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13/10/1998 | FRANCE | N°95PA02750

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 13 octobre 1998, 95PA02750


(4ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 3 juillet 1995, la requête présentée pour M. Henri X..., demeurant ... des Arts, 75006 Paris, par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 5 avril 1995, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Châtillon à réparer le préjudice financier et moral qu'il a subi à raison de son licenciement ;
2 ) de faire droit aux demandes qu'il a formulées devant le tribunal administratif, suivant communication qu'il en fait

à la cour ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 88-145...

(4ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 3 juillet 1995, la requête présentée pour M. Henri X..., demeurant ... des Arts, 75006 Paris, par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 5 avril 1995, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Châtillon à réparer le préjudice financier et moral qu'il a subi à raison de son licenciement ;
2 ) de faire droit aux demandes qu'il a formulées devant le tribunal administratif, suivant communication qu'il en fait à la cour ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 88-145 en date du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juillet 1998 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- les observations du cabinet FRECHE, avocat, pour la commune de Châtillon,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire de la commune de Châtillon a, par arrêté du 15 septembre 1979 prenant effet le même jour, recruté pour une durée indéterminée M. X... en qualité de professeur de violoncelle sur le poste créé par délibération du conseil municipal du 6 novembre 1965 ; que le même arrêté fixait à 4 heures 30 le nombre d'heures hebdomadaires devant servir de base pour le calcul du traitement de l'intéressé, lequel avait la qualité, d'ailleurs non contestée, d'agent public territorial non titulaire permanent à temps non complet ; que, sans en avoir été au préalable informé, M. X... a vu sa rémunération calculée sur une base horaire ramenée de 4 heures 30 à 4 heures à partir du 1er mars 1992, puis à 3 heures à compter du 1er avril 1992 et finalement à 2 heures à partir du 1er mars 1993 ; que, par une lettre en date du 23 avril 1993, le maire de Châtillon a licencié M. X... à compter du 1er septembre 1993 au motif que son poste avait été supprimé ; que M. X... ayant porté le litige devant le tribunal administratif de Paris, celui-ci a, par jugement du 5 avril 1995 dont il est fait appel, rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Châtillon à réparer le préjudice financier et moral qu'il estime avoir subi à raison de l'ensemble des mesures prises à son encontre ;
Sur la légalité des mesures prises à l'encontre de M. X... :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 15 février 1988 : "L'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. ( ...) et définit le poste occupé et ses conditions d'emploi.( ...) ; qu'aux termes de l'article 42 du même décret : "Le licenciement est notifié à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La lettre précise le ou les motifs du licenciement et la date à laquelle celui-ci prend effet compte tenu de la période du préavis et des droits au congé annuel restant à courir." ; qu'il résulte de la combinaison des articles 39 et 40 du même décret, que l'agent non titulaire engagé pour une durée indéterminée ne peut être licencié par l'autorité territoriale qu'après un préavis qui lui est notifié dans un délai de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans ; qu'aux termes de l'article L.121-26 du code des communes : "Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune" et que l'article L.122-19 du même code donne au maire la charge d'exécuter les délibérations du conseil municipal ; que la définition des emplois communaux et la fixation de leur nombre, qu'il s'agisse de fonctionnaires municipaux ou d'agents non titulaires, sont des éléments de l'organisation des services communaux entrant dans la compétence du conseil municipal ; que la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale n'a pas dérogé à ce principe et que les dispositions de l'article 3 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, en vertu desquelles l'acte d'engagement définit le poste occupé et ses conditions d'emploi, n'ont pas eu pour objet et n'auraient d'ailleurs pu avoir légalement pour effet de transférer au maire une compétence appartenant à l'assemblée délibérante de la commune ;
Considérant, d'une part, que la mesure par laquelle le maire de Châtillon a ramené de 4 heures 30 à 4 heures puis à 3 heures et enfin à 2 heures la base horaire de rémunération de M. X..., a constitué, en réalité, un licenciement de l'emploi que l'intéressé occupait depuis le 15 septembre 1979 suivi implicitement et nécessairement de sa nomination sur un emploi différent non équivalent au précédent ;
Considérant, d'autre part, que le maire de Châtillon a procédé au licenciement définitif de M. X... à compter du 1er septembre 1993 au motif que son poste était supprimé par suite d'une désaffection de la population pour la discipline musicale qu'il enseignait ; qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure de suppression du poste qu'occupait M. X... n'a pas été décidée par une délibération du conseil municipal ; que, dès lors, en procédant à cette suppression dans les conditions susénoncées le maire de Châtillon a excédé ses pouvoirs ;
Sur le droit à réparation :

Considérant qu'aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 15 février 1988 : "Sauf lorsque le licenciement intervient ( ...) pour des motifs disciplinaires ( ...) une indemnité de licenciement est due ( ...) aux agents" ; qu'aux termes de l'article 45, 1er alinéa du même décret : "La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 46 du même décret : "L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base ( ...) - Pour l'application de cet article, toute fraction de service égale ou supérieure à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de service inférieure à six mois n'est pas prise en compte." ;
Considérant que la première mesure de licenciement est intervenue sans préavis et sans indemnité de licenciement et que la deuxième mesure de licenciement, si elle a été précédée d'un préavis et a donné lieu au paiement d'une somme de 10.910,20 F au titre de l'indemnité de licenciement, celle-ci a été calculée à tort sur la base horaire de 2 heures au lieu de 4 heures 30 ; que la cour ne trouvant pas au dossier les éléments lui permettant de calculer des sommes auxquelles M. X... peut prétendre au titre des éléments susmentionnés de son préjudice, il y a lieu de le renvoyer devant son administration afin qu'il y soit procédé, dans la limite de ses conclusions de première instance se montant, tous chefs de préjudice confondus à 76.728,10 F ; que, toutefois, il y aura lieu pour la collectivité de déduire la somme de 10.910,20 F que M. X... reconnaît avoir déjà perçue de son administration au titre de l'indemnité de licenciement ; que, par ailleurs, il y a lieu d'allouer à M. X... la somme de 10.000 F en réparation de son préjudice moral ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit aux intérêts au taux légal des sommes qui lui seront versées par la commune de Châtillon en application de ce qui précède ; que ces intérêts seront appliqués, d'une part, pour ce qui concerne les indemnités relatives au premier licenciement, à compter du 19 juillet 1993, date à laquelle la collectivité a accusé réception de la demande préalable, d'autre part, pour ce qui concerne les indemnités restant dues au titre du licenciement définitif, à compter du 1er septembre 1993 ;
Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que M. X... a demandé le 16 juin 1994 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date il n'était dû une année d'intérêts que sur les intérêts qui avaient couru depuis le 19 juillet 1993 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit, dans cette limite, à cette demande ;
Sur les frais irrépétibles exposés en première instance :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Châtillon, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à verser à M. X... la somme réclamée de 5.000 F au titre des frais qu'il a exposés en première instance ;
Article 1er : Le jugement du 5 avril 1995 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant la commune de Châtillon pour qu'il soit procédé au calcul de ses droits pécuniaires dans les conditions indiquées dans le corps de l'arrêt. Les sommes liquidées porteront intérêts, d'une part, pour ce qui concerne les indemnités relatives au premier licenciement, à compter du 19 juillet 1993, d'autre part, pour ce qui concerne les indemnités restant dues au titre du licenciement définitif, à compter du 1er septembre 1993. Les intérêts échus le 16 juin 1994 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La commune de Châtillon est condamnée à payer à M. X..., au titre de son préjudice moral, la somme de 10.000 F.
Article 4 : La commune de Châtillon est condamnée à payer à M. X..., sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la somme de 5.000 F.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de première instance est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA02750
Date de la décision : 13/10/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - MAIRE ET ADJOINTS - POUVOIRS DU MAIRE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 88-145 du 15 février 1988 art. 3, art. 43, art. 45, art. 46
Loi 84-53 du 26 janvier 1984


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle PAYET
Rapporteur public ?: M. BROTONS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-10-13;95pa02750 ?
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