(4ème chambre B)
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 25 juin et 25 août 1997, présentés pour Mme Catherine A..., demeurant ..., par Me B..., avocat ; Mme A... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 9310379/5, 9402235/5 et 9409114/5 en date du 4 février 1997 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 décembre 1993, par laquelle le maire de la commune d'Ivry-sur-Seine l'a licenciée de ses fonctions de radiologue au Centre municipal de santé, ainsi qu'à la condamnation de la commune d'Ivry-sur-Seine à lui verser une indemnité de 300.000 F, à titre de réparation des conséquences préjudiciables de son licenciement, un complément de rémunération proportionnel au nombre d'actes K ou Z pratiqués, un complément de rémunération, au titre de la diminution arbitraire de ses horaires du 1er au 16 novembre 1992 et pendant la période de préavis, et une somme de 14.278,30 F, au titre des jours de congés non pris, et l'a renvoyée devant la commune pour la liquidation de l'indemnité destinée à compenser le préjudice subi pendant la période du 16 novembre 1992 au 31 décembre 1993, à raison de la réduction irrégulière de ses horaires hebdomadaires ;
2 ) d'annuler la décision en date du 29 décembre 1993 la licenciant ;
3 ) de condamner la commune d'Ivry-sur-Seine à lui verser les sommes de 142.783,02 F, au titre d'un rappel de rémunération fondé sur les actes K et Z, de 29.663,28 F, au titre d'un rappel de rémunération dû à la suite de la diminution de ses horaires de novembre 1992 à février 1994 et de 12.313,71 F, en remboursement de 57 heures indûment retenues sur son solde de tout compte, ainsi qu'une indemnité de 300.000 F, à titre de réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de son licenciement abusif ;
4 ) de condamner la commune à lui verser la somme de 15.000 F, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des communes ;
VU la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 ;
VU la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
VU le décret n 88-145 du 15 février 1988 modifié ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 11 mars 1999 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., avocat, pour la commune d'Ivry-sur-Seine,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ivry-sur-Seine :
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 29 décembre 1993 licenciant Mme A... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Catherine A... a été recrutée, à compter du 1er novembre 1991, par la commune d'Ivry-sur-Seine pour assurer des consultations de radiologie et d'échographie au Centre municipal de santé, par un contrat verbal, qui en l'absence d'éléments contraires, doit être regardé comme un contrat à durée indéterminée ;
Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée indique avec une précision suffisante les considérations de fait sur lesquels elle se fonde, en énonçant les motifs suivants : "non respect des horaires de travail et modifications unilatérales de ceux-ci, sans avis préalable de la direction du Centre municipal de santé, rendant difficile la gestion du service rendu aux usagers ; relations conflictuelles avec la direction du centre, qui nuisent au bon fonctionnement du service public. Il en résulte une perte de confiance qui ne permet pas d'envisager la poursuite de votre collaboration." ; qu'ainsi, le licenciement prononcé à l'encontre de la requérante doit être regardé comme satisfaisant aux prescriptions des articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ainsi d'ailleurs qu'à celles de l'article 42 du décret susvisé du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, malgré les instructions des responsables du Centre municipal de santé, telles celles du médecin directeur du centre formulées dans les lettres datées du 26 octobre 1992 et du 16 novembre 1992 qu'il a adressées à Mme A... et celles confirmatives de la directrice administrative de ce même centre contenues dans le tableau de présence horaire qu'elle a établi le 30 septembre 1993, Mme A..., estimant, d'après sa lettre du 7 décembre 1992, les horaires variables mieux adaptés au fonctionnement du service de radiologie, s'est, à plusieurs reprises, écartée de ses obligations de service telles que définies par ses supérieurs, et a émis de vives protestations lorsqu'ils ont procédé, comme il leur incombait de le faire, au contrôle de ses horaires ; que, par diverses correspondances, elle a remis en cause l'autorité hiérarchique de manière démesurée ; que l'administration ne s'est, par suite, pas fondée sur des faits matériellement inexacts et n'a pas commis d'erreur d'appréciation en regardant cette attitude comme incompatible avec le bon fonctionnement du centre et en mettant fin pour cette raison aux fonctions de Mme A... ;
Considérant, enfin, que, si la requérante allègue que son licenciement trouverait son origine dans le comportement vindicatif manifesté à son encontre par le médecin directeur du centre, elle n'établit pas que cette mesure n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision en date du 29 décembre 1993 la licenciant ;
Sur les conclusions tendant à la réparation des conséquences préjudiciables du licenciement de Mme A... :
Considérant que la décision de licenciement litigieuse n'étant entachée d'aucune des illégalités invoquées par la requérante, celle-ci ne saurait prétendre que la commune d'Ivry-sur-Seine aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ;
Sur les conclusions tendant au versement d'un rappel de rémunération proportionnel au nombre d'actes radiologiques et échographiques effectués par Mme A... du 1er novembre 1992 au 31 décembre 1993 :
Considérant que, contrairement aux dires de la requérante, les pièces du dossier n'établissent pas que son contrat verbal aurait prévu qu'elle percevrait, à titre d'élément de rémunération variable, une vacation horaire pour une activité radiologique de 500 Z ou pour une activité échographique de 180 K, ni qu'elle aurait effectivement perçu une partie de sa rémunération ainsi calculée en fonction du nombre d'actes accomplis par elle, pendant la période allant du 1er novembre 1991, date de son embauche, au 1er novembre 1992, date à laquelle, selon Mme A..., les modalités de calcul de sa rémunération auraient été unilatéralement modifiées par l'administration, ni qu'elle aurait fait l'objet d' "une discrimination sexiste" à ce titre par rapport à d'autres radiologues contractuels exerçant au Centre municipal de santé ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Ivry-sur-Seine à lui verser une somme de 142.783,02 F ;
Sur les conclusions relatives au versement d'un rappel de rémunération au titre d'une diminution irrégulière des vacations hebdomadaires de Mme A... de 18 à 16 heures :
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 16 novembre 1992 du médecin directeur du Centre municipal de santé réduisant les horaires hebdomadaires de Mme A... de 18 à 16 heures à compter du 1er novembre 1992 ainsi que la décision confirmative prise le 15 juillet 1993 et cosignée par deux adjoints au maire et, par suite, a condamné la commune d'Ivry-sur-Seine à indemniser l'intéressée des conséquences préjudiciables de ces décisions pour la période allant du 16 novembre 1992 au 31 décembre 1993 ; qu'en appel, Mme A... demande que la période indemnisable à ce titre inclue également la période allant du 1er au 16 novembre 1992 ainsi que les deux mois de préavis de janvier et février 1994 ; que, par la voie de l'appel incident, la commune d'Ivry-sur-Seine demande à la cour d'annuler le jugement entrepris en tant qu'il a statué dans le sens qui vient d'être précisé et d'enjoindre à Mme A... de lui rembourser la somme de 21.261,06 F, majorée d'intérêts d'un montant de 5.292,71 F, qu'elle a versée à l'intéressée en exécution des articles susrappelés du dispositif dudit jugement ;
Considérant, en premier lieu, que la décision du 16 novembre 1992 précitée émane d'une autorité incompétente ; que, par suite, la commune d'Ivry-sur-Seine n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision précitée du 15 juillet 1993 a été cosignée par M. Antoine Y..., premier adjoint au maire, pour Mme Jeanine C..., troisième adjointe au maire, empêchée, et par M. Georges Z..., sixième adjoint au maire ; qu'aux termes de l'article L.122-11 du code des communes, alors en vigueur, "le maire ...peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs adjoints ..." et qu'aux termes de l'article L.122-13 du même code, "en cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations ..." ; que M. Y..., premier adjoint au maire, n'était pas titulaire d'une délégation l'habilitant à signer, au nom du maire, la décision en date du 15 juillet 1993 confirmant à Mme A... que sa rémunération était calculée en fonction du nombre d'heures réellement effectuées par elle au Centre municipal de santé, en réponse à la lettre datée du 15 juin 1993, par laquelle l'intéressée réclamait à la commune une somme de 59.240,11 F, au motif que sa rémunération aurait irrégulièrement cessé, depuis le 1er novembre 1992, d'être calculée suivant les modalités prévues dans son contrat verbal ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire ait été absent ou empêché le jour où la décision dont s'agit a été prise ; qu'ainsi, M. Y... n'était pas compétent pour signer cette décision ; que, par ailleurs, M. Z..., à qui le maire avait donné délégation en matière de santé et de sécurité, n'avait pas reçu délégation en matière de décisions concernant le personnel communal ; que, par suite, comme la requérante l'a soutenu en première instance, la décision du 15 juillet 1993 n'émanait pas d'une autorité compétente ; que, dès lors, la commune d'Ivry-sur-Seine n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé ladite décision ;
Considérant, cependant, qu'il ressort des pièces du dossier que, en un premier temps, Mme A... percevait une rémunération mensuelle provisionnelle, sur la base d'un volant théorique de vacations de 20 heures, ramené à 18 heures lorsque l'agent a demandé à ne plus exercer ses fonctions le samedi matin, puis réduit à 16 heures à compter du 1er novembre 1992, dès lors que les responsables du centre municipal de santé avaient constaté que le nombre de vacations effectivement assurées par l'intéressée était devenu inférieur à leur nombre prévisionnel ; que, quelques mois après, sa rémunération était réajustée en fonction des vacations réellement accomplies ; qu'il n'est pas établi que Mme A... aurait bénéficié en vertu de son contrat verbal de la garantie de percevoir un minimum forfaitaire de 18 vacations horaires par semaine ; que, par suite, elle ne justifie pas que la décision du 15 juillet 1993 aurait entraîné pour elle une réduction indue de sa rémunération ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a condamné la commune d'Ivry-sur-Seine à indemniser Mme A..., pour la période du 16 novembre 1992 au 31 décembre 1993, du préjudice invoqué par l'intéressée à raison de la réduction à 16 heures de ses horaires hebdomadaires et a renvoyé celle-ci devant la commune pour la détermination et la liquidation de cette indemnité ;
Considérant, toutefois, que la commune d'Ivry-sur-Seine, qui a le pouvoir d'émettre un titre exécutoire pour que Mme A... lui rembourse la somme de 26.553,77 F qu'elle a versée à celle-ci en exécution du jugement litigieux, n'est pas recevable à demander au juge administratif d'ordonner à la requérante de procéder à ce remboursement ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des 57 vacations horaires retenues sur le "solde de tout compte" établi en février 1994 :
Considérant que Mme A... demande à la cour de condamner la commune d'Ivry-sur-Seine à lui verser une somme de 12.313,71 F correspondant aux 57 vacations horaires retenues sur sa rémunération de février 1994, à titre de "trop-perçu"; que ces conclusions présentées pour la première fois en appel sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant au paiement de congés non pris :
Considérant que ces conclusions doivent être rejetées par les motifs retenus par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune d'Ivry-sur-Seine, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, soit condamnée à verser à Mme A... une somme au titre des frais qu'elle a exposés ;
Considérant que les conclusions de la commune d'Ivry-sur-Seine tendant à ce qu'il soit ordonné à Mme A... de lui rembourser la somme de 5.000 F qu'elle a versée à celle-ci, en application des dispositions susvisées, pour l'exécution du jugement attaqué, sont irrecevables, dès lors que la commune a le pouvoir d'émettre directement un titre exécutoire à cette fin ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner Mme A... à payer à la commune d'Ivry-sur-Seine la somme de 10.000 F ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement en date du 4 février 1997 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La requête de Mme A..., ses demandes indemnitaires et ses conclusions fondées sur l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, présentées devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que le surplus des conclusions incidentes de la commune d'Ivry-sur-Seine, sont rejetés.
Article 3 : Mme A... versera à la commune d'Ivry-sur-Seine une somme de 10.000 F, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.