VU l'arrêt, en date du 17 mars 1994, par lequel la cour, sur la requête de M. Y... BUREAU, enregistrée sous le n° 93PA00621, tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 8906293/6 du 27 octobre 1992 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'administration générale de l'assistance publique de Paris à lui verser une somme de 4,5 millions de francs, et, d'autre part, à ce que soit ordonnée une expertise, a ordonné l'expertise sollicitée en vue de déterminer les conditions dans lesquelles a été pratiquée une artériographie le 20 juin 1988 ainsi que ses conséquences sur l'état de santé du requérant ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de la sécurité sociale ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 1995 :
- le rapport de M. DACRE-WRIGHT, conseiller,
- les observations de Me Z..., avocat, substituant Me X..., avocat, pour M. BUREAU,
- et les conclusions de M. MERLOZ, commissaire du Gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. BUREAU a subi à l'hôpital de la Pitié Salpétrière, le 12 juin 1988, une opération chirurgicale relative à un anévrisme cérébral ; qu'à la suite d'une artériographie de contrôle pratiquée le 20 juin 1988, il a été atteint d'une hémiplégie droite massive avec coma, d'aphasie et de troubles respiratoires ; qu'il a dû rester hospitalisé jusqu'au 20 décembre 1988 et suivre une rééducation jusqu'au 23 décembre 1989, date à laquelle il a réintégré son domicile ; qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par la cour que, si ses capacités intellectuelles sont intactes, M. BUREAU reste atteint, d'une manière définitive, d'une hémiplégie droite sévère affectant toutes ses activités quotidiennes et d'une aphasie sérieuse dans ses facultés d'expression ; que, de ce fait, il n'a pu reprendre qu'à partir du mois d'octobre 1991, une activité professionnelle limitée à des cours par correspondance ;
Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;
Considérant qu'il résulte du rapport précité que l'état de M. BUREAU, après l'intervention chirurgicale du 12 juin 1988, était satisfaisant, qu'il était autonome dès le 18 juin 1988 et que rien ne laissait présager une évolution défavorable ; que l'artériographie de contrôle est un examen pratiqué systématiquement après le type d'opération subi par le requérant et nécessaire pour vérifier l'absence de tout risque de récidive hémorragique ; que le risque afférent aux artériographies est connu mais que sa réalisation est exceptionnelle ; que si M. BUREAU présentait des facteurs de risque supplémentaires, il ressort de l'expertise qu'ils ont été pris en compte lors de l'examen en question et qu'ils ne peuvent être regardés comme ayant concouru à la réalisation de l'accident ; que l'exécution de l'artériographie du 20 juin 1988 est, ainsi, la cause certaine et directe des dommages subis par M. BUREAU ; que ces derniers, décrits ci-dessus, sont d'une extrême gravité ; que, dès lors, la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est engagée à son égard ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. BUREAU est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur le préjudice :
Considérant que si M. BUREAU soutient qu'il a été privé pendant trois ans et quatre mois de toute activité professionnelle et demande en conséquence une indemnité de 933.000 F réparant les pertes de revenus subies pendant cette période, calculée à partir de la somme de 280.000 F constitutive de ses revenus déclarés en 1987, il résulte de ses avis d'imposition se rapportant aux années 1988 à 1991, produits à la demande de la cour, qu'il a bénéficié de revenus de 270.000 F en 1988, 208.700 F en 1989, 285.000 F en 1990 et 279.000 F en 1991 ; qu'il ne démontre pas, ainsi, la réalité du préjudice qu'il invoque et ne saurait, par suite, prétendre à une indemnité à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du montant de l'indemnité destinée à réparer les troubles subis dans ses conditions d'existence du fait de l'incapacité permanente partielle de 70 % dont il est atteint, ses souffrances physiques et le préjudice esthétique, en le fixant à 1.000.000 F ; qu'à cette somme il convient d'ajouter les frais d'hospitalisation exposés par la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, entre le 20 juin et le 23 décembre 1988, soit 250.008 F ; qu'ainsi le préjudice global dont l'indemnisation doit être mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, s'élève à 1.250.008 F ;
En ce qui concerne les droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine :
Considérant que la caisse susmentionnée a droit au remboursement de ses débours justifiés d'un montant de 250.008 F ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1995 ;
En ce qui concerne l'indemnité due à M. BUREAU :
Considérant que M. BUREAU a droit à une indemnité de 1.000.000 F ; que cette indemnité portera intérêts au taux légal à partir du 9 juin 1993 ; que les intérêts échus le 23 mars 1995 seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts ;
Sur les frais d'expertise exposés devant la cour :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre ces frais, d'un montant de 8.430 F, à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 3.000 F qu'elle demande ;
Article 1er : Le jugement n° 8906293/6 du 17 octobre 1992 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. BUREAU une somme de 1.000.000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1993. Les intérêts, échus le 23 mars 1995, seront capitalisés à cette date pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine une somme de 250.008 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 1995.
Article 4 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine une somme de 3.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Les frais d'expertise d'un montant de 8.430 F sont mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande présentée par M. BUREAU devant le tribunal administratif de Paris est rejeté.