La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/1998 | FRANCE | N°95NT00645

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 13 octobre 1998, 95NT00645


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 mai 1995, présentée pour M. Didier Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92262-92263 du 28 février 1995 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986 et de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période, ainsi qu'au remboursement de

s frais exposés ;
2 ) de prononcer la décharge des impositions contestées ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 mai 1995, présentée pour M. Didier Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat au barreau de Caen ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 92262-92263 du 28 février 1995 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984 à 1986 et de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la même période, ainsi qu'au remboursement des frais exposés ;
2 ) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3 ) de condamner l'administration aux dépens ;
4 ) de lui accorder une somme de 25 000 F en remboursement des frais irrépétibles engagés pour les besoins de l'instance juridictionnelle, comprenant notamment le remboursement des honoraires d'avocat et du timbre fiscal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 1998 :
- le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ..." ;
Considérant que M. Y... soutient que la notification de redressement du 14 décembre 1987 était insuffisamment motivée en ce qui concerne la réintégration, dans les bénéfices non commerciaux de l'année 1984, des frais d'achat d'un auto-radio et d'une bulle de portière ; que, toutefois, ladite notification mentionnait que "les dépenses à prendre en considération sont celles nécessitées par l'acquisition du revenu professionnel Ces dépenses doivent par ailleurs avoir été payées dans l'année et justifiées" et indiquait la nature et le montant des dépenses de l'exercice qui ne répondaient pas à ces critères, y compris pour les frais susindiqués ; qu'ainsi, elle mettait le contribuable en mesure de formuler ses observations et était donc suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que M. Y..., qui exerce la profession de détective privé à Caen (Calvados), a fait l'objet en 1987 d'une vérification de comptabilité et d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble, qui ont porté sur les années 1984 à 1986 ; que l'administration lui a notifié des redressements en matière d'impôt sur le revenu, effectués selon la procédure contradictoire pour 1984 et selon la procédure d'évaluation d'office pour 1985 et 1986, et des redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée, suivant la procédure contradictoire, pour la même période ;
En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : "Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ... il tient compte des gains ou des pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle ..." ;

Considérant, d'une part, qu'au titre de l'année 1985, l'administration a regardé comme des recettes non déclarées se rattachant à l'activité professionnelle de M. Y... une somme de 30 000 F déposée au compte bancaire de l'intéressé et dont elle a estimé que celui-ci ne justifiait pas l'origine ; qu'il appartient au contribuable, dont les bénéfices non commerciaux de l'année en cause ont été évalués d'office, de justifier de l'origine non professionnelle de cette somme ; que si le requérant soutient qu'elle correspond à un prêt qui lui aurait été consenti par un particulier, il est constant que ce prêt n'a pas été soumis à la formalité de l'enregistrement ; que la production d'une attestation du prêteur en date du 16 février 1988, postérieure à la vérification de comptabilité, et l'invocation d'un remboursement intégral, même non contesté par l'administration, ne suffisent pas à établir la réalité du prêt allégué ; que c'est, dès lors, à bon droit que l'administration a rapporté la somme de 30 000 F aux recettes imposables de l'année 1985 ;
Considérant, d'autre part, que, quelle qu'ait été la procédure d'imposition suivie à l'encontre du contribuable, il lui appartient de justifier que les sommes qu'il a déduites de son bénéfice non commercial ont constitué des dépenses nécessitées par l'exercice de sa profession ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a déduit de ses résultats les amortissements relatifs à un véhicule Renault, à deux bateaux et à un magnétoscope ; que ces biens n'étaient pas, par leur nature même, affectés à l'exercice de sa profession ; qu'en application des dispositions de l'article 99 du code général des impôts, le requérant, qui était soumis au régime de la déclaration contrôlée, devait tenir un registre des immobilisations ; qu'il est constant qu'il n'a pas tenu ce registre, dont l'imprimé joint à sa déclaration n 2035 ne saurait tenir lieu, et qu'en outre les amortissements n'ont donné lieu à aucune écriture comptable ; que, dans ces conditions, les biens dont il s'agit ne pouvaient être regardés comme faisant partie de l'actif professionnel de M. Y... ; que, dès lors, l'administration était en droit de réintégrer dans ses résultats imposables les amortissements et les charges de propriété afférentes à ces biens, ainsi que la moins-value constatée à la suite de la cession du moteur de l'un des bateaux ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Y... a déduit de ses résultats les frais afférents à l'achat d'armes et d'une bulle de portière et à des locations de voiture ; que, par ses allégations de portée générale il n'apporte pas la preuve que ces dépenses étaient nécessitées par l'exercice de sa profession ; que s'il demande également la réintégration de différents frais afférents au véhicule Renault engagés postérieurement au mois de mai 1984, date à laquelle il a fait l'acquisition d'une voiture Peugeot, il n'établit pas qu'il aurait continué à utiliser son ancien véhicule, alors qu'il est constant que celui-ci avait été immobilisé pendant plusieurs mois à la suite d'un litige avec un garagiste et qu'une autre personne avait été désignée comme conducteur dans le contrat d'assurance ; que, par suite, les dépenses susindiquées ne sont pas déductibles du bénéfice non commercial de M. Y... ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration, en l'absence de production par le requérant d'éléments permettant d'effectuer un quelconque rapprochement entre les dépenses engagées et les missions que lui confiaient ses clients, a évalué les frais de déplacements sur la base du barème administratif pour les frais de véhicule et à hauteur de 18 000 F par an pour les frais de séjour ; qu'elle a ensuite réintégré dans les résultats imposables le surplus des sommes qui avaient été déduites à ce titre par M. Y... ; que celui-ci n'établit pas que l'administration aurait fait ainsi une évaluation insuffisante des frais dont il s'agit ; que, par suite, il n'est pas fondé, sur ce point, à contester les redressements qui lui ont été notifiés par le service ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : "I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ... les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ..." ;
Considérant que le requérant conteste l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la somme de 30 000 F évoquée ci-dessus, par les mêmes moyens que précédemment ; qu'ainsi qu'il a été dit, il ne peut être regardé comme justifiant de l'origine de ladite somme, dont il n'est d'ailleurs pas contesté qu'elle lui a été versée par une de ses clientes ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration l'a regardée comme la contrepartie d'une prestation de services et l'a soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 271 du code général des impôts : "La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ..." ; qu'en vertu des dispositions de l'article 223 de l'annexe II audit code le redevable ne peut procéder à la déduction de la taxe que si elle figure sur les factures qui lui ont été délivrées par ses fournisseurs et dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures ;
Considérant que si M. Y... soutient qu'il était en droit de déduire la taxe afférente aux sommes qu'il versait à titre de vacations à des enquêteurs auxquels il confiait des missions, il est constant en tout état de cause qu'il n'a pas été en mesure de présenter les factures correspondantes ; que, dès lors, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les sommes dont il s'agit ne pouvait donner lieu à déduction ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de ses demandes ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que M. Y... succombe dans la présente instance ; que sa demande, fondée sur les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 25 000 F au titre des frais qu'il a exposés doit, en conséquence, être rejetée ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00645
Date de la décision : 13/10/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - MOTIVATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE IMPOSABLE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PERSONNES ET OPERATIONS TAXABLES - OPERATIONS TAXABLES.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DEDUCTIONS - CONDITIONS DE LA DEDUCTION.


Références :

CGI 93, 99, 256, 271
CGI Livre des procédures fiscales L57
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. ISAÏA
Rapporteur public ?: M. AUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-10-13;95nt00645 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award