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13/10/1998 | FRANCE | N°95NT00191

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 13 octobre 1998, 95NT00191


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 février 1995, présentée par M. Daniel X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement entrepris ;
2 ) de prononcer le dégrèvement de la totalité des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 et des compléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la même période ;
3 ) d'ordonner en outre le remboursement des droits et cotisations payés au titre du forf

ait initial afférent à la période 1983-1984, ce contrat ayant été déclaré caduc par l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 février 1995, présentée par M. Daniel X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement entrepris ;
2 ) de prononcer le dégrèvement de la totalité des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1984, 1985 et 1986 et des compléments de droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la même période ;
3 ) d'ordonner en outre le remboursement des droits et cotisations payés au titre du forfait initial afférent à la période 1983-1984, ce contrat ayant été déclaré caduc par le vérificateur ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 1998 :
- le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité des conclusions de la requête de M. X... et du recours incident du ministre chargé du budget :
Considérant qu'il est constant que l'administration, en exécution du jugement attaqué, a prononcé le dégrèvement du complément d'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1984 et du supplément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la même période ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à la décharge de ces impositions sont, en tout état de cause, sans objet et, par suite, irrecevables ;
Considérant qu'il est également constant que la réclamation de M. X... ne visait pas les impositions primitives à l'impôt sur le revenu établies au titre des années 1983 et 1984 ni la taxe sur la valeur ajoutée qui lui avait été initialement réclamée pour cette même période ; que, par suite, faute d'avoir été précédée de la réclamation préalable prévue par les dispositions de l'article R.190-1 du livre des procédures fiscales, la demande de M. X..., en tant qu'elle tendait à la décharge de ces impositions, était irrecevable ; que, contrairement à ce que soutient le requérant ladite demande ne saurait valoir réclamation au motif que le tribunal, en ayant omis de relever d'office l'irrecevabilité dont il s'agit, l'aurait privé de la possibilité de présenter une réclamation dans les délais prévus par la loi ; que, de même, M. X... ne saurait s'affranchir des règles de la procédure contentieuse en matière fiscale évoquées ci-dessus en présentant ses prétentions sous forme d'une demande de répétition de l'indu ; que, dès lors, les conclusions de la requête tendant à la décharge des impositions susindiquées établies au titre des années 1983 et 1984 sont également irrecevables ;
Considérant que, suite à ce qui précède, les conclusions de la requête de M. X... recevables devant la Cour ne concernent pas les impositions établies au titre de l'année 1984 tant en matière d'impôt sur le revenu que de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, le recours incident du ministre chargé du budget, tendant à ce que la Cour remette à la charge de M. X... une somme de 52 704 F afférente à l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année 1984 et une somme de 30 837 F relative à la taxe sur la valeur ajoutée réclamée pour la période correspondante, porte sur un litige distinct ; que, dès lors, le recours incident du ministre est irrecevable et ne peut qu'être rejeté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 14 août 1992 M. X... avait invoqué un moyen tiré de l'irrégularité des pénalités pour absence de bonne foi mises à sa charge au titre des années 1985 et 1986 ; que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ; que, par suite, en ce qui concerne les pénalités le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit, dans cette mesure, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette partie de la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nantes et, par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres conclusions ;
Sur les impositions établies au titre des années 1985 et 1986 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, d'une part, que la notification de redressements du 10 mars 1988, qui était relative aux années 1985 et 1986, indiquait très clairement les anomalies et les irrégularités dont était entachée la comptabilité de M. X... ; qu'elle était donc, sur ce point, suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R.60-1 du livre des procédures fiscales : "Lorsque le litige est soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, en application de l'article L.59-A, le contribuable est convoqué trente jours au moins avant la date de la réunion. Le rapport et les documents mentionnés à l'article L.60 doivent être tenus à sa disposition, au secrétariat de la commission, pendant le délai de vingt jours qui précède la réunion de cette commission" ;
Considérant que M. X... soutient que la commission départementale ne pouvait se réunir le 4 juillet 1989, date qui se situait durant la période des congés annuels de son conseil, et que le refus de reporter ladite réunion à une date postérieure alors qu'il avait demandé ce report dès le 9 juin 1989 a porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure devant la commission et ainsi, ne lui a pas permis de présenter utilement sa défense ; que, d'une part, aucun texte ni aucune règle applicable en l'absence d'un texte ne limitent le pouvoir du président de refuser de reporter la réunion de la commission à une date ultérieure ; que, d'autre part, le requérant, s'il n'était pas présent lors de la réunion de la commission le 4 juillet 1989, a pu cependant faire valoir ses arguments, le rapport écrit établi par ses soins ayant été lu pendant la séance et une mesure du nombre de verres contenus dans une bouteille de 75 cl. réalisée au cours de celle-ci, suivant la méthode proposée par le contribuable ; qu'ainsi, le moyen soulevé par M. X..., tiré de l'irrégularité de la procédure devant la commission, doit être rejeté ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L.256 comporte : 1 Les indications nécessaires à la connaissance des droits ... 2 Les éléments du calcul et le montant des droits et pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement ..." ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement du 19 décembre 1989 par lequel l'administration a assujetti M. X..., au titre de la période correspondant aux années 1985 et 1986, à un complément de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 55 591 F assorti d'une somme de 32 738 F au titre des pénalités, ne comportait pas par lui-même les éléments de calcul dudit complément mais renvoyait pour cela à la notification de redressements du 14 mars 1988 ; que, toutefois, les éléments du calcul dont il s'agit avaient été modifiés dans la réponse, en date du 25 mai 1988, faite par le service aux observations du contribuable, à laquelle l'avis de mise en recouvrement a omis de renvoyer ; que, dans ces conditions, ledit avis n'a pas fourni au contribuable les indications nécessaires à la connaissance des éléments du calcul de la créance au sens des dispositions précitées de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, M. X... est fondé à soutenir que le complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux a été établi suivant une procédure irrégulière, et à en demander pour ce motif la décharge, ainsi que par voie de conséquence des pénalités dont il a été assorti ;
En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour les années 1985 et 1986 la comptabilité de M. X... révélait l'existence d'achats sans factures et comportait des omissions et anomalies au niveau des stocks ; qu'en outre les recettes enregistrées globalement n'étaient pas ventilées par produits ni accompagnées de pièces justificatives suffisantes ; qu'ainsi, l'administration établit que la comptabilité de M. X... était entachée de graves irrégularités au sens de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, ce qui autorisait le vérificateur à reconstituer le chiffre d'affaires et les bénéfices de l'entreprise ; qu'en outre, conformément aux dispositions dudit article, la charge de la preuve incombe à M. X... ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que pour reconstituer le chiffre d'affaires de M. X..., qui exerçait l'activité de restaurateur à Mansigné, dans la Sarthe, le vérificateur a utilisé la "méthode des vins" pour la partie restauration et la "méthode des doses de liquides vendus" en ce qui concerne le bar ; que, pour déterminer le nombre de verres servis à partir d'une bouteille de 75 cl., l'administration a retenu une méthode dont l'exactitude a été confirmée par l'expérience effectuée le 4 juillet 1989 devant la commission départementale des impôts avec le matériel fourni par le contribuable ; que le vérificateur a utilisé une seconde méthode basée sur la consommation de poisson pour reconstituer le chiffre d'affaires correspondant aux banquets et aux repas améliorés de fin de semaine ; que les pertes et offerts ont été évalués à 10 % du chiffre d'affaires reconstitué augmenté de 20 % de pertes sur les achats de poisson ; que les constatations qui ressortiraient d'autres établissements de même nature, notamment en ce qui concerne l'importance du bénéfice par rapport au chiffre d'affaires, sont sans incidence ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la reconstitution de l'administration procéderait d'une méthode à la fois radicalement viciée dans son principe et excessivement sommaire ;
En ce qui concerne les pénalités de l'article 1729 du code général des impôts :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que dans sa demande M. X... soutient que les pénalités de l'article 1729 du code général des impôts ne sont pas fondées ;
Considérant que l'administration n'établit pas la mauvaise foi de M. X... en se bornant à invoquer l'absence de justification de recettes dans la comptabilité et, toujours à propos desdites recettes, l'importance des minorations révélées par la reconstitution du chiffre d'affaires ; qu'il y a lieu dans ces conditions, de faire droit à la demande de M. X... et de substituer aux pénalités de l'article 1729 du code général des impôts, appliquées aux compléments d'impôt sur le revenu litigieux, les intérêts de retard prévus à l'article 1728 du même code ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge, en droits, des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) à payer à M. X... la somme de 2 000 F au titre des frais qu'il a exposés ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 20 décembre 1994 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de la demande de M. X... tendant à la décharge des pénalités établies au titre des années 1985 et 1986 et en tant qu'il a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période correspondant à ces mêmes années.
Article 2 : Il est accordé à M. X... la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés pour la période correspondant aux années 1985 et 1986, soit les sommes respectivement de cinquante cinq mille cinq cent quatre vingt onze francs (55 591 F) et trente deux mille sept cent trente huit francs (32 738 F).
Article 3 : Les intérêts de retard sont substitués, dans la limite du montant desdites pénalités, aux pénalités de l'article 1729 du code général des impôts mises à la charge de M. X... et afférentes aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1985 et 1986.
Article 4 : L'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) versera à M. X... une somme de deux mille francs (2 000 F) sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... et le recours incident du ministre chargé du budget sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95NT00191
Date de la décision : 13/10/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - NOTIFICATION DE REDRESSEMENT - MOTIVATION.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - REDRESSEMENT - COMMISSION DEPARTEMENTALE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES - PENALITES - MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTES DE RECOUVREMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - DEMANDES ET OPPOSITIONS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - REGULARITE DU JUGEMENT.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REQUETES D'APPEL - FORMES ET CONTENU DE LA REQUETE.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - REQUETES D'APPEL - RECOURS INCIDENT.


Références :

CGI 1729, 1728
CGI Livre des procédures fiscales R190-1, L57, R60-1, R256-1, L192
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. ISAÏA
Rapporteur public ?: M. AUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1998-10-13;95nt00191 ?
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