanner, seraient plus probants que ce dernier ; qu'il y a lieu, en l'état du dossier, d'ordonner avant dire droit une expertise par un expert en ophtalmologie et par un expert en radiobiologie, aux fins de déterminer l'étiologie de l'atteinte oculaire bilatérale indépendante de la cataracte dont souffre Mme Y... ;
Sur l'aggravation de l'état de santé de Mme Y... :
Considérant que l'état du dossier ne permet pas à la cour de vérifier la réalité de l'aggravation de son état de santé invoquée par Mme Y... ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire porter l'expertise également sur ce point ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'allocation temporaire d'invalidité soit portée au taux minimum de 80 % :
Considérant qu'il y a lieu de réserver lesdites conclusions pour qu'il y soit statué après expertise ;
Sur les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de réserver ce point pour qu'il y soit statué en fin d'instance ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu de réserver lesdites conclusions pour qu'il y soit statué en fin d'instance ;
Article 1er : Le jugement du 12 décembre 1996 du magistrat délégué au tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de Mme Y... tendant à la majoration de son allocation temporaire d'invalidité. Par ailleurs, l'article 4 du même jugement est annulé.
Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de Mme Y... tendant, d'une part, à voir reconnaître au titre de maladies professionnelles relevant respectivement des tableaux n 10 et n 6, le caractère récidivant d'une dermite eczématiforme ainsi que l'atteinte bilatérale du nerf optique, d'autre part, à obtenir la révalorisation du taux de l'allocation temporaire d'invalidité, il sera procédé, par un collège de trois experts compétents respectivement en allergologie, radiobiologie et ophtalmologie, désignés par le président de la cour, à une expertise collégiale, en vue de déterminer :
1 - Si la réapparition intermittente de symptômes allergiques dont se plaint Mme Y... peut être considérée comme une récidive de la dermite eczématiforme qui, par décision du 17 juillet 1978, fut reconnue imputable au service au titre du tableau n 10 des maladies professionnelles concernant les dermites provoquées notamment par les chromates ;
2 - Si l'atteinte bilatérale du nerf optique dont est atteinte Mme Y... est d'origine congénitale ou non et, dans cette dernière hypothèse, s'il y a lieu de considérer, compte tenu des conditions particulières dans lesquelles l'intéressée a effectué ses recherches dans le cadre de l'unité 25 de l'INSERM, que son étiologie est en rapport avec ladite activité et doit être reconnue comme maladie professionnelle relevant du tableau n 6 relatif aux affections provoquées par les rayonnements ionisants. Il appartiendra aux experts de préciser, le cas échéant, la date de consolidation de l'état de Mme Y... ainsi que le taux d'invalidité permanente partielle particulier à chacune desdites affections ou, s'il y a lieu, un taux global pour les maladies professionnelles non séparables au titre d'un même tableau ;
3 - Si, et dans quelle mesure, l'état de santé de Mme Y... s'est aggravé depuis les dates de reconnaissance d'imputabilité au service de la cataracte bilatérale et de la parodontolyse. Dans l'affirmative, il appartiendra aux experts d'indiquer le taux d'aggravation constaté pour chacune des maladies professionnelles séparables ou, dans le cas contraire, un taux global d'aggravation.
Article 3 : Dans la conduite de leur mission les experts devront consulter l'entier dossier de Mme Y..., procéder à toutes investigations utiles auprès de l'unité 25 comme de l'unité 200 où fut par la suite affectée l'intéressée, effectuer tous examens cliniques, tests, allergographies, recourir en tant que de besoin à tel sapiteur dont le concours leur paraîtrait utile à la manifestation de la vérité, et consulter en tout état de cause l'office de protection contre les rayonnements ionisants OPRI (...) en vue de vérifier l'importance des rayonnements ionisants auxquels Mme Y... fut exposée du fait de la probable défectuosité des installations de l'appareil d'irradiation de l'hôpital Necker ainsi qu'en ont conclu les experts précédemment consultés.
Article 4 : Les experts prêteront serment pas écrit. Le rapport d'expertise, qui pourra être commun aux trois experts ou, si mieux n'aime, propre à chacun d'eux, sera (seront) déposé(s) au greffe de la cour dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment.
Article 5 : Les frais d'expertise et les conclusions sur lesquelles il n'a pas été statué par le présent arrêt sont réservés pour y être statué en fin d'instance.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA01187
Date de la décision : 10/06/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

54-04-02-02-01 PROCEDURE - INSTRUCTION - MOYENS D'INVESTIGATION - EXPERTISE - RECOURS A L'EXPERTISE


Références :

Décret 86-442 du 14 mars 1986 art. 19


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle PAYET
Rapporteur public ?: M. BROTONS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-06-10;97pa01187 ?
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