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27/10/1998 | FRANCE | N°95NT01399

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 27 octobre 1998, 95NT01399


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 2 octobre 1995, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du plan ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92.1430 en date du 18 mai 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a accordé à la S.A. de la rue d'Alline (société SARA) la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes résultant de la réduction des bases d'imposition au titre des années 1986, 1987 et 1988 d'un montant respectif de 227 987 F, 96 149 F et 203 404 F ;
2 ) de rétab

lir la société SARA au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 2 octobre 1995, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du plan ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92.1430 en date du 18 mai 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a accordé à la S.A. de la rue d'Alline (société SARA) la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes résultant de la réduction des bases d'imposition au titre des années 1986, 1987 et 1988 d'un montant respectif de 227 987 F, 96 149 F et 203 404 F ;
2 ) de rétablir la société SARA au rôle de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1986, 1987 et 1988 à concurrence des sommes dont la décharge a été prononcée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret-loi du 5 novembre 1870 ;
Vu la loi n 51-247 du 1er mars 1951 ;
Vu la loi n 83-1179 du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 ;
Vu la loi n 86-1318 du 30 décembre 1986 portant loi de finances rectificative pour 1986 ;
Vu le décret n 85-1007 du 24 septembre 1985 portant incorporation au code général des impôts de divers textes modifiant et complétant certaines dispositions de ce code ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et son article R.153-1 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 1998 :
- le rapport de Mme MAGNIER, premier conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales : "A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts ... qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié le 8 juin 1995 au directeur régional des impôts de Haute-Normandie ; que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la Cour le 2 octobre 1995, soit dans le délai dont dispose l'administration fiscale pour faire appel, sur le fondement des dispositions ci-dessus rappelées de l'article R.200-18 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la société SARA n'est pas fondée à soutenir que le recours du ministre serait tardif et par suite irrecevable ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1385 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à 1984 : "I - L'exonération prévue à l'article 1383 est portée à 25 ans ou à 15 ans pour les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction à usage d'habitation achevées avant le 1er janvier 1973 suivant que les trois quarts au moins de leur superficie totale sont ou non affectés à l'habitation. II - L'exonération de 25 ou de 15 ans s'applique quelle que soit la date de leur achèvement, aux immeubles vendus dans les conditions prévues par le titre VI du livre II de la première partie du code de la construction et de l'habitation, relatif aux ventes d'immeubles à construire ..." ; que l'article 14-1 de la loi du 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 a ajouté à l'article 1385-II un paragraphe II-bis aux termes duquel : "A compter de 1984, la durée de l'exonération de 25 ans mentionnée aux I et II est ramenée à 15 ans, sauf en ce qui concerne les logements à usage locatif remplissant les conditions définies à l'article L.411-1 du code de la construction et de l'habitation ..." ; que la loi de finances rectificative du 30 décembre 1986 a modifié cette disposition pour prévoir, aux termes de son article 20 IV, qu'à compter de 1984, "la durée de l'exonération de 25 ans ... est ramenée à 15 ans, sauf en ce qui concerne les logements à caractère locatif appartenant aux organismes visés à l'article L.411-2 du code de la construction et de l'habitation ..." ; qu'enfin, aux termes du paragraphe V de l'article 20 de la même loi du 30 décembre 1986 : "Les impositions dues au titre des années antérieures au 1er janvier 1987 en application des paragraphes I à IV sont en conséquence réputées régulières, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée" ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 210 ter du même code, dans sa rédaction antérieure à 1985 : "Sous réserve des dispositions de l'article 207-1-4 , les sociétés et autres personnes morales sont exonérées pour la fraction de leur bénéfice net qui correspond au revenu net provenant de la gestion des immeubles dont la construction a été commencée postérieurement au 31 mars 1950 et qui ont fait l'objet d'un permis de construire délivré antérieurement à la publication de la loi n 63-254 du 15 mars 1963. Cette exonération est accordée pendant la durée de l'exonération de 25 ans dont ces immeubles bénéficient en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties" ; que ces dispositions de l'article 210 ter ont été modifiées comme suit par le décret n 85-1107 du 24 septembre 1985 : " ... Cette exonération est accordée pendant la durée de l'exonération de 15 ou 25 ans prévue au II-bis de l'article 1385 dont les immeubles bénéficient en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties" ;
Considérant que la société de la rue d'Alline (SARA), qui possède des immeubles locatifs à usage d'habitation dont le permis de construire a été délivré avant la publication de la loi du 15 mars 1963, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1986, 1987, 1988 ; que l'administration fiscale a alors considéré que ladite société ne pouvait plus prétendre au titre desdites années à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties de 25 ans et que, par suite, elle ne pouvait pas davantage prétendre à l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 210 ter ;
Considérant que, pour prononcer la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés qui ont alors été réclamés à la société SARA, le Tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le défaut de base légale des redressements au motif que l'autorité réglementaire n'avait pas pu modifier par décret les dispositions législatives de l'article 210 ter ; que ces redressements se fondent toutefois sur la seule circonstance qu'au titre des années 1986, 1987 et 1988 la société SARA ne pouvait plus prétendre à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties de 25 ans, ni par voie de conséquence, à l'exonération d'impôt sur les sociétés et non pas sur l'application des dispositions de l'article 210 ter dans sa rédaction issue du décret du 24 septembre 1985 ; qu'en effet, hormis le cas des logements à caractère locatif appartenant aux organismes visés à l'article L.411-2 du code de la construction et de l'habitation, ce décret se borne, pour ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, à prendre acte de la suppression du régime d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour une durée de 25 ans et à restaurer ce régime pour une durée désormais ramenée à 15 ans ; que, par suite, alors même que ledit décret serait entaché d'illégalité, c'est à tort que les premiers juges ont prononcé, pour ce motif, la décharge des impositions contestées sans rechercher si, au regard de l'article 210 ter, dans sa rédaction d'origine, la société SARA était en droit de bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés qu'elle sollicitait ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société SARA à l'appui de sa demande devant le Tribunal administratif de Rouen et de sa requête devant la Cour ;

Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que le décret n 85-1007 du 24 septembre 1985 n'aurait pas pu modifier l'article 210 ter du code général des impôts est, en tout état de cause, inopérant dans la mesure où comme il vient d'être dit, il ne constitue pas le fondement du redressement litigieux ;
Considérant, d'autre part, que la société SARA, qui n'est pas au nombre des organismes visés par l'article L.411-2 du code de la construction et de l'habitation auquel l'article 1385-II bis susvisé fait référence, fait valoir, sans être contredite sur ce point, qu'elle était propriétaire d'immeubles remplissant les conditions définies à l'article L.411-1 du code de la construction et de l'habitation et lui ouvrant droit à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant 25 ans au titre des dispositions issues de la loi de finances pour 1984 ; qu'elle soutient également que l'exonération dont elle demande à bénéficier doit lui être accordée à ce titre, sans que la loi de 1986 ne puisse, rétroactivement, lui faire perdre cet avantage ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions des lois des 29 décembre 1983 portant loi de finances pour 1984 et 30 décembre 1986 que le législateur en ramenant, pour l'avenir, à 15 ans la durée, précédemment fixée à 25 ans, de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties applicable à ceux des immeubles qui n'appartiennent pas à des organismes visés à l'article L.411-2 du code de la construction et de l'habitation, a nécessairement entendu restreindre, dans cette mesure, l'avantage fiscal dont bénéficiaient leurs propriétaires en vertu des textes antérieurement en vigueur ; que, par suite et dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité des lois, le moyen tiré de ce qu'en adoptant un texte à caractère rétroactif, le législateur aurait rompu une convention tacite sur l'avantage fiscal offert en contrepartie de la mise en location de logements à caractère social est, en tout état de cause, inopérant ;
Considérant qu'au 1er janvier 1988, date du fait générateur de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de l'année 1988, les dispositions précitées de la loi du 30 décembre 1986 étaient entrées en vigueur ; que, par voie de conséquence, ne pouvant plus prétendre au titre de ladite année aux exonérations susmentionnées de taxe foncière sur les propriétés bâties, la sociétéb SARA n'entrait pas, au titre de la même année, dans le champ d'application des dispositions de l'article 210 ter ;
Considérant, par ailleurs, que la société SARA ne soutient pas n'avoir pas été assujettie à raison de ces mêmes immeubles à la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre de l'année 1986 ; que, dès lors, et par l'effet des dispositions de validation de ces impositions prévue au V de l'article 20 de la loi du 30 décembre 1986, elle doit être regardée comme ayant été régulièrement assujettie à ladite taxe et ne saurait, par suite, davantage prétendre, pour 1986, au bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 210 ter ;

Considérant, en revanche, qu'il est constant qu'au 1er janvier 1987, date du fait générateur de la taxe foncière sur les propriétés bâties due au titre de 1987, la loi du 30 décembre 1986 n'était pas entrée en vigueur dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 2 du décret susvisé du 5 novembre 1870 pour n'avoir été publiée au Journal Officiel que le 31 décembre 1986 ; qu'aucune disposition de cette loi ne prévoyait que celle-ci entrerait en vigueur au 1er janvier 1987 ; que les termes mêmes du paragraphe V de l'article 20 de cette loi réservent la validation qu'ils instituent aux impositions dues au titre des années antérieures au 1er janvier 1987 ; que, par suite, au 1er janvier 1987, la société SARA devait être regardée comme bénéficiaire de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties sur une durée de 25 ans au titre des immeubles dont elle était encore propriétaire et qui, en application des dispositions de la loi de finances du 29 décembre 1983, étaient constitués de logements locatifs remplissant les conditions définies à l'article L.411-1 du code de la construction et de l'habitation ; que, dès lors, la société SARA était en droit de bénéficier de l'exonération des suppléments d'impôt sur les sociétés au titre de cette seule année 1987 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est seulement fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a déchargé les suppléments d'impôt sur les sociétés réclamés à la société SARA au titre des années 1986 et 1988 ;
Article 1er : Les compléments d'impôt sur les sociétés et les pénalités y afférentes auxquels la S.A. de la rue d'Alline (société SARA) a été assujettie au titre des années 1986 et 1988 sont remis à sa charge.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 18 mai 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la S.A. de la rue d'Alline (société SARA).


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT01399
Date de la décision : 27/10/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - LEGALITE DES DISPOSITIONS FISCALES - DECRETS.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - TEXTES FISCAUX - TEXTE APPLICABLE (DANS LE TEMPS ET DANS L'ESPACE).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REQUETES D'APPEL - DELAI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REQUETES D'APPEL - EFFET DEVOLUTIF DE L'APPEL OU EVOCATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - TAXES FONCIERES - TAXE FONCIERE SUR LES PROPRIETES BATIES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES - EXONERATIONS.


Références :

CGI 1385, 210 ter
CGI Livre des procédures fiscales R200-18
Code de la construction et de l'habitation L411-2, L411-1
Décret du 05 novembre 1870 art. 2
Décret 85-1007 du 24 septembre 1985
Décret 85-1107 du 24 septembre 1985
Loi 63-254 du 15 mars 1963
Loi 83-1179 du 29 décembre 1983 art. 14-1
Loi 86-1318 du 30 décembre 1986 art. 20


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme MAGNIER
Rapporteur public ?: M. AUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-10-27;95nt01399 ?
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