(4ème Chambre)
VU la décision en date du 29 novembre 1996, par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 14 avril 1994 rejetant la requête de M. Y... tendant à l'annulation du jugement n 8905555/5 du tribunal administratif de Paris du 24 février 1992, d'autre part, renvoyé l'affaire devant la cour ;
VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 mai 1992 et le 4 septembre 1992, présentés pour M. Y... par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 8905555/5 du 24 février 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50.714 F assortie des intérêts de droit et de la capitalisation des intérêts ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 13.000 F au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n 72-512 du 22 juin 1972 ;
VU le décret n 86-83 du 17 janvier 1986 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 1998 :
- le rapport de M. LAURENT, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que l'article 57 du décret susvisé du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat aux termes duquel : "Les dispositions du décret n 72-512 du 22 juin 1972 modifié relatif au licenciement des agents civils non fonctionnaires des administrations d'Etat ... sont abrogées" doit s'entendre compte tenu des dispositions générales du deuxième alinéa de l'article 1er du même décret auquel il ne déroge pas et aux termes desquelles : "Les dispositions réglementaires en vigueur à la date de publication du présent décret constituent à s'appliquer au personnel qu'elles régissent si elles sont plus favorables" ; qu'il résulte de la combinaison de ces articles que les agents qui étaient en fonction à la date d'entrée en vigueur du décret précité du 17 janvier 1986 peuvent prétendre au maintien en leur faveur des dispositions plus favorables du décret du 22 juin 1972 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., ingénieur contractuel du ministère de la défense depuis le 1er septembre 1980 a cessé son activité le 1er janvier 1989 ; qu'il n'est pas contesté que l'intéressé, à qui aucune faute n'était reprochée, a été mis en demeure par son employeur d'accepter une démission accompagnée d'indemnités ; que M. Y... doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, non comme ayant spontanément démissionné mais comme ayant été licencié par le ministère de la défense ; qu'ayant été en fonctions à la date d'entrée en vigueur du décret susmentionné du 17 janvier 1986, il est en droit d'invoquer les dispositions plus favorables de l'article 4 du décret du 22 juin 1972 accordant, en cas de licenciement, aux agents recrutés pour une durée indéterminée, une indemnité de licenciement ; que, par suite, M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de licenciement ;
Sur l'indemnité de licenciement :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 22 juin 1972 : "La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement" et qu'aux termes de l'article 6 du même décret : "L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de service ..." ;
Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant de l'indemnité due à M. Y... ; qu'il y a lieu de renvoyer le requérant devant le ministre de la défense pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que M. Y... a droit aux intérêts de l'indemnité de licenciement à compter de la date de réception de sa demande préalable par l'administration ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée les 28 septembre 1990, 15 octobre 1991, 28 juin 1994, 14 janvier 1997 et 19 janvier 1998 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. Y... la somme de 6.000 F ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 24 février 1992 est annulé.
Article 2 : M. Y... est renvoyé devant l'administration pour le calcul et la liquidation de l'indemnité de licenciement à laquelle il peut prétendre. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 1988. Les intérêts afférents à ladite indemnité et échus les 28 septembre 1990, 15 octobre 1991, 28 juin 1994, 14 janvier 1997 et 19 janvier 1998 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. Y..., au titre des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la somme de 6.000 F.