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26/05/1998 | FRANCE | N°96PA00401

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 26 mai 1998, 96PA00401


(4ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 15 février 1996, la décision en date du 26 janvier 1996 par laquelle le Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Paris le jugement de la requête de Mme Y... ;
VU, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 14 juin 1990 et 3 octobre 1991, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Dolores Y... demeurant ... de Serres (75015) Paris par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le juge

ment en date du 16 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris...

(4ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 15 février 1996, la décision en date du 26 janvier 1996 par laquelle le Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Paris le jugement de la requête de Mme Y... ;
VU, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 14 juin 1990 et 3 octobre 1991, la requête et le mémoire complémentaire présentés pour Mme Dolores Y... demeurant ... de Serres (75015) Paris par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le jugement en date du 16 mars 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur général de l'administration générale de l'assistance publique à Paris a rejeté son recours préalable du 20 février 1987 ayant pour objet le versement des traitements dont elle aurait été indûment privée du fait de son maintien en congé de maladie alors qu'elle pouvait prétendre à un congé de longue maladie ;
2 ) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours préalable et de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité correspondant au traitement qu'elle n'a pu percevoir pour les motifs susindiqués au titre de la période du 5 novembre 1979 au 4 novembre 1980 ; à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret 59-310 du 14 février 1959 portant règlement d'administration publique et relatif au conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics, à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés des fonctionnaires ;
VU le décret n 77-1024 du 7 septembre 1977 modifiant et complétant le décret n 59-310 du 14 février 1959 ;
VU l'arrêté du 3 octobre 1977, pris pour application du décret n 59-310 du 14 février 1959 modifié ;
VU la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 avril 1998 :
- le rapport de Melle PAYET, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant que, pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejeté son recours préalable en date du 20 février 1987 ayant pour objet le versement des traitements dont l'intéressée se prétend indûment privée du fait de l'avis du 18 avril 1980 du comité médical par lequel ce dernier a estimé que son état de santé ne nécessitait pas un congé de longue maladie durant la période du 5 novembre 1979 au 4 novembre 1980, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que le fait générateur de son préjudice et ses conséquences pécuniaires étant connus de Mme Y... dès l'année où le comité médical fut appelé à statuer sur son cas, c'est à bon droit que son administration avait soulevé en cours d'instance l'exception de prescription quadriennale ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public." ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : "L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond.";

Considérant que la prescription quadriennale a été opposée par un mémoire en défense de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, enregistré au greffe du tribunal administratif le 5 février 1988 dont la signataire était Mme Marie-Christine A..., chef de service, agissant pour le directeur général et par délégation ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'aux termes d'un arrêté n 88-1065 en date du 22 mars 1988 du directeur général de l'administration générale de l'assistance Publique à Paris, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 31 mars 1988 : "Article 1er : Délégation permanente est donnée à M. B... d'Indy, Directeur des Finances, à l'effet de signer au nom du Directeur Général de l'Assistance Publique : - a) les décisions et les mémoires devant les juridictions administratives opposant aux créanciers de l'Administration Générale de l'Assistance Publique, la prescription prévue par les articles 9, 9 bis et 10 de la loi du 29 janvier 1831 modifiée par la loi de Finances du 31 décembre 1945, la loi n 62-610 du 30 mai 1962 et par la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968. - b) les arrêtés, décisions, actes administratifs, contrats, comptes de gestion et d'une manière générale, les actes de toutes natures ressortissant à la Direction des Finances." ; que l'article 2 du même arrêté dispose : "En cas d'absence ou d'empêchement de M. B... d'Indy, Directeur des Finances, la délégation, objet de l'article 1-b ci-dessus, est donnée à ( ...) ; qu'il résulte clairement des énonciations dudit arrêté que la matière visée au a) de l'article 1er n'a pas fait l'objet d'une subdélégation en cas d'absence ou d'empêchement de M. B... d'Indy ; que si un second arrêté n 88-1066 portant la même date du 22 mars 1988, également publié le 31 mars 1988, donne à Mme Claudine Z..., directeur des affaires domaniales et juridiques et, en cas d'absence ou d'empêchement de cette dernière, à Mlle Marie-Christine A..., chef du service juridique, "délégation permanente à l'effet de signer au nom du directeur général de l'Assistance publique, les arrêtés, décisions, actes administratifs et notariés, contrats, acte de procédure, compte de gestion, pièces comptables de recettes et de dépenses, polices d'assurances et avenants, et d'une manière générale les actes de toutes natures ressortissant à la direction des affaires domaniales et juridiques" et si son article 3 confère à Mlle A... délégation permanente "à l'effet de signer au nom du directeur général de l'Assistance publique les pièces comptables de recettes et de dépenses, ainsi que les polices d'assurance et avenants ressortissant au service juridique", ledit arrêté, qui d'ailleurs ne vise pas la loi précitée du 31 décembre 1968, n'abroge ni ne modifie l'arrêté n 88-1065 susanalysé dont l'article 1 a) réserve à M. d'Indy l'exclusivité de la délégation directoriale en matière de prescription de créances ; qu'ainsi, la déchéance opposée en première instance aux conclusions indemnitaires de Mme Y... émanait d'une autorité incompétente ; qu'il s'ensuit que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accueilli l'exception de prescription quadriennale opposée par l'Assistance publique, laquelle n'est plus admise à l'invoquer en appel dès lors que l'article 7 précité de la loi du 31 décembre 1968 lui faisait obligation de la soulever régulièrement avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ;

Sur l'exception d'irrecevabilité de la demande dirigée contre l'avis du comité médical :
Considérant que Mme Y... soutient, sans être utilement contredite, que l'avis du comité médical en date du 17 avril 1980 n'a pas donné lieu à une décision administrative dûment notifiée ; que ni la circonstance que l'intéressée ait évoqué cet avis dans une correspondance adressée au service le 27 mars 1981, ni celle qu'à l'occasion d'une autre instance engagée le 3 mars 1983 par Mme Y..., celle-ci ait présenté des conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de cet avis, ne sont de nature à faire courir le délai du recours contentieux ; qu'il s'ensuit que l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne peut qu'être écartée ;
Sur les conclusions de plein contentieux de Mme Y... :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 18 du décret susvisé du 14 février 1959 modifié relatif notamment au régime des congés de fonctionnaires : "Pour obtenir un congé de maladie ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire doit adresser à l'administration dont il relève ( ...) Une demande appuyée d'un certificat de son médecin traitant, d'un médecin de l'administration ou d'un chirurgien-dentiste. - L'administration peut faire procéder à la contre-visite du demandeur ( ...) par un de ses médecins assermentés. - Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'administration, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin assermenté. L'intéressé peut faire entendre par le comité le médecin de son choix." ; qu'aux termes de l'article 8 de l'arrêté ministériel du 3 octobre 1977 pris pour l'application du décret susmentionné du 14 février 1959 : "( ...) La date de la réunion du comité médical est portée à la connaissance du fonctionnaire, qui peut adresser au comité toutes les observations écrites qu'il juge utiles ou faire entendre par le comité un médecin de son choix." ; que ce droit implique, en raison du caractère contradictoire de la procédure instituée par les dispositions précitées, l'obligation pour l'administration d'informer l'agent intéressé de cette possibilité avant la réunion du comité médical ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y..., agent hospitalier relevant de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, n'a pas été informée par l'administration, préalablement à la réunion du comité médical qui devait examiner son cas, de la faculté dont elle disposait de faire entendre un médecin de son choix ; que cette omission a eu pour effet d'entacher la régularité de la procédure suivie devant le comité ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 36 bis du décret susvisé du 14 février 1959 modifié notamment par le décret n 77-1024 du 7 septembre 1977 : "Un fonctionnaire est de droit mis en congé de longue maladie lorsqu'il est dûment constaté qu'il est mis dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions par l'une des maladies suivantes : ( ...) 11 Rhumatismes chroniques, inflammatoires ou dégénératifs : spondylarthrite ankylosante, polyarthrite rhumatoïde, arthroses ( ...)" ;

Considérant que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ne peut invoquer utilement l'autorité de chose jugée qui s'attacherait au jugement du tribunal administratif de Paris lu le 12 juillet 1984, frappé d'appel le 24 juillet 1984, et partiellement infirmé par le Conseil d'Etat par sa décision du 30 janvier 1987 ;
Considérant que l'état du dossier ne permet pas à la cour de se prononcer, en toute connaissance de cause, sur l'étendue des droits invoqués par Mme Y... ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise ayant pour objet, de décrire l'état de Mme Y... et d'examiner, au besoin par telles investigations cliniques et paracliniques que l'expert jugera utiles, si les troubles dont souffrait l'intéressée en 1979, provoqués, aux dires de différents avis médicaux produits à l'instance, par des séquelles d'opérations successives d'un pied plat valgus bilatéral, étaient de nature à lui ouvrir droit, au titre de la période du 5 novembre 1979 au 4 novembre 1980, au bénéfice d'un congé de longue maladie sur le fondement des dispositions précitées du 11 de l'article 36 bis du décret du 14 février 1959 modifié ; que le rapport de l'expert devra être accompagné de tous les éléments d'appréciation utiles de nature à éclairer la cour sur le bien-fondé de la requête ;
Article 1er : Le jugement en date du 16 mars 1990 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur la demande de Mme Y..., procédé par un expert désigné par le Président de la cour, à l'expertise telle que définie dans le corps du présent arrêt.
Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit. Le rapport d'expertise, établi en cinq exemplaires, sera déposé au greffe de la cour dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 4 : La charge des frais d'expertise et les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont réservées pour y être statué en fin d'instance.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA00401
Date de la décision : 26/05/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - COMPETENCE POUR OPPOSER LA PRESCRIPTION.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - POSITIONS - CONGES - CONGES DE MALADIE - CONGES DE LONGUE MALADIE.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - COMITES MEDICAUX - PROCEDURE.


Références :

Arrêté du 03 octobre 1977 art. 8
Arrêté 88-1065 du 22 mars 1988 art. 2, art. 1
Décret 59-310 du 14 février 1959 art. 18, art. 36 bis
Décret 77-1024 du 07 septembre 1977
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 7


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Melle PAYET
Rapporteur public ?: M. BROTONS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-05-26;96pa00401 ?
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