(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 7 mars 1995, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES (ONIC), dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; l'ONIC demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9217449/3 du 28 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé ses titres exécutoires du 25 septembre 1992, émis à l'encontre de la société Setucaf, pour les montants respectifs de 1.251.363,27 F et 1.279.056,99 F ;
2 ) de condamner la société Setucaf à lui payer les sommes précitées avec intérêts à compter du 25 septembre 1992 et capitalisation au 25 septembre 1993 ;
3 ) de condamner la société Setucaf à lui verser une somme de 20.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU les règlements n s 2727/75 du 29 octobre 1975, modifiés, du Conseil des communautés européennes et 2746/75 du 29 octobre 1975 du même conseil ;
VU les règlements n s 3094/87 du 15 octobre 1987 et 3665/87 du 27 novembre 1987 de la Commission des communautés européennes ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 1997 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES et celles de Me Y..., avocat, pour la société Setucaf,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES (ONIC) a, par deux décisions en date du 25 septembre 1992, rendu exécutoires deux titres de paiement exigeant de la société Setucaf le remboursement des sommes de 1.251.363,27 F et 1.279.056,99 F perçues par elle au titre de restitutions à l'exportation de 2.409,17 tonnes de céréales destinées, d'une part, au Niger et, d'autre part, au Gabon et au Cameroun ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé ces deux décisions ;
Sur le principe du remboursement :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement susvisé du 27 novembre 1987 de la Commission des communautés européennes, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles : "Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s'il a péri en cours de transport par suite d'un cas de force majeure, importé dans un pays tiers ...", et que l'article 18 du même règlement, applicable au paiement des restitutions différenciées dispose : "1- La preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation est apportée : a) par la production du document douanier, de sa copie ou photocopie ... certifiée conforme ..., b) par la production du "certificat de dédouanement ...", c) par la production de tout autre document visé par les services douaniers du pays tiers concerné, comportant l'identification des produits et démontrant que ceux-ci ont été mis à la consommation dans ce pays tiers. 2- Toutefois, si aucun des documents visés au paragraphe 1 ne peut être produit ... ou s'ils sont considérés comme insuffisants, la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation peut être considérée comme apportée par la production de l'un ou plusieurs des documents suivants : ..., e) attestation de prise en charge délivrée par un organisme officiel du pays tiers considéré dans le cas d'un achat par ce pays ..." ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort du procès-verbal établi par les agents de la direction générale des douanes françaises le 25 février 1992 et de ces documents eux-mêmes, que les photocopies certifiées conformes des certificats de mise à la consommation des 4.500 tonnes de blé destinées au Niger ont été falsifiées ainsi que l'a reconnu, d'ailleurs, le directeur commercial de la société Setucaf ; qu'il apparaît dans le même procès-verbal que les documents originaux de mise à la consommation, produits à la demande des agents précités et précisément récapitulés par eux, établissent, après prise en compte de la freinte légale, un tonnage manquant de 454,17 tonnes ; que, dans ces conditions, les attestations en date du 23 décembre 1992 et du 29 novembre 1994, délivrées par la direction générale des douanes du Niger à la société "Les Moulins du Sahel", selon lesquelles les 4.500 tonnes fournies par la société Setucaf auraient été intégralement mises à la consommation au Niger sous bénéfice de simples erreurs commises par le transitaire, ne peuvent être regardées comme apportant la preuve de la mise à la consommation de la totalité de la marchandise dans ce pays ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte du même procès-verbal et qu'il est d'ailleurs reconnu par la société Setucaf elle-même, que, sur les 1.500 tonnes de blé destinées au Gabon et sur le même tonnage destiné au Cameroun, 762 tonnes dans le premier cas et 1.193 tonnes dans le second ont dû être détruites à la suite de leur détérioration survenue au cours de leur transport maritime, sans qu'il ait jamais été démontré ni même soutenu que cette détérioration avait eu pour origine un événement de force majeure ; qu'ainsi la quantité totale de 1.955 tonnes de marchandise n'a pas été mise à la consommation sur les territoires du Gabon et du Cameroun ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Setucaf ne remplit pas les conditions fixées par l'article 5 précité pour l'octroi de restitutions pour les 2.409,17 tonnes litigieuses et que, par suite, le remboursement des sommes perçues par elle à ce titre est justifié dans son principe ;
Sur le montant du remboursement :
Considérant qu'il ressort clairement de l'exposé des motifs du règlement du 27 novembre 1987 que l'institution, par son article 20, du paiement d'un montant minimum de restitution dès que les marchandises ont quitté le territoire de la communauté, dans le cas où ces marchandises relèvent de montants de restitution différents selon les pays de destination, n'a pas pour objet d'octroyer définitivement à l'exportateur le bénéfice de cette restitution minimum, quel que soit le sort ultérieur des marchandises, mais seulement de le faire bénéficier d'une ressource financière au même stade de l'opération que celui pris en compte dans le cas de restitutions non différenciées ; que ces dispositions n'exonèrent nullement ledit exportateur de l'obligation d'établir son droit définitif aux restitutions en question ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le droit de la société Setucaf à bénéficier de restitutions pour 2.409,17 tonnes n'est pas établi ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautées européennes de l'interprétation des règlements relatifs aux restitutions différenciées, la société Setucaf n'est pas fondée à soutenir qu'au cas où son droit aux restitutions litigieuses ne serait pas reconnu, elle ne serait tenue qu'au remboursement de la différence entre le montant des sommes perçues par elle et le montant moyen des restitutions fixées à l'époque pour les exportations à destination de pays tiers ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ONIC est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les titres exécutoires du 25 septembre 1992 ;
Sur les conclusions de l'ONIC tendant à la condamnation de la société Setucaf à lui verser les sommes de 1.251.363,27 F et 1.279.056,99 F avec les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les titres exécutoires du 25 septembre 1992 retrouvent leur plein effet ; que l'ONIC dispose, par l'émission d'un nouvel état exécutoire, des pouvoirs nécessaires pour exiger, s'il s'y croit fondé, le paiement par la société Setucaf des intérêts et des intérêts des intérêts des sommes en cause ; que les conclusions susanalysées doivent, en conséquence, être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Setucaf doit être regardée comme ayant succombé en première instance ; qu'elle succombe également en appel ; que, par suite, ses conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué rejetant sa demande présentée sur le fondement des dispositions susmentionnées et, d'autre part, à la condamnation de l'ONIC à lui verser une somme de 40.000 F au titre des sommes exposées par elle devant le tribunal administratif et devant la cour, doivent être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de condamner la société Setucaf à verser une somme de 10.000 F à l'ONIC ;
Article 1er : L'article 1er du jugement n 9217449/3 du 28 décembre 1994 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Setucaf devant le tribunal administratif de Paris, tendant à l'annulation des titres exécutoires de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES n s 138 F et 74 E, en date du 25 septembre 1992, est rejetée.
Article 3 : La société Setucaf versera à l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES une somme de 10.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les conclusions incidentes de la société Setucaf et le surplus des conclusions de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES sont rejetés.