(1ère Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 20 février 1995, présentée par le MINISTRE DU BUDGET ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 465-93 du 7 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé la décision du trésorier-payeur général de la Réunion en date du 26 mai 1993 refusant à M. X... le versement de la première fraction de l'indemnité d'éloignement ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. X... ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 1996 :
- le rapport de M. GUILLOU, conseiller,
- et les conclusions de Mme PHEMOLANT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 22 décembre 1953 portant aménagement du régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer : "Les fonctionnaires de l'Etat qui recevront une affectation dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique ou de la Réunion à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation et dont le précédent domicile était distant de plus de 3.000 kilomètres du lieu d'exercice de leurs nouvelles fonctions percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives, une indemnité dénommée "indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer" non renouvable ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., né à l'Ile Maurice, a acquis par mariage la nationalité française ; qu'il ne résulte ni des termes mêmes du décret du 22 décembre 1953 précité ni d'aucun autre texte législatif ou réglementaire applicable en la matière que le bénéfice de l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer soit réservé aux fonctionnaires domiciliés en France au moment de leur mutation ; qu'ainsi le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré "que le centre des intérêts matériels et moraux ne peut être apprécié que dans le territoire national" pour déterminer où était domicilié M. X... au moment de sa mutation et s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du trésorier-payeur général de la Réunion refusant à M. X... l'indemnité sollicitée ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen soulevé par M. X... tant devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion que devant la cour ;
Considérant que M. X..., originaire de l'Ile Maurice, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans, s'y est marié avec une jeune femme d'origine mauricienne de nationalité française dont il a eu un premier enfant né dans l'île ; qu'ayant acquis par son mariage la nationalité française, il est venu dès 1982 s'installer en métropole, dans la région dijonnaise où sont nés les deux autres enfants du couple, où il a suivi des études supérieures et où il a travaillé dans le secteur privé ; que ses enfants ont été scolarisés à Dijon où réside la famille de sa femme, laquelle y exerçait des activités professionnelles ; qu'il a été recruté sur place le 1er août 1991 en qualité d'agent de recouvrement du Trésor et titularisé le 1er août 1992 avant d'obtenir à sa demande, sa mutation à la Réunion à compter du 21 janvier 1993 ; qu'ainsi, à cette date, il résidait avec sa famille sans interruption sur le territoire européen de la France depuis plus de dix ans ; que, par suite, M. X..., dont il n'est ni soutenu ni allégué qu'il se soit jamais rendu à la Réunion avant sa mutation, doit être regardé comme ayant, au moment de celle-ci, le centre de ses intérêts matériels et moraux en métropole, alors même que son père vivait à l'Ile Maurice ; qu'il soit de là que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé la décision précitée ;
Article 1er : La requête du MINISTRE DU BUDGET est rejetée.