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27/05/1999 | FRANCE | N°97PA03167

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 27 mai 1999, 97PA03167


(4ème chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 1997 sous le n 97PA03167, présentée par M. Jean-Marc X..., demeurant 27 chemin vieux dit Perrin 38100 Grenoble ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9500440/5, 9512598/5 et 9519167/5 en date du 1er juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant : 1- à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 novembre 1994 le suspendant de ses fonctions avec plein traitement à compter du 10 novembre 1994 ; 2- à l'annulation de l'arrê

té du ministre de l'intérieur en date du 8 juin 1995 le suspendant ...

(4ème chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 novembre 1997 sous le n 97PA03167, présentée par M. Jean-Marc X..., demeurant 27 chemin vieux dit Perrin 38100 Grenoble ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9500440/5, 9512598/5 et 9519167/5 en date du 1er juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant : 1- à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 10 novembre 1994 le suspendant de ses fonctions avec plein traitement à compter du 10 novembre 1994 ; 2- à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 8 juin 1995 le suspendant de ses fonctions avec demi-traitement à compter du 10 mars 1995 ; 3- à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2 ) d'annuler les arrêtés en date des 10 novembre 1994 et 8 juin 1995 le suspendant de ses fonctions et prolongeant cette suspension ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200.000 F en réparation du préjudice subi ;
4 ) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 182.461 F correspondant à la rémunération qu'il n'a pas perçue ;
5 ) et d'enjoindre à l'administration de prendre en compte la période considérée pour le calcul des congés annuels ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi du 22 avril 1905 ;
VU la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
VU la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
VU le décret n 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 1999 :
- le rapport de Mme de SALINS, premier conseiller,
- les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. X..., inspecteur divisionnaire de police nationale, affecté à la direction centrale des renseignements généraux et mis à la disposition du cabinet du ministre de la communication depuis mai 1993, a été suspendu de ses fonctions par arrêté du 10 novembre 1994 à compter de ce jour à la suite de sa mise en examen pour recel, en août 1993, d'un bien escroqué ; que, par arrêté du 8 juin 1995, la suspension a été prorogée à compter du 10 mars 1995 avec demi traitement ; que ce dernier arrêté a été rapporté en tant qu'il fixait son entrée en vigueur à une date antérieure au 25 juin 1995 ; que, par jugement en date du 1er juillet 1997, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de M. X... tendant à l'annulation des arrêtés en date des 10 novembre 1994 et 8 juin 1995, à la réparation du préjudice financier et moral résultant de ses décisions illégales, au reversement de la partie de son traitement qui ne lui a pas été versée du fait de l'arrêté du 8 juin 1995 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre en compte la période pendant laquelle il a été suspendu pour le calcul de ses droits à congés annuels ;
Sur la légalité des arrêtés en date des 10 novembre 1994 et 8 juin 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : "en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai le conseil de discipline. /Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions. /Le fonctionnaire qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions peut subir une retenue qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération mentionnée à l'alinéa précédent. Il continue néanmoins à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille" ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que la suspension de fonctions et son éventuelle prolongation sont des mesures conservatoires prises dans l'intérêt du service et ne constituent pas une sanction disciplinaire ; qu'elles ne sont pas au nombre des mesures qui, en vertu de la loi du 11 juillet 1979, doivent être motivées ; qu'elles n'ont pas davantage à être précédées d'une procédure contradictoire ;
Considérant, en deuxième lieu, que la mesure de suspension et sa prolongation ne sont pas non plus au nombre des mesures pour lesquelles le fonctionnaire concerné doit être mis à même de consulter son dossier par application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 n'imposent pas qu'une procédure disciplinaire soit engagée préalablement à la suspension d'un fonctionnaire ; que ces dispositions, qui ont imparti un délai de quatre mois, sauf poursuites pénales, pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire, ont pour objet de limiter les conséquences de la suspension sans qu'aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire ni même fasse obligation à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'engager la procédure disciplinaire ; que, dans ces conditions, la circonstance que le ministre de l'intérieur n'avait toujours pas engagé de poursuites disciplinaires à la date à laquelle la justice a statué à titre définitif sur les griefs reprochés à M. X... n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité la décision le suspendant et celle prorogeant au-delà du délai de quatre mois cette suspension ; que M. X... n'est pas davantage fondé à invoquer le fait qu'aucune enquête disciplinaire n'ait été ouverte à son encontre ;
Considérant, en dernier lieu, que la circonstance que la notification de chacune de ces deux décisions aurait omis de mentionner l'une des voies de recours ouvertes contre ces décisions est sans influence sur leur légalité, sans que M. X... puisse utilement invoquer la résolution du conseil de l'Europe en date du 28 septembre 1977 ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que les premiers juges ont opposé à M. X... l'irrecevabilité des moyens relatifs à la légalité interne de l'arrêté en date du 10 novembre 1994 au motif qu'il avait formulé ces moyens plus de deux mois après l'introduction de sa demande ; que la circonstance que cet arrêté ne précisait pas qu'il pouvait faire l'objet d'un recours hiérarchique ne fait pas obstacle à ce que le délai de deux mois, courant à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Paris, pour présenter des moyens reposant sur des causes juridiques distinctes lui soit opposé ;
Considérant, en tout état de cause, qu'il ressort des pièces du dossier qu'aux dates auxquelles la mesure de suspension a été adoptée puis prorogée, M. X..., qui était mis en examen depuis le 24 octobre 1994, faisait l'objet de poursuites pénales ; qu'à ces dates, les faits reprochés à l'intéressé présentaient un caractère de gravité et de vraisemblance suffisant pour justifier ces mesures ; que l'intervention de l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble en date du 11 septembre 1996 le relaxant de toute condamnation et établissant qu'il n'a commis aucune faute civile ou pénale, n'est pas à elle seule de nature à entacher la légalité de ces mesures ; que, dans ces conditions, la circonstance qu'il ait été suspendu pendant près de deux ans ne saurait conférer à cette suspension le caractère d'une sanction déguisée ; que le détournement de pouvoir allégué et tiré de ce que l'administration l'aurait suspendu dans le seul but de l'écarter de la direction centrale des renseignements généraux du fait de ses liens avec un ancien ministre faisant lui aussi l'objet de poursuites pénales ne saurait être regardé comme établi au regard des pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes en tant qu'elles tendaient à l'annulation des arrêtés en date des 10 novembre 1994 et 8 juin 1995 le suspendant de ses fonctions ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice subi :
Considérant que, dès lors que les arrêtés en date des 10 novembre 1994 et 8 juin 1995 suspendant M. X... ne sont entachés d'aucune illégalité, l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en les adoptant ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à ce qu'il soit indemnisé à hauteur de 200.000 F du préjudice moral et financier que lui ont causé ces mesures ;
Sur le reversement des rémunérations :
Considérant que s'il appartient à l'autorité compétente, en application de dispositions susrappelées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un fonctionnaire qui se trouve sous le coup de poursuites pénales ou fait l'objet d'une procédure disciplinaire, ce fonctionnaire a droit, dès lors qu'aucune sanction pénale ou disciplinaire n'a été prononcée à son encontre, au paiement de la rémunération définie à l'article 30, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1983, y compris pour la période correspondant à la durée de la prorogation de la suspension ; que M. X... ayant bénéficié, comme il a été dit ci-dessus, d'un arrêt de relaxe et n'ayant fait l'objet d'aucune sanction, a droit au versement d'une somme correspondant à la rémunération afférente à son emploi, telle que définie à l'article 30, alinéa 2,de la loi du 13 juillet 1983, pour la période de la prorogation de la suspension du 25 juin 1995 au 1er novembre 1996 ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de prendre en compte la période de suspension pour le calcul de ses droits à congés annuels :
Considérant que l'exécution du présent arrêt n'appelle aucune mesure particulière en matière de calcul des droits à congés annuels de M. X... ; que, dès lors, les conclusions susanalysées ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, en application de ces dispositions, à verser à M. X... la somme de 10.000 F qu'il demande au titre des frais qu'il a exposés dans le cadre de la présente instance ;
Article 1er : Le jugement en date du 1er juillet 1997 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant que le tribunal a rejeté les conclusions de la demande de M. X... tendant au paiement de sa rémunération pour la période du 25 juin 1995 au 1er novembre 1996.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. X... une somme correspondant à la rémunération afférente à son emploi, telle que définie à l'article 30, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1983, pour la période du 25 juin 1995 au 1er novembre 1996. M. X... est renvoyé devant l'administration pour la liquidation de cette somme.
Article 3 : L'Etat versera à M. X... la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel .
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 97PA03167
Date de la décision : 27/05/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-09-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SUSPENSION


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 22 avril 1905 art. 65
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 30


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de SALINS
Rapporteur public ?: M. LAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-05-27;97pa03167 ?
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