La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/07/1997 | FRANCE | N°96PA00322

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 25 juillet 1997, 96PA00322


(4ème Chambre)
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 26 avril 1996, présentés pour la COMMUNE DE SAINTE-MARIE, représentée par son maire en exercice, par Me Z..., avocat ; la commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 94/01676, 94/01929, 94/01983, 94/02229 et 94/02319 en date du 20 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Fort-de- France, notamment : - a annulé les arrêtés des 7 avril et 20 septembre 1994 du maire de la commune portant licenciement de Mme Alberte X... ; - l'a condamnée à payer à M

me X... la somme de 25.800 F ; - lui a enjoint de procéder à la réintég...

(4ème Chambre)
VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 février et 26 avril 1996, présentés pour la COMMUNE DE SAINTE-MARIE, représentée par son maire en exercice, par Me Z..., avocat ; la commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n s 94/01676, 94/01929, 94/01983, 94/02229 et 94/02319 en date du 20 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Fort-de- France, notamment : - a annulé les arrêtés des 7 avril et 20 septembre 1994 du maire de la commune portant licenciement de Mme Alberte X... ; - l'a condamnée à payer à Mme X... la somme de 25.800 F ; - lui a enjoint de procéder à la réintégration de Mme X... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ; - a prononcé une astreinte à son encontre si elle ne justifie pas avoir, dans ce délai d'un mois, procédé à son exécution ; - l'a condamnée à verser, au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, 3.000 F à Mme X... et 400 F à l'Etat ; - a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 décembre 1993 ; - a rejeté les conclusions de la commune ;
2 ) de rejeter les demandes de Mme X... et les déférés préfectoraux ;
3 ) de condamner Mme X... au paiement de la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 82-213 du 2 mars 1982 modifiée et notamment son article 3 ;
VU l'article L.521-3 du code du travail ;
VU le décret n 88-145 du 15 février 1988 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juillet 1997 :
- le rapport de Mme de SALINS, conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat, pour la COMMUNE DE SAINTE-MARIE,
- et les conclusions de M. LAMBERT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que, par arrêté du 22 décembre 1993, le maire de Sainte-Marie a licencié sans préavis ni indemnité Mme X..., agent contractuel de la commune employée en qualité d'animatrice, pour participation à une grève déclenchée irrégulièrement, entrave au service public, occupation de la mairie et de la cantine centrale, injures adressées à ses supérieurs hiérarchiques ; que, par jugement du 6 avril 1994, le tribunal administratif de Fort-de-France a prononcé le sursis à exécution de cet arrêté ; que le lendemain, le maire a pris un arrêté licenciant à compter du 22 décembre 1993 Mme X... pour participation à une grève illégale et fautes graves ; que le tribunal administratif a ordonné le sursis à exécution de cet arrêté par jugement en date du 19 septembre 1994 ; que, par arrêté du 20 septembre 1994, le maire de Sainte-Marie a à nouveau licencié Mme X... pour participation à une grève irrégulière et fautes graves ; que, par le jugement attaqué, le tribunal a notamment annulé les arrêtés en date des 7 avril et 20 septembre 1994, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la légalité de l'arrêté du 22 décembre 1993, ordonné la réintégration de Mme X... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, assortie d'une astreinte de 500 F par jour de retard et condamné la COMMUNE DE SAINTE-MARIE à payer une indemnité de 25.800 F à Mme X... ;
Sur la recevabilité du mémoire en défense du préfet :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 2 mars 1982 : "( ...) L'appel des jugements du tribunal administratif ( ...) rendus sur recours du représentant de l'Etat dans le département, est présenté par celui-ci" ; qu'en vertu de cette disposition, le préfet a seul qualité pour représenter l'Etat intimé dans le contentieux du contrôle de légalité des actes des autorités locales ;
Considérant que le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France fait droit notamment à deux déférés introduits par le préfet de la région Martinique ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE SAINTE-MARIE n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet de la région Martinique est irrecevable à présenter un mémoire en défense dans le cadre de la présente instance ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant, d'une part, que la circonstance que l'expédition du jugement du tribunal administratif de Fort-de-France ne comporte que l'analyse des conclusions de la demande et ne fait pas apparaître celle des moyens invoqués par le demandeur, ni celle des autres mémoires produits par les autres parties au cours de l'instance, n'est pas en elle-même de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ; que, contrairement à ce que soutient la commune, les premiers juges, en annulant les arrêtés en date des 7 avril et 20 septembre 1994, ont nécessairement écarté les conclusions à fin de sursis à statuer présentées par la commune ; que si ladite commune soutient encore que le tribunal aurait omis de statuer sur certaines de ses conclusions et de répondre à certains de ses moyens, elle n'assortit cette allégation d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'arrêté du maire de Sainte-Marie du 22 décembre 1993 prononçant le licenciement de Mme X..., qui a été exécuté, n'a pu être retiré par le nouvel arrêté du 7 avril 1994, qui avait le même objet, était fondé sur les mêmes motifs et a d'ailleurs été annulé par le jugement attaqué ; qu'ainsi, ce dernier arrêté n'a pas rendu sans objet la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 1993 ; que la COMMUNE DE SAINTE-MARIE est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a prononcé un non-lieu à statuer sur cette demande ;
Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des mentions du jugement que les conclusions à fin d'astreinte présentées pour Mme X... dans un mémoire enregistré le 14 novembre 1995, aient été communiquées à la COMMUNE DE SAINTE-MARIE ; que les premiers juges ont ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France doit être annulé en tant, d'une part, qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 22 décembre 1993 et, d'autre part, qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'astreinte ; qu'il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE SAINTE-MARIE ;
Sur la légalité de l'arrêté du 22 décembre 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article L.521-3 du code du travail : "Lorsque les personnels mentionnés à l'article L.521-2 font usage du droit de grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis. Le préavis émane de l'organisation ou des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. Il précise les motifs du recours à la grève. Le préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il fixe le lieu, la date et l'heure du début ainsi que la durée, limitée ou non, de la grève envisagée ..." ; qu'aux termes de l'article 36 du décret du 15 février 1988 : "Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont : ( ...) 4 Le licenciement sans préavis ni indemnité de licenciement" ;
Considérant, en premier lieu, que si la grève déclenchée le 2 décembre 1993 n'a pas été précédée d'un préavis de cinq jours précisant le lieu, la date et l'heure ainsi que la durée, limitée ou non, de cette grève, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'attention de Mme X... ait été appelée avant le 8 décembre 1993, date à laquelle elle a pris connaissance du dossier la concernant dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, sur le caractère irrégulier de son déclenchement ; que, dans ces conditions, Mme X... n'a pas commis de faute professionnelle en participant à cette grève entre les 2 et 8 décembre 1993 ;

Considérant, en second lieu, qu'il n'est pas établi par les pièces figurant au dossier que Mme X... ait pris part aux autres agissements qui lui sont reprochés avant le 6 décembre 1993, date à laquelle la procédure disciplinaire a été lancée à son égard ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucune faute ne pouvant être retenue à la charge de Mme X... à la date à laquelle la procédure disciplinaire a été engagée à son égard, l'intéressée est fondée à soutenir que l'arrêté en date du 22 décembre 1993 est entaché d'excès de pouvoir et doit, dès lors, être annulé ;
Sur la légalité de l'arrêté du 7 avril 1994 et de l'arrêté du 20 septembre 1994 :
Considérant que la motivation des arrêtés des 7 avril et 20 septembre1994 licenciant à nouveau Mme X..., lesquels se réfèrent expressément à la procédure disciplinaire suivie préalablement à l'adoption de l'arrêté du 22 décembre 1993, ne fait pas apparaître que ces deux arrêtés seraient fondés sur des circonstances de fait ou de droit différentes de celles qui ont motivé le premier arrêté ; que, dès lors, ils sont eux aussi, et pour les mêmes motifs, entachés d'excès de pouvoir ; que, par suite, la COMMUNE DE SAINTE-MARIE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé lesdits arrêtés ;
Sur les conclusions aux fins d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au 4ème alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en janvier 1996 Mme X... a été réintégrée avec effet rétroactif dans les cadres de la commune ; que, par suite, la demande de l'intéressée tendant à ce que la commune soit condamnée à une astreinte en cas de retard apporté à sa réintégration est devenue sans objet ;
Sur l'indemnisation du préjudice :
Considérant que Mme X... avait demandé devant les premiers juges à obtenir le versement de ses émoluments pour la période allant de sa mise à pied jusqu'à sa réintégration ; que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE SAINTE-MARIE, ces conclusions avaient fait l'objet d'une demande adressée au maire de la commune et reçue en mairie le 2 décembre 1994 ; qu'à la date à laquelle le tribunal a statué, le silence gardé pendant plus de quatre mois par le maire de Sainte-Marie avait fait naître une décision implicite de rejet contre laquelle devaient être regardées comme dirigées les conclusions de la demande de Mme X... dont aucun texte n'exigeait qu'elles soient présentées par requête distincte ; que, dès lors, aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à ces conclusions ;

Considérant que si, à la suite de l'annulation des décisions la licenciant, et en l'absence de service fait, Mme X... ne peut prétendre au rappel de son traitement, elle est fondée à demander à la COMMUNE DE SAINTE-MARIE la réparation du préjudice qu'elle a réellement subi du fait de son licenciement illégal ; qu'à ce titre, l'intéressée peut prétendre à une indemnité correspondant à la différence entre ce qu'elle aurait normalement perçu si elle avait été en activité entre la date de sa révocation et celle de sa réintégration et les sommes de toute nature qu'elle aurait perçues de son employeur ou au titre de ses revenus de remplacement ;
Considérant qu'il ne ressort pas du dossier qu'en fixant à 25.800 F le montant de ce préjudice, le tribunal administratif de Fort-de-France en aurait fait une évaluation exagérée ou insuffisante ; qu'en outre, ainsi qu'il vient d'être dit, il résulte de l'instruction que Mme X... a été réintégrée dans les cadres de la commune en janvier 1996 et a perçu à compter de cette date une rémunération de la commune ; qu'en conséquence, ni la COMMUNE DE SAINTE-MARIE, ni Mme X..., par la voie de l'appel incident, ne sont fondées à contester le montant ainsi fixé par les premiers juges ;
Sur les frais irrépétibles:
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que Mme X..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à rembourser à la COMMUNE DE SAINTE-MARIE les frais non compris dans les dépens engagés par elle à l'occasion de la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune à payer à Mme X... la somme de 3.000 F sur le fondement du même article ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 20 décembre 1995 est annulé en tant qu'il a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 décembre 1993 et en tant qu'il a prononcé contre la COMMUNE DE SAINTE-MARIE une astreinte d'un montant de 500 F par jour.
Article 2 : L'arrêté en date du 22 décembre 1993 est annulé.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme X... tendant à ce que la COMMUNE DE SAINTE-MARIE soit condamnée au paiement d'une astreinte.
Article 4 : La COMMUNE DE SAINTE-MARIE est condamnée à verser à Mme X... la somme de 3.000 F au titre des frais irrépétibles.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE SAINTE-MARIE est rejeté ainsi que le surplus des conclusions de Mme X....


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA00322
Date de la décision : 25/07/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - LIBERTES PUBLIQUES - DROIT DE GREVE.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES (LOI DU 13 JUILLET 1983).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - MOTIFS - FAITS N'ETANT PAS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-3, L8-1
Code du travail L521-3
Décret 88-145 du 15 février 1988 art. 36
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 3


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme de SALINS
Rapporteur public ?: M. LAMBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1997-07-25;96pa00322 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award