VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 mai 1994, présentée pour M. Michel Y..., demeurant ... à La Teste (33260), par Me X..., avocat ; M. Y... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 9207493/5 et 9300348/5 du 18 octobre 1993 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a condamné l'Etat à lui verser une indemnité qu'il estime insuffisante ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 1.156.922 F au titre des traitements et accessoires, et de 100.000 F au titre des troubles subis dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n° 72-650 du 13 juillet 1972 ;
VU la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
VU les décrets n°s 78-571 et 78-572 du 25 avril 1978 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 1995 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour M. Y...,
- et les conclusions de M. MERLOZ, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Y... a bénéficié, depuis 1971, de onze contrats à durée déterminée pour servir au titre de la coopération en qualité d'ingénieur agronome en Côte d'Ivoire, au Mali, au Niger puis finalement en Haïti ; que si le dernier de ces contrats, qui prenait fin le 28 septembre 1991, a été renouvelé le 31 juillet 1991 pour un nouveau séjour de l'intéressé en Haïti, les événements qui y sont alors survenus ont entraîné la suspension de la coopération avec ce pays ; que le ministre de la coopération a placé M. Y... en instance d'affectation du 29 septembre 1991 au 28 décembre 1991 puis l'a radié des cadres à compter du 28 février 1992 ; que M. Y... a bénéficié d'un nouveau contrat de coopération à partir du 8 octobre 1993 ; que le tribunal administratif de Paris a, par l'article 3 du jugement attaqué, seul en discussion en appel, accordé au requérant une indemnité de 65.000 F au titre des préjudices subis par lui pendant la période du 29 février 1992 au 31 décembre 1992 ; que M. Y..., dans le dernier état de ses conclusions déposées après l'intervention d'un protocole d'accord passé avec l'administration pour la période du 1er janvier 1993 au 7 octobre 1993, sollicite en appel que la somme précitée soit portée, au titre de la période du 29 septembre 1991 au 31 décembre 1992, à 287.872,92 F avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à rendre ;
Sur la période du 29 septembre 1991 au 28 février 1992 :
Considérant que les conclusions de M. Y... tendant à l'obtention d'une indemnité au titre de la période susvisée sont nouvelles en appel et sont, de ce fait, irrecevables ; Sur la période du 29 février 1992 au 31 décembre 1992 :
En ce qui concerne l'indemnité due au titre des rémunérations non perçues :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 du décret susvisé du 25 avril 1978 : "La rémunération ... est fixée par un contrat individuel conclu entre chaque agent, d'une part, et le ministre de la coopération, d'autre part. Le contrat précise ... la durée pour laquelle il est conclu ..." et que le cinquième alinéa de l'article 14 du même décret précise : "L'agent ... qui est placé en position ... d'instance d'affectation perçoit le traitement et l'indemnité de résidence selon les taux applicables aux fonctionnaires à Paris" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables à M. Y..., que la position d'instance d'affectation dans laquelle il a été placé à partir du 29 septembre 1991, lendemain de la date d'expiration de son contrat précédent, ne pouvait légalement être mise en oeuvre qu'en vertu du contrat signé le 31 juillet 1991, alors même que ce dernier prévoyait pour date d'effet la date de son embarquement pour Haïti ; que, par suite, l'indice à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité due par l'Etat du fait du licenciement illégal de M. Y... le 28 février 1992, est l'indice nouveau majoré 759 indiqué dans le contrat du 31 juillet 1991 qui a lié les parties entre le 20 septembre 1991 et le 28 février 1992 ;
Considérant, d'autre part, que M. Y... a bénéficié pendant la période en cause de la couverture sociale liée aux allocations de chômage qui lui ont été versées ; que la somme qui lui était due par l'Etat a le caractère d'une indemnité et non de traitements au titre desquels il serait redevable de cotisations de la sécurité sociale ; qu'il s'en déduit que le traitement à prendre en compte pour le calcul de cette indemnité est, contrairement à ce qu'il soutient, le traitement net afférent à son indice et non le traitement brut ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité due par l'Etat à M. Y..., au titre de la perte de toute rémunération pendant la période susvisée, est égale à la différence entre, d'une part, le traitement net afférent à l'indice nouveau majoré 759 augmenté de l'indemnité de résidence au taux applicable aux fonctionnaires en service à Paris et, d'autre part, les allocations de chômage perçues par lui au cours de cette période ; qu'il sera fait une juste appréciation du montant de cette indemnité en portant de 55.000 à 65.000 F la somme retenue à ce titre par le tribunal administratif ;
En ce qui concerne les autres indemnités sollicitées :
Considérant, d'une part, que M. Y... n'a pas demandé devant le tribunal administratif la condamnation de l'Etat à l'indemniser du préjudice matériel qui serait né de la nécessité où il s'est trouvé de retourner à ses frais en Haïti pour effectuer le déménagement de ses affaires personnelles, de la perte alléguée d'une partie de ces dernières et des frais de location et de personnel de garde afférents à son logement ; que ses conclusions tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice sont ainsi nouvelles en appel et sont, de ce fait, irrecevables ;
Considérant, d'autre part, qu'en fixant à 10.000 F le montant de la réparation du préjudice moral et des troubles subis par M. Y... dans les conditions de son existence résultant de son licenciement illégal, les premiers juges en ont fait une évaluation insuffisante dans les circonstances de l'espèce ; qu'il y a lieu de porter cette somme à 20.000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification ; que les conclusions de M. Y... tendant à l'allocation d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement du tribunal administratif et du présent arrêt sont ainsi sans objet et doivent être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué qui doit être réformé en conséquence, le tribunal administratif a fixé l'indemnité qui lui est due par l'Etat à la somme de 65.000 F ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Etat à verser à M. Y... une somme de 6.000 F ;
Article 1er : La somme de 65.000 F que l'Etat a été condamné à verser à M. Y... par l'article 3 du jugement n°s 9207493/5 et 9300348/5 du 18 octobre 1993 du tribunal administratif de Paris, est portée à 85.000 F.
Article 2 : L'article 3 du jugement précité est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. Y... une somme de 6.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.