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27/04/1999 | FRANCE | N°96NT01785

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 27 avril 1999, 96NT01785


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 août 1996, présentée pour M. et Mme Y... demeurant Le Moulin de la Ville, 27290 Appeville dit Annebault, par Me X..., avocat à Paris ;
M. et Mme Y... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93.963 du 10 juin 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
2 ) de leur accorder

la décharge de ces droits et pénalités ;
Vu les autres pièces du dossier...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 août 1996, présentée pour M. et Mme Y... demeurant Le Moulin de la Ville, 27290 Appeville dit Annebault, par Me X..., avocat à Paris ;
M. et Mme Y... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93.963 du 10 juin 1996 par lequel le Tribunal administratif de Rouen n'a que partiellement fait droit à leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
2 ) de leur accorder la décharge de ces droits et pénalités ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 1999 :
- le rapport de Mme MAGNIER, premier conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;

Sur la procédure et le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure de redressements :
Considérant que M. et Mme Y... peuvent être regardés comme soutenant que la procédure d'examen de leur situation fiscale personnelle n'a pas été contradictoire au motif que le service s'est fait communiquer des informations relatives à la vérification de comptabilité de l'une des entreprises qu'ils dirigent ; que toutefois, et en tout état de cause, ces informations n'ont fondé aucun des redressements en litige ; que, par suite, ce moyen est inopérant ;
En ce qui concerne l'emport de documents bancaires :
Considérant qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'impose à l'administration d'établir un reçu lors de l'emport de documents bancaires ni une décharge lors de la restitution de ces mêmes documents, dans le cadre d'une procédure d'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable ; que M. et Mme Y... ne sont par suite pas fondés à soutenir que, faute d'avoir obtenu ces documents, la procédure diligentée à leur égard aurait été irrégulière ;
En ce qui concerne la procédure devant la commission départementale des impôts :
Considérant d'une part que, dans leur requête, M. et Mme Y... se bornent à alléguer que l'administration aurait fait figurer, dans le rapport qu'elle a soumis à la commission départementale des impôts, des éléments dont ils n'avaient pas eu connaissance ; que ce moyen n'est cependant assorti d'aucune précision permettant à la Cour de l'examiner utilement ;
Considérant, d'autre part, que si les contribuables entendent soutenir que la procédure aurait été irrégulière au motif que ce même rapport contenait des informations de nature à créer une suspicion quant à leur comportement en matière fiscale, ils ne contestent pas avoir eu connaissance de ce document en temps utile, en application des dispositions de l'article L.60 du livre des procédures fiscales ; qu'il leur appartenait alors, s'ils s'y croyaient fondés, de faire part aux membres de cette commission de leur désaccord éventuel avec les faits rapportés ; qu'en outre, il est constant que ces éléments, destinés à apporter une information complète aux membres de la commission, à l'égard desquels aucun secret professionnel ne pouvait en l'espèce être opposé, n'ont pas servi de fondement aux impositions en litige ;
En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article L.16 du livre des procédures fiscales et le recours incident du ministre :

Considérant que, pour ce qui concerne l'année 1985, M. et Mme Y... ont déclaré des revenus de 922 263 F ; qu'il résulte de l'instruction que le solde de la balance des espèces ayant fait l'objet d'une demande de justifications s'établissait à 331 829 F, montant qui, bien qu'inférieur au revenu déclaré, était significatif et ne provenait pas, pour l'essentiel, d'une évaluation approximative du volume des dépenses de train de vie réglées en espèces, mais d'autres origines, notamment de divers dépôts en espèces sur les comptes bancaires du contribuable ainsi que du paiement en espèces d'une partie du prix d'un immeuble ; que dès lors, l'administration a pu, à bon droit, recourir à la procédure de demande de justifications prévue par l'article L.16 du livre des procédures fiscales, alors même qu'à elle seule, l'importance des sommes d'origine indéterminée figurant au crédit des comptes bancaires des contribuables n'était pas suffisante pour justifier cette procédure ;
Considérant que, pour ce qui concerne l'année 1986, M. et Mme Y... ont déclaré des revenus de 1 034 411 F ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a adressé deux demandes successives de justifications afin de connaître l'origine des crédits bancaires figurant sur des relevés de comptes fournis par le contribuable puis sur des relevés de comptes obtenus par le service en vertu de son droit de communication ; que le total des crédits bancaires s'élevait à la somme de 3 794 048 F ; que le vérificateur a pris soin d'en déduire 1 335 363 F constituant des doubles comptes et qu'ainsi, l'écart entre ce solde et les revenus déclarés par les contribuables était suffisant pour permettre à l'administration d'engager la procédure prévue à l'article L.16 du livre des procédures fiscales ;
Considérant dès lors que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a fait droit aux conclusions de M. et Mme Y... sur le moyen tiré du caractère irrégulier de la procédure diligentée en application de l'article L.16 du livre des procédures fiscales, pour l'année 1986 ; qu'il appartient à la Cour, saisie de cette question par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens relatifs aux droits et pénalités d'impôt mis en recouvrement et assis sur les revenus d'origine indéterminée évalués au titre de l'année 1986 ;
Considérant que, si M. et Mme Y... contestent le montant des crédits bancaires et de la balance de trésorerie limitée aux espèces, ils n'apportent ni devant le tribunal administratif, ni devant la Cour, un quelconque justificatif de nature à établir que les montants retenus par l'administration seraient exagérés ; que, plus précisément, ils se bornent, sans en apporter le preuve, à faire valoir que les dépenses du train de vie du foyer, qui comporte trois personnes, devraient être limitées à 2 000 F par mois ; que ces moyens doivent par suite être rejetés ;
Considérant, dès lors, que le recours incident du ministre est fondé et que les droits assis sur les revenus d'origine indéterminée perçus par les contribuables au cours de l'année 1986 doivent être rétablis ;
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée au titre de 1985 :

Considérant que, pour contester l'imposition de leurs revenus d'origine indéterminée de 1985, M. et Mme Y... se bornent à contester le montant des crédits bancaires retenus par l'administration ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que les impositions restant en litige à ce titre ne sont pas fondées sur ces crédits bancaires mais sur le solde de la balance de trésorerie ; que ce moyen est par suite inopérant ;
En ce qui concerne les revenus fonciers :
Considérant que M. Y... fait valoir qu'il ne devait être imposé qu'à raison de sa quote-part dans le capital de la SCI "108 de la rue Léon Desoyer" et non pas sur la totalité des recettes de cette société ; que toutefois, il ne conteste pas avoir encaissé la totalité des sommes en question, soit sur des comptes bancaires personnels, soit sur un compte courant d'associé ouvert à son nom dans les comptes de l'une des sociétés dont il assure la direction ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant eu ces sommes à sa disposition ; qu'il n'est en outre pas fondé à invoquer une doctrine 4-F-1221, qui traite de l'imposition des bénéfices distribués aux associés d'une SCI à concurrence de leurs parts dans celle-ci, dès lors qu'il est constant que les versements dont il a bénéficié n'étaient pas limités à sa seule quote-part du capital de la SCI ; que l'administration a pu par suite, à bon droit, l'imposer sur la totalité des sommes ainsi perçues à titre de revenus fonciers ;
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
Considérant qu'il est constant que l'achat de la voiture de marque "Morgan" a été financé, pour l'essentiel, par les fonds sociaux de la société Alida, dont M. Y... est associé et dirigeant ; qu'alors même que M. et Mme Y... ne sont pas propriétaires de ce véhicule, l'administration établit que celui-ci n'a été utilisé que par les contribuables ; qu'elle était par suite en droit de regarder cet avantage, consenti par la société Alida, résultant de la mise à disposition de ce véhicule et équivalent à son prix d'achat, comme représentatif de revenus distribués par cette société et par suite imposable, en application des dispositions des articles 109-1-1 et 111-C du code général des impôts, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Sur les pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dans la réponse aux observations du contribuable qui a été adressée à M. et Mme Y..., l'administration précise que : " ...En revanche, les impôts complémentaires afférents aux autres redressements, à savoir : ..., revenus fonciers substantiels occultés au titre des années 1985 et 1986 ..., enrichissement inexpliqué au regard duquel vous n'avez produit aucune des justifications sollicitées par le service, ... seront assorties des majorations de droits prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts. En effet, la non déclaration de chacune de ces sommes, dont la nature imposable est sans ambiguïté, est révélatrice, compte tenu de leur nature et de leur importance, d'une attitude précisément caractéristique de la mauvaise foi" ; que cette réponse indique les considérations de fait et de droit qui ont fondé les pénalités litigieuses, lesquelles, par suite, ont été régulièrement et suffisamment motivées conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, en faisant état de la volonté de dissimuler des revenus imposables dans une proportion importante et de façon répétée, l'administration doit être regardée comme établissant que M. et Mme Y... ont fait preuve de mauvaise foi ;
Considérant, enfin, que les majorations de mauvaise foi doivent, d'une part, être remises à la charge des contribuables pour ce qui concerne 1986 et, d'autre part, maintenues pour ce qui concerne l'année 1985, dans la limite, s'il y a lieu, du montant de ces majorations qui, après défalcation de la part correspondant aux intérêts de retard qu'elles incluaient, n'excède pas le taux de 40 % prévu par le 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction issue du III de l'article 2 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que M. et Mme Y... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a partiellement rejeté leur demande et, d'autre part, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le Tribunal administratif de Rouen a déchargé les contribuables des impositions afférentes à leurs revenus d'origine indéterminée de l'année 1986 ;
Article 1er : La requête de M. et Mme Y... est rejetée.
Article 2 : Les droits d'impôt sur le revenu de M. et Mme Y... au titre de l'année 1986 sont rétablis à hauteur d'une base d'imposition supplémentaire de deux cent onze mille quatre vingts francs (211 080 F).
Article 3 : Les majorations pour mauvaise foi qui ont été appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme Y... ont été assujettis, sont remises à leur charge au titre de 1986 et maintenues au titre de 1985, dans la limite, s'il y a lieu, du montant de ces majorations, qui, après défalcation de la part correspondant aux intérêts de retard qu'elles incluaient, n'excède pas le taux de 40 % prévu par le 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction issue du III de l'article 2 de la loi n 87-502 du 8 juillet 1987.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen du 10 juin 1996 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 96NT01785
Date de la décision : 27/04/1999
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - VERIFICATION DE COMPTABILITE - GARANTIES ACCORDEES AU CONTRIBUABLE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - COMMISSION DEPARTEMENTALE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REQUETES D'APPEL - EFFET DEVOLUTIF DE L'APPEL OU EVOCATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REQUETES D'APPEL - RECOURS INCIDENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - DETERMINATION DU REVENU IMPOSABLE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LE REVENU - ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - TAXATION D'OFFICE - POUR DEFAUT DE REPONSE A UNE DEMANDE DE JUSTIFICATIONS (ARTICLES L - 16 ET L - 69 DU LIVRE DES PROCEDURES FISCALES).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS FONCIERS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - REVENUS DES CAPITAUX MOBILIERS ET ASSIMILABLES.


Références :

CGI 109, 111, 1729
CGI Livre des procédures fiscales L60, L16
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme MAGNIER
Rapporteur public ?: M. AUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1999-04-27;96nt01785 ?
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