(4ème Chambre B)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 juillet 1997 sous le n 97PA01912, présentée pour Mme Julia X..., demeurant ..., par la SELARL ACACIA, avocat ; Mme X... demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement n 961912 en date du 20 mai 1997 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant : 1 ) à l'annulation de la décision de la Caisse des dépôts et consignations en date du 9 novembre 1994 lui imposant le remboursement de sommes perçues au titre de sa pension pour l'année 1994, de la décision du 3 mars 1995 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ainsi que la décision du 7 novembre 1995 en tant qu'elle décide de compen-ser ladite somme avec la pension servie en 1995 ; 2 ) à la condamnation de la Caisse
des dépôts et consignations à lui restituer la somme de 68.716,06 F avec intérêts à compter de la date d'introduction de sa requête et capitalisation desdits intérêts au 21 avril 1997 ; 3 ) à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 6.994,80 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours adminis-tratives d'appel ;
2 ) d'annuler les décisions de la Caisse des dépôts et consignations en date des 3 mars et 17 novembre 1995 en tant qu'elles suspendent le versement de sa pension, ordonnent la restitution de 68.716,06 F et décident d'exécuter d'office cette décision ;
3 ) de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser la somme de 68.716,06 F, avec intérêt au taux légal à compter du 28 mars 1996 et capitalisation des intérêts au 21 avril 1997 ;
4 ) et de condamner la Caisse des dépôts et consignations à lui verser la somme de 13.989,60 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux admi-nistratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
VU le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
VU l'ordonnance n 82-290 du 30 mars 1982 relative à la limitation des possibilités de cumul entre pensions de retraite et revenus d'activités ;
VU la loi n 83-430 en date du 31 mai 1983 portant diverses mesures relatives aux prestations de vieillesse ;
VU la loi quinquennale n 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mars
1999 :
- le rapport de Mme de SALINS, premier conseiller,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Sur la légalité des décisions de la Caisse des dépôts et consignations en date des 3 mars et 17 novembre 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.76 du code des pensions civiles et militaires de retraite, seul article du chapitre II, intitulé "fonctionnaires civils titulaires de deux emplois", du titre II du livre II de ce code : "Lorsque le fonction-naire qui occupe simultanément deux emplois relevant soit de l'Etat, soit de l'une des collectivités visées à l'article L.5 (4 et 5 ) et comportant des limites d'âge différentes est mis à la retraite au titre de l'un d'entre eux, la pension est liquidée sur la base du traitement afférent à cet emploi. / L'intéressé peut demeurer en fonctions dans son second emploi jusqu'à la limite d'âge y afférente et cumuler sa pension avec la rémunération attachée audit emploi ..." ; qu'aux termes de l'article L.86 du même code : "Les titulaires de pension qui ont été rayés des cadres soit sur leur demande, soit d'office par mesure de discipline, avant d'avoir atteint la limite d'âge qui leur était applicable dans leur ancien emploi, et qui perçoivent une rémunération d'activité servie par une des collectivités énumérées à l'article L.84, ne peuvent bénéficier de leur pension avant d'avoir atteint l'âge correspondant à cette limite d'âge, sauf à percevoir, si la pension est supérieure à la nouvelle rémunération d'activité, une somme égale à l'excédent de la pension sur le montant de cette rémunération. / Toutefois, peuvent cumuler intégralement le montant de leur pension avec celui des émoluments correspondant à l'emploi qui leur est confié : ... 3 les titulaires de pensions dont la rémunération annuelle n'excède pas le quart du montant de la pension ou le montant du traitement afférent à l'indice 100 fixé par l'article 1er du décret n 48-1108 du 10 juillet 1948 et les textes subséquents" ; et qu'enfin aux termes de l'article L.86-1 du même code, issu de l'article 3 de l'ordonnance du 30 mars 1982 : "Le paiement d'une pension civile ou militaire de retraite concédée à partir de l'âge de soixante ans ou plus et postérieurement au 31 mars 1983, est subordonné, pour le bénéficiaire, à la cessation définitive de toute activité dans la collectivité publique, au sens de l'article L.84, auprès de laquelle il était affecté en dernier lieu, antérieurement à la date d'entrée en jouissance de sa pension" ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme X..., née le 9 mars 1933 et qui exerçait les fonctions de conseillère socio-éducative pour le département de Seine-et-Marne, a été admise, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 9 mars 1993 ; que la circonstance qu'à compter du 1er avril 1993, elle a été recrutée par le même département en qualité de vacataire pour y exercer les fonctions d'assistante maternelle afin de garder à son domicile un enfant handicapé ne saurait la faire regarder comme un fonctionnaire titulaire de deux emplois, au sens des dispositions précitées de l'article L.76 du code des pensions, à la date de son départ à la retraite ; que, dans ces conditions, la Caisse des dépôts et consignations n'a commis aucune erreur de droit en estimant que la situation de Mme X... ne relevait pas des dispositions de cet article ;
Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'arti-cle L.86-1 du code des pensions faisaient obstacle à ce que Mme X... puisse percevoir sa pension de retraite dès lors qu'elle continuait à exercer une activité salariée au profit du département de Seine-et-Marne, sans que l'intéressée puisse utilement se prévaloir des dispositions de l'article L.86 du même code ; que la Caisse des dépôts et consignations était dès lors tenue de lui refuser le bénéfice de ladite pension aussi longtemps qu'elle poursuivait une activité salariée auprès du dépar-tement de Seine-et-Marne ; que, dans ces conditions, les moyens tirés des mauvaises interprétation et application faites par la caisse des dispositions de l'article L.86 du code des pensions et de la non conformité de cet article avec des principes du droit international ou du droit communautaire, sont inopérants et le tribunal n'était dès lors pas tenu d'y répondre ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 3 de l'ordonnance du 30 mars 1982 a eu pour effet d'insérer à l'article L.86-1 du code des pensions civiles et militaires une disposition reprenant, dans le cas des agents tributaires de ce code, la règle posée à l'article 1er de l'ordonnance susvisée du 30 mars 1982, qui subordonne le service d'une pension de vieillesse à la rupture de tout lien professionnel avec l'employeur ou, pour les non salariés, de l'activité précédemment exercée ; que cet article 1er était toujours en vigueur à la date de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, les dispositions précitées de l'article L.86-1 du code des pensions ne comportent aucune discrimination selon le caractère public ou privé de l'employeur et ne portent, en tout état de cause, pas atteinte aux dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fonda-mentales qui interdit toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés qu'elle garantit ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'en subordonnant la perception d'une pension de retraite par répartition par les agents tributaires du code des pensions civiles et militaires à la rupture définitive par l'intéressé de tout lien avec la collec-tivité publique dont il dépend à la date d'entrée en jouissance de sa pension, ces dispositions n'ont pas méconnu le droit au respect des biens tels qu'il est garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention aux termes duquel : "Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précé-dentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes" ;
Considérant, en dernier lieu, que Mme X... n'établit pas en quoi l'interdiction de percevoir sa pension de retraite aussi longtemps qu'elle exerce l'activité rémunérée d'assistante maternelle pour le compte du département de Seine-et-Marne porte atteinte au droit, garanti par l'article 7 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, de percevoir un salaire équitable au titre de cette dernière activité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisam-ment motivé, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à l'annulation de la décision en date du 3 mars 1995 par laquelle la Caisse des dépôts et consignations a constaté que l'intéressée était redevable à son égard de la somme de 68.716,06 F au titre d'un trop-perçu de pension de retraite en 1994 et de la décision du 17 novembre 1995 par laquelle la caisse l'a informée qu'elle avait procédé à la compensation entre cette somme et le montant de la pension qu'elle estimait lui devoir au titre de l'année 1995 ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la Caisse des dépôts et consignations à restituer la somme de 68.716,06 F, assortie des intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la Caisse des dépôts et consignations :
Considérant que les décisions susanalysées en date des 3 mars et 17 novembre 1995 étant légales, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Caisse des dépôts et consignations à lui restituer la somme de 68.716,06 F assortie des intérêts au taux légal ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la Caisse des dépôts et consignations, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente affaire, soit condamnée sur leur fondement ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.