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28/11/1996 | FRANCE | N°96PA00004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, 28 novembre 1996, 96PA00004


requête enregistrée le 2 janvier 1996 au greffe de la cour et présentée pour M. Arezki X..., par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-983/95-2667 en date du 5 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 1994 par lequel le ministre de l'intérieur lui a enjoint de quitter le territoire français ;
2 ) d'annuler ledit arrêté ;
3 ) de surseoir à son exécution ;
4 ) d'annuler l'ordonnance n 952671 en date du 17 novembre 1995 par laquelle le p

résident de la 7ème chambre du tribunal administratif de Versailles a prono...

requête enregistrée le 2 janvier 1996 au greffe de la cour et présentée pour M. Arezki X..., par Me Y..., avocat ; M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-983/95-2667 en date du 5 octobre 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 1994 par lequel le ministre de l'intérieur lui a enjoint de quitter le territoire français ;
2 ) d'annuler ledit arrêté ;
3 ) de surseoir à son exécution ;
4 ) d'annuler l'ordonnance n 952671 en date du 17 novembre 1995 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Versailles a prononcé un non lieu à statuer sur sa demande tendant à la suspension pour une durée de trois mois de l'arrêté susvisé ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU l'accord franco-algérien du 28 décembre 1968 ;
VU l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
VU la loi n 59-940 du 31 juillet 1959 ;
VU la loi n 66-396 du 17 juin 1966 ;
VU la loi du 31 juillet 1968 ;
Vu le décret n 62-327 du 22 mars 1962 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 1996 :
- le rapport de M. LAURENT, conseiller,
- et les conclusions de M. LIBERT, commissaire du Gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 1994 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance -2 - il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure, qui dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays , à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que M. X..., ressortissant algérien, n'a aucune attache familiale avec le pays dont il possède la nationalité ; qu'à la date de l'arrêté attaqué, il résidait depuis 1954 en France, où demeure sa famille, composée de sa femme et de son fils, tous deux de nationalité française, et de deux frères, dont l'un est de nationalité française ; que si l'intéressé s'est rendu coupable d'un meurtre en 1988 et de coups et blessures volontaires liés à cette affaire en 1991, il ressort des pièces du dossier que la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. X... a, eu égard à la gravité de l'atteinte portée à sa vie familiale, excédé ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dans ces conditions, elle a été prise en violation de l'article 8 de la convention précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 7 février 1994 ordonnant son expulsion ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L.8-2 et L.8-3 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt." ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet." ;

Considérant que l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté d'expulsion fait revivre à la date de cet arrêté et pour la durée qui restait à courir à cette date le titre de séjour que l'expulsion avait abrogé ; qu'elle permet donc, en principe et dans cette mesure, le retour en France de l'intéressé pendant toute la période de validité de ce titre ; que, toutefois, à l'expiration du titre ainsi remis en vigueur, le renouvellement ou la délivrance du titre demandé sont subordonnés aux conditions prévues par la loi ; que le titre de séjour régulier dont bénéficiait M. X..., remis en vigueur par le présent arrêt, était renouvelable de plein droit aux termes des dispositions de l'article 7 bis alinéa 3 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'ainsi le requérant est fondé à soutenir que l'exécution de la chose jugée impose nécessairement qu'il soit remis en possession d'un certificat de résidence et autorisé à séjourner en France ; qu'il y a donc lieu de prescrire au ministre de l'intérieur de restituer à l'intéressé son titre de séjour antérieur dans un délai de trente jours suivant notification du présent jugement ; qu'il n'y a pas lieu, en l'état, d'assortir cette mesure d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance du 17 novembre 1995 :
Considérant que, par le présent arrêt, l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 7 février 1994 prononçant l'expulsion de M. X... est annulé ; qu'ainsi les conclusions de M. X... tendant à l'annulation de l'ordonnance en date du 17 novembre 1995 par laquelle a été rejetée sa demande de suspension provisoire dudit arrêté sont devenues sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 5 octobre 1994 et l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 7 février 1994 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de restituer un certificat de résidence à M. X... dans un délai de trente jours suivant notification du présent arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 17 novembre 1995.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA00004
Date de la décision : 28/11/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - DROITS GARANTIS PAR LA CONVENTION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE (ART - 8) - VIOLATION - EXPULSION.

ETRANGERS - EXPULSION - DROIT AU RESPECT DE LA VIE FAMILIALE.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - PRESCRIPTION D'UNE MESURE D'EXECUTION.


Références :

Accord du 27 décembre 1968 France Algérie art. 7 bis
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-2, L8-3
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. LAURENT
Rapporteur public ?: M. LIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-11-28;96pa00004 ?
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