(4ème chambre B)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 6 et 22 août 1997, présentés pour M. Norbert A..., demeurant ..., par Me Z..., avocat ; M. A... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9108880/5 en date du 20 mars 1997, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 juillet 1991 par lequel le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre a rapporté l'arrêté du 1er juin 1990 portant reclassement de M. A... à compter du 6 mars 1943 ;
2 ) d'annuler l'arrêté précité ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 8.000 F, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU l'ordonnance n 45-1283 du 15 juin 1945 modifiée ;
VU la loi n 82-1021 du 3 décembre 1982 modifiée ;
VU la loi n 87-503 du 8 juillet 1987 ;
VU le décret n 85-70 du 22 janvier 1985 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 mars 1999 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat, pour M. A...,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que M. A... établit que le tribunal administratif de Paris a adressé le 28 janvier 1997 l'avis d'audience au conseil qui avait présenté sa demande, alors même que, par une lettre datée du 21 décembre 1992, dont cette juridiction a accusé réception le lendemain, il a prévenu le président du tribunal qu'il avait renoncé à l'assistance de Me Y... et a demandé à être destinataire de toute correspondance concernant l'instance ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 mars 1997 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'administration aurait illégalement rapporté, après qu'il fût devenu définitif, l'arrêté ministériel du 1er juin 1990 :
Considérant que l'article 9 de la loi susvisée du 3 décembre 1982 relative au règlement de certaines situations résultant des évènements d' Afrique du Nord, de la guerre d'Indochine ou de la Seconde Guerre mondiale, prévoit que "Les fonctionnaires ayant servi en Tunisie ou au Maroc ainsi que les fonctionnaires et agents des services publics algériens et sahariens qui ont été intégrés, reclassés ou réaffectés dans les cadres de la fonction publique métropolitaine peuvent demander le bénéfice des dispositions de l'ordonnance n 45-1283 du 15 juin 1945 relative aux candidats aux services publics ayant été empêchés d'y accéder, ainsi qu'aux fonctionnaires et agents des services publics ayant dû quitter leur emploi par suite d'évènements de guerre, et des textes pris pour son application. Les reclassements prononcés entraîneront un effet pécuniaire rétroactif à compter de la date du fait générateur." ; qu'aux termes de l'article 2 de ladite ordonnance, "Bénéficient des dispositions de la présente ordonnance, ( ...) les candidats à l'admission dans les cadres (des collectivités et établissements publics énumérés à l'article 1er) qui ( ...) ont été empêchés d'accéder aux services publics en raison des situations énumérées ci-après : / ( ...) 2 Mobilisés ou engagés ayant servi postérieurement au 25 juin 1940 dans les formations militaires françaises de terre, de mer et de l'air, à l'exception : / a) Des militaires démobilisés entre le 25 juin 1940 et le 1er juin 1941 par l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français ; / b) Des engagés volontaires dans les formations militaires dépendant de l'autorité de fait se disant gouvernement de l'Etat français, s'ils n'ont pas pris part ultérieurement à des opérations contre l'ennemi ; / 13 Toutes personnes atteintes d'infirmités résultant de la guerre 1939-1945 dont l'invalidité a été reconnue dans les conditions prévues par la loi du 31 mars 1919, à un taux au moins égal à 40 p. 100." ;
Considérant que, si M. A... fait valoir que la demande de reclassement qu'il déclare avoir présentée le 7 octobre 1983 ne se fondait, en application des dispositions précitées de l'article 2, 2 de l'ordonnance du 15 juin 1945, que sur sa mobilisation du 6 mars 1943 au 6 septembre 1945, cette seule circonstance ne suffisait pas à établir que le requérant avait eu l'intention d'être candidat à un emploi public et que seul un évènement de guerre l'avait empêché d'accéder à la fonction publique, dès lors que ce n'est que le 17 mai 1954 qu'il a été recruté par l'hôpital civil de Constantine, qui l'a employé jusqu'au 17 janvier 1955, avant son entrée dans le service départemental de l'Office national des anciens combattants de Constantine et son succès en 1957 à l'examen d'aptitude à l'emploi réservé de commis ; que, à la demande du contrôleur financier du secrétariat d'Etat aux anciens combattants tendant à la production de pièces justificatives complémentaires, le requérant a produit un certificat médical daté du 8 septembre 1988 qui faisait état d'une blessure de guerre survenue le 15 février 1945 et d'une inaptitude au travail de 1946 à 1952, avec un taux d'invalidité de 100 p. 100 ; qu'au vu de ce certificat médical, un arrêté daté du 1er juin 1990 du secrétaire d'Etat aux anciens combattants a reclassé M. A..., alors secrétaire général de classe exceptionnelle, à compter du 6 mars 1943 ; qu'en exécution partielle de cet arrêté, combiné avec un arrêté du 15 février 1991 portant détachement de M. A... dans le corps des attachés d'administration centrale du 1er novembre 1977 au 18 octobre 1981 et du 1er aoùt 1984 au 7 juillet 1989, le secrétariat d' Etat aux anciens combattants et victimes de guerre a versé à M. A... la somme de 123.987, 17 F en mai 1991 ; que, par lettres en date du 24 juin et du 22 juillet 1991, M. A... a demandé à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre d'exécuter l'arrêté de reclassement du 1er juin 1990 pour les services qu'il avait effectués à l'Office ; que cet arrêté a alors été rapporté par un arrêté ministériel daté du 26 juillet 1991 ; que M. A... conteste ce dernier arrêté en faisant d'abord valoir que l'arrêté du 1er juin 1990 étant une décision individuelle créatrice de droits, son retrait ne pouvait légalement intervenir après l'expiration du délai de recours contentieux, alors même que cette décision serait illégale ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le certificat médical du 8 septembre 1988 n'est cohérent ni avec le certificat médical daté du 19 janvier 1957, qui constatait que M. A... remplissait les conditions physiques exigées pour l'exercice de la fonction de commis à la date de son recrutement en cette qualité par l'Office national des anciens combattants, ni avec le taux de 10 p. 100 de la pension dont bénéficiait l'intéressé, qui ne sera porté à 100 p. 100 que le 1er août 1989, ni avec les activités exercées par l'intéressé dans les épiceries de son père et de son oncle de septembre 1945 à la date de son embauche par l'hôpital civil de Constantine ; que, dans ces conditions, l'office établit que le requérant l'a trompé en alléguant qu'il avait été empêché d'entrer plus tôt dans la fonction publique du fait, d'une part, de sa mobilisation, d'autre part, d'une invalidité de 100 p. 100 due à une blessure de guerre ; que l'arrêté du 1er juin 1990, ainsi obtenu par fraude, pouvait légalement être retiré à tout moment ;
En ce qui concerne les moyens relatifs à la légalité externe de l'arrêté du 26 juillet 1991:
Considérant, en premier lieu, que l'administration intimée justifie que M. Yves-Jean X..., directeur général de l'Office national des anciens combattants, signataire de la décision attaquée, détenait une délégation de signature régulièrement publiée, à la date d'intervention de ladite décision ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si l'administration a consulté la commission administrative de reclassement préalablement au prononcé de l'arrêté du 1er juin 1990, ce que l'article 17 de l'ordonnance du 15 juin 1945 ne l'obligeait d'ailleurs pas à faire, aucune disposition législative ou réglementaire n'exige que le retrait d'un arrêté de cette nature soit prononcé suivant la même procédure que celle suivie pour un reclassement fondé sur les dispositions précitées de l'article 9 de la loi susvisée du 3 décembre 1982 ;
Considérant, enfin, que la circonstance que le retrait contesté était dépourvu du visa du contrôleur financier, contrairement à l'arrêté rapporté, est sans influence sur la légalité de la décision entreprise, un tel visa constituant une formalité administrative d'ordre intérieur exclusivement destinée à garantir le respect des règles budgétaires ;
En ce qui concerne les moyens relatifs à la légalité interne de l'arrêté du 26 juillet 1991 :
Considérant que, conformément à ce qui a été exposé précédemment, le retrait entrepris n'est entaché ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit, M. A... ne pouvant être regardé comme un candidat aux services publics empêché d'y accéder par suite d'évènements de guerre, au sens de l'ordonnance susvisée du 15 juin 1945 ; qu'au surplus, la demande de reclassement présentée par l'intéressé l'a été après l'expiration du délai d'un an suivant la promulgation de la loi susvisée du 8 juillet 1987 relative à certaines situations résultant des évènements d'Afrique du Nord, imparti par l'article 4 de cette loi ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Paris à fin d'annulation de l'arrêté ministériel du 26 juillet 1991 rapportant l'arrêté de reclassement du 1er juin 1990, doit être rejetée ;
Article 1er : Le jugement en date du 20 mars 1997 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M.SEYMAN devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.