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22/10/1998 | FRANCE | N°96PA02442

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 22 octobre 1998, 96PA02442


(4ème Chambre B) VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 23 août et 11 décembre 1996, présentés pour Mme Yvette X..., demeurant 13, place de l'église 45150 Ferolles, par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 952447 en date du 28 mars 1996, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 1993 du préfet des Yvelines interrompant le versement de son t

raitement à compter du 3 mars 1993 et de l'arrêté du 17 septembre ...

(4ème Chambre B) VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 23 août et 11 décembre 1996, présentés pour Mme Yvette X..., demeurant 13, place de l'église 45150 Ferolles, par la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; Mme X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 952447 en date du 28 mars 1996, par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 1993 du préfet des Yvelines interrompant le versement de son traitement à compter du 3 mars 1993 et de l'arrêté du 17 septembre 1993 du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, la radiant des cadres de la police nationale ainsi qu'à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 240.000 F et une somme de 20.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 ) d'annuler lesdites décisions ;
C 3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 240.000 F, assortie des intérêts à compter du 25 novembre 1993 et des intérêts des intérêts ;
4 ) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser le traitement qu'elle aurait dû percevoir du 3 mars 1993 au 2 avril inclus de la même année ;
5 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15.000 F, au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
VU la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
VU le décret n 68-70 du 24 janvier 1968 modifié ;
VU le décret n 86-442 du 14 mars 1986 modifié ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 1998 :
- le rapport de Mme LASTIER, premier conseiller ;
- les observations de la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour Mme X...,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si, dans la motivation de ce jugement, le tribunal administratif de Versailles a fait état du lien qui unissait Mme X... à "la commune", alors que l'intéressée était fonctionnaire de l'Etat, cette erreur purement matérielle est sans influence sur la régularité dudit jugement ;
Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation :
Considérant que si la formation d'un recours administratif contre une décision établit que l'auteur de ce recours a eu connaissance de la décision qu'il a contestée au plus tard à la date à laquelle il a formé ce recours, une telle circonstance est, par elle-même, sans incidence sur l'application des dispositions de l'article R.104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, selon lesquelles : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant que ni l'arrêté en date du 19 juin 1993, par lequel le préfet des Yvelines a interrompu le versement du traitement de Mme X... à compter du 3 mars 1993, ni l'arrêté en date du 17 septembre 1993, par lequel le ministre l'a radiée des cadres de la police nationale, ne mentionnaient les délais et voies de recours ; que le délai de recours contentieux n'ayant ainsi pas commencé à courir, Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté pour tardiveté les conclusions tendant à l'annulation de ces arrêtés ; que le jugement attaqué doit donc être annulé dans cette mesure ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante ;
Sur la légalité de l'arrêté de suspension du traitement de Mme X... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 31 mars 1993, Mme X... a été, d'une part, informée de ce que le comité médical interdépartemental du secrétariat général pour l'administration de la police de Versailles l'avait, le 11 du même mois, déclarée apte à reprendre ses fonctions, "sans limitation", à l'issue de son congé de maladie, avec le rappel selon lequel celui-ci s'achevait le 31 mars, d'autre part, mise en demeure de reprendre son service à la réception dudit courrier, laquelle a eu lieu le 2 avril ; que, si par une lettre datée de cette dernière date, l'époux de l'intéressée a répondu à l'administration que le médecin traitant de son épouse estimait que l'état de santé de celle-ci ne lui permettait pas de reprendre son service et s'est référé à l'avis de prolongation d'arrêt de travail prolongeant ce dernier jusqu'au 25 avril 1993, ni cette lettre ni cet avis, établi postérieurement à la séance précitée du comité médical, n'apportaient d'éléments nouveaux relatifs à l'état de santé de Mme X... ;

Considérant que le droit à rémunération des fonctionnaires est subordonné à l'exécution d'un service ou à l'obtention d'un congé ouvrant droit au maintien du traitement ; qu'en l'absence de service fait ou du maintien d'un congé de cette nature, l'autorité administrative était tenue de suspendre le traitement de la requérante ; que les moyens invoqués à l'encontre de la décision ainsi prise sont donc en tout état de cause, inopérants ;
Considérant, toutefois, que la mise en demeure précitée, que l'intéressée a reçue le 2 avril 1993, se réfère à l'avis de prolongation de l'arrêt de travail de Mme X... jusqu'au 31 mars 1993 établi le 12 du même mois ; que, dans ces conditions, l'arrêté préfectoral de suspension de traitement litigieux ne pouvait rétroagir au-delà du 2 avril 1993 ; qu'il y a donc lieu de l'annuler en tant qu'il a fixé sa date d'effet à une date antérieure ;
Sur la légalité de l'arrêté de radiation des cadres :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à Mme X..., qui l'a reçue le 10 juillet 1993, une deuxième mise en demeure de reprendre son service, sous peine de voir engager à son encontre une procédure d'abandon de poste ; que le courrier rédigé par son époux en réponse à cette mise en demeure et les nouveaux avis de prolongation d'arrêt de travail de Mme X..., n'apportaient toujours pas d'éléments nouveaux sur l'état de santé de celle-ci ; que la requérante, qui ne justifie donc pas s'être trouvée dans l'impossibilité de reprendre son travail, doit être regardée comme ayant rompu le lien qui l'unissait à l'Etat ; qu'en tout état de cause, conformément aux dispositions combinées des articles 9 et 27 du décret du 14 mars 1986 susvisé, l'administration n'était pas tenue en l'espèce de saisir le comité médical supérieur, dont la requérante ne justifie d'ailleurs pas avoir demandé la consultation, contrairement à ses dires ; que l'administration n'avait pas davantage à saisir la commission administrative paritaire, le troisième alinéa de l'article 27 du décret précité invoqué par la requérante ne s'appliquant pas en cas d'abandon de poste ; que les circonstances, à les supposer établies, que Mme X... ait été victime de harcèlement sexuel de la part de l'un de ses supérieurs hiérarchiques et que cette conduite ait été à l'origine des troubles dont elle a souffert et du congé de maladie qui lui a été accordé, sont sans influence sur la légalité de la décision la radiant des cadres pour abandon de poste, laquelle n'est par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce telles que décrites ci-dessus, entachée ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de Mme X... tendant à l'annulation de l'arrêté ministériel la radiant des cadres de la police nationale, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant que la requérante a droit au rappel du traitement qu'elle aurait dû percevoir au titre de la période allant du 3 mars au 1er avril 1993 inclus, augmenté des intérêts à compter du jour de la réception par l'administration de la demande préalable de l'intéressée datée du 25 novembre 1993 ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 23 août 1996, 29 août 1997 et 4 septembre 1998 ; qu'à chacune de ces dates il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Considérant que le surplus des conclusions indemnitaires de la requête ne peut être que rejeté ; que le jugement attaqué doit être réformé dans la mesure où il a rejeté l'intégralité des conclusions indemnitaires de Mme X... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat , qui n'est pas la partie perdante, pour l'essentiel, dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme X... une somme au titre des frais que celle-ci a exposés ;
Article 1er : Le jugement du 28 mars 1996 du tribunal administratif de Versailles est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation de la demande et, en ce qui concerne les conclusions indemnitaires, en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 2 : L'arrêté en date du 19 juin 1993 du préfet des Yvelines est annulé en tant qu'il interrompt le traitement de Mme X... à une date antérieure au 2 avril 1993.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à Mme X... le traitement qu'elle aurait dû percevoir du 3 mars au 1er avril 1993 inclus, augmenté des intérêts aux taux légal à compter du jour de la réception par l'administration de la demande préalable datée du 25 novembre 1993. Les intérêts échus les 23 août 1996, 29 août 1997 et 4 septembre 1998 seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif et de sa requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA02442
Date de la décision : 22/10/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-08-02-01-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - REMUNERATION - TRAITEMENT - RETENUES SUR TRAITEMENT - RETENUES SUR TRAITEMENT POUR ABSENCE DU SERVICE FAIT


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R104, L8-1
Décret 86-442 du 14 mars 1986 art. 9, art. 27


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme LASTIER
Rapporteur public ?: M. LAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-10-22;96pa02442 ?
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