(1ère Chambre)
VU l'ordonnance, en date du 5 avril 1996, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour le jugement de la requête de M. Farouk X... ;
VU la requête sommaire, enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 1er avril 1996, présentée pour M. X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et le mémoire complémentaire, enregistré au greffe de la cour le 1er juillet 1996, présenté pour M. X... ; M. X... demande à la cour :
1 ) l'annulation du jugement n s 9501958/4 et 9501959/4/SE du 1er décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 26 décembre 1994 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a ordonné son expulsion du territoire français et déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur sa demande de sursis à exécution de ladite demande ;
2 ) l'annulation de l'arrêté du 26 décembre 1994 ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU l'ordonnance modifiée n 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
VU la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 1998 :
- le rapport de M. GUILLOU, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouver-nement ;
Considérant que M. X..., de nationalité algérienne, fait appel du jugement du 1er décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 26 décembre 1994 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a ordonné son expulsion du territoire français ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1 ) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2 ) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que M. X..., né en 1973, est arrivé en France à l'âge de onze ans avec sa mère ; qu'il vivait depuis lors avec ses parents, son frère et sa soeur ; qu'il a effectué sa scolarité en France et y a exercé des activités professionnelles ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il a gardé des attaches familiales avec le pays dont il possède la nationalité ; que, par suite, si l'intéressé s'est rendu coupable de plusieurs infractions à la loi pénale dont aucune n'a été sanctionnée par une condamnation supérieure à trois mois de prison ferme, une autre à une amende et une autre à l'accomplissement d'un travail d'intérêt général, la mesure d'expulsion prise à son encontre a, eu égard à la gravité de l'atteinte portée à sa vie privée, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention précitée ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Le jugement n s 9501958/4 et 9501959/4/SE du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en date du 26 décembre 1994 sont annulés.