VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la re-quête présentée au Conseil d'Etat par la S.A.R.L. G. BORDIER ;
VU la requête présentée pour la société à responsabilité limitée G. BORDIER dont le siège social est 10, allée de Saint-Malo 94513 RUNGIS, par M. LIZAMBARD, conseil fiscal ; elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 juin 1988 ; la société requérante demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 57.552/2 du 24 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ainsi que de la retenue à la source et des pénalités afférentes à ces impôts auxquelles la société a été assujettie au titre des années 1978 à 1980 dans les rôles de la commune de RUNGIS (Val-de-Marne) ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de prononcer le remboursement des frais exposés en première instance et en appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la convention fiscale Franco-Monégasque du 18 mai 1963 ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n°87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'au-dience du 28 novembre 1988 :
- le rapport de M. JEAN-ANTOINE, conseiller,
- et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés de 1978 à 1980 :
Considérant que, si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant que la détermination du fardeau de la preuve découle, à titre principal, dans le cas des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes de gestion dont l'administration conteste le caractère ; que, si l'acte contesté par l'administration s'est traduit, en comptabilité, par une écriture portant, comme c'est le cas en l'espèce sur des charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du code général des impôts et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l'article 38 du code, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n'est pas, lui-même, en mesure de justifier, dans son principe comme dans son montant, de l'exactitude de l'écriture dont s'agit, quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il appartient, en tout état de cause, pour l'application des dispositions précitées qu'invoque à titre subsidiaire le ministre, à la société G. BORDIER d'établir que les écritures comptables retraçant le versement à la société ODAV domiciliée dans la Principauté de Monaco de commissions pour des montants de 314.285 F en 1978, 243.841 F en 1979, et 11.014 F en 1980 correspondaient à des services effectivement rendus et ne procédaient pas, d'une libéralité au profit de la société bénéficiaire de ces commissions ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société BORDIER les termes du contrat du 24 août 1976, seule pièce produite dont elle se prévaut, ne comportent nullement attribution d'une exclusivité dans la fourniture de crevettes en provenance du Sénégal du fait de l'intervention de la société ODAV ; que la société n'a jamais, contrairement à ses dires, justifié en cours d'instance de la consistance voire de la matérialité de cette intervention ; que dans ces conditions le service établit suffisamment, comme il en a la charge, les faits sur lesquels il s'est fondé pour estimer que les commissions litigieuses n'ont pas été exposées dans l'intérêt de l'entreprise et, revétant par suite un caractère anormal, n'étaient en conséquence pas déductibles au titre de l'impôt sur les sociétés ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris lui a refusé le bénéfice de cette déduction ;
En ce qui concerne la retenue à la source restant en litige au titre des années 1978 à 1980 :
Considérant, qu'aux termes de l'article 109.1.1° du code général des impôts : "Sont considérés comme revenus distribués : tous les bénéfices qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital" ; que selon l'article 110 du même code : "Pour l'application de l'article 109.1.1°, les bénéfices s'entendent de tous ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés" ; et qu'aux termes de l'article 119 bis. 2 dudit code : "... Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé à l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France..." ;
Considérant qu'en application des dispositions combinées des articles précités du code général des impôts, les commissions versées à la société ODAV indûment déduites et réintégrées aux bénéfices imposables de la société requérante doivent être regardées comme des revenus distribués au profit de la société ODAV et donner lieu à l'application de la retenue à la source prévue aux articles 119 bis - 2 et 187 - 1 dudit code ;
Sur la demande de remboursement de frais et sur l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :
Considérant que si la société G. BORDIER demande le remboursement des frais exposés au cours de la procédure, cette demande qui n'est assortie d'aucune précision, ne peut être que rejetée ; qu'en tout état de cause, il n'y a pas lieu de faire application dans les circonstances de l'espèce des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
ARTICLE 1er : La requête de la société G. BORDIER est rejetée.
ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société G. BORDIER et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.