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13/06/1996 | FRANCE | N°96PA01064

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1e chambre, 13 juin 1996, 96PA01064


(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 avril 1996, présentée par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 9603910/3/RA du 3 avril 1996 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a désigné un expert aux fins de déterminer si M. Saada X... a reçu les soins nécessités par son état à l'issue de l'agression dont il a été victime lors de sa détention ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal admini

stratif de Paris ;
3°) d'ordonner la suspension provisoire de l'ordonnance précit...

(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 12 avril 1996, présentée par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 9603910/3/RA du 3 avril 1996 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a désigné un expert aux fins de déterminer si M. Saada X... a reçu les soins nécessités par son état à l'issue de l'agression dont il a été victime lors de sa détention ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) d'ordonner la suspension provisoire de l'ordonnance précitée ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, notammemnt ses articles R.128 et R.135 ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 1996 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que M. X..., incarcéré le 25 janvier 1993 au centre pénitentiaire de Bois d'Arcy, a été agressé par des codétenus, au cours d'une promenade, le 12 novembre 1994 ; que M. X... a été transféré au centre pénitentiaire de Fresnes puis à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes, le 13 novembre 1994, où il a été constaté qu'il était atteint d'une hémiplégie des deux jambes ; que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a, à la demande de M. X..., désigné un expert aux fins de déterminer si son état était directement imputable à l'agression du 12 novembre 1994, s'il avait reçu les soins appropriés et quelles étaient la nature et l'importance des séquelles dont il reste atteint ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la demande en référé ne tend qu'à voir ordonner une mesure d'instruction avant tout procès et avant même que puisse être déterminée, eu égard aux parties appelées en la cause principale, la compétence sur le fond du litige ; qu'en l'espèce, le fond du litige, notamment en ce qu'il pourrait se rapporter au fonctionnement des services pénitentiaires en matière de soins apportés aux détenus, n'est pas manifestement insusceptible de relever de la compétence du tribunal administratif ; que, dès lors, le moyen tiré par le ministre appelant de l'incompétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur la demande de M. X... doit être écarté ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant que, par une lettre en date du 22 mars 1996, le greffier en chef du tribunal administratif de Paris a communiqué au ministre appelant une copie de la demande en référé de M. X... en lui impartissant un délai de dix jours pour présenter sa défense ; qu'en l'absence de précision quant au point de départ de ce délai, celui-ci commençait à courir à la date à laquelle a été reçue la notification de la lettre susmentionnée ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre a reçu notification de cette lettre le 25 mars 1996 ; qu'ainsi, en se prononçant le 3 avril 1996 sur la demande de M. X... par l'ordonnance attaquée, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a statué avant l'expiration du délai dont bénéficiait le ministre pour produire son mémoire ; que, dès lors, ce dernier est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée a été rendue sur une procédure irrégulière et à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la demande de M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article R.128 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel ou le magistrat que l'un d'eux délègue peut, sur simple requête qui, devant le tribunal administratif, sera recevable même en l'absence d'une décision administrative préalable, prescrire toutes mesures utiles d'expertise ou d'instruction" ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les faits que M. X... entend faire établir par expertise sont susceptibles de se rattacher, au moins pour partie, à un litige, distinct de celui opposant l'intéressé à ses agresseurs, dont le juge administratif pourrait être saisi ; que, dans ces conditions, l'expertise sollicitée est utile ; qu'elle ne saurait, contrairement à ce que soutient le ministre appelant, préjudicier par elle-même aux intérêts de l'Administration dont il ne précise pas, d'ailleurs, la nature ; que, dès lors, il y a lieu pour la cour de la prescrire ;
Sur les conclusions du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, tendant à la suspension de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'en raison de l'annulation de cette ordonnance par le présent arrêt, ces conclusions sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Article 1er : L'ordonnance n° 9603910/3/RA du 3 avril 1996 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : Il sera procédé par un expert désigné par le président de la cour à une expertise en vue :
- de déterminer la nature et l'importance des séquelles dont M. X... reste atteint ainsi que, s'il y a lieu, la date de consolidation de ses blessures, et de préciser si elles sont directement imputables à l'agression subie par ce dernier le 12 novembre 1994 ; - de se faire communiquer son dossier médical, les résultats des examens qu'il a subis et des diagnostics rendus ; - d'indiquer les soins qui lui ont été prodigués et de préciser s'ils ont été effectués dans les règles de l'art ; - d'évaluer les préjudices pouvant résulter pour M. X... de son état.
Article 3 : L'expert prêtera serment par écrit ; le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la cour dans le délai de trois mois suivant la prestation du serment.
Article 4 : Les frais d'expertise, tels qu'ils seront liquidés et taxés, seront avancés par l'Etat.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, tendant à la suspension de l'ordonnance citée à l'article 1er.
Article 6 : Le surplus des conclusions du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01064
Date de la décision : 13/06/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - PROBLEMES PARTICULIERS POSES PAR CERTAINES CATEGORIES DE SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC JUDICIAIRE - FONCTIONNEMENT.

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - REFERE TENDANT AU PRONONCE D'UNE MESURE D'EXPERTISE OU D'INSTRUCTION - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - EFFET DEVOLUTIF ET EVOCATION - EVOCATION.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R128


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DACRE-WRIGHT
Rapporteur public ?: Mme PHEMOLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-06-13;96pa01064 ?
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