Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 16 février 1995, présentée pour la société SERVEC S.A., qui a son siège dans la zone industrielle route de Maintenon, à Maintenon (28130), par Me X..., avocat au barreau de Paris ;
La société SERVEC S.A. demande à la Cour :
1 ) à titre principal, d'annuler les redressements en matière de taxe sur la valeur ajoutée, en principal et en pénalités, restant à sa charge et de réformer en ce sens le jugement n 89960-891303 du 13 décembre 1994 du Tribunal administratif d'Orléans ;
2 ) à titre subsidiaire :
- pour le cas où la Cour s'estimerait insuffisamment informée, de désigner par jugement avant dire droit conformément à l'article R.200-8 du livre des procédures fiscales tout expert de son choix à l'effet notamment d'examiner tous les documents comptables et extra-comptables détenus par le contribuable ou par des tiers tels qu'attestation d'achat en franchise, facture et comptabilité, matières portant sur la période vérifiée susceptibles de permettre d'aboutir à la solution des présents litiges ;
- de surseoir à statuer constatant la procédure d'instruction actuellement en cours et confier par ordonnance de Mme VERNET, juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Chartres en date du 29 juillet 1993, d'en ordonner la communication à la présente procédure ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 1998 :
- le rapport de M. ISAÏA, premier conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, d'une part, que la circonstance que le tribunal n'aurait pas ordonné à l'administration fiscale, comme cela lui était demandé par la S.A. SERVEC, de produire au dossier les factures à l'origine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux ventes réalisées avec le concours d'intermédiaires s'interposant entre la société et les clients étrangers ne saurait être regardée comme une atteinte au principe du contradictoire, lequel interdit au juge de soustraire à l'examen des parties les pièces qui lui sont présentées par l'une d'elle, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de ce principe n'est pas fondé et doit être rejeté ;
Considérant, d'autre part, que le juge administratif apprécie librement s'il y a lieu de surseoir à statuer en attendant la solution d'une instance pénale ; qu'ainsi, les premiers juges ont pu régulièrement statuer sur le litige dont ils étaient saisis par la S.A. SERVEC en matière de taxe sur la valeur ajoutée sans attendre l'aboutissement de la procédure pénale ouverte afin d'instruire la plainte contre X déposée par M. SLIMANE Y..., actionnaire majoritaire de ladite société ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, en notifiant le 15 avril 1985 à la S.A. SERVEC les redressements qu'elle se proposait d'apporter, selon la procédure contradictoire, aux bases de la taxe sur la valeur ajoutée, suffisamment informé la société de la teneur des renseignements qu'elle avait recueillis, dans l'exercice de son droit de communication, auprès de la police judiciaire pour que ladite société ait été ainsi mise à même de demander la communication des documents en cause avant la mise en recouvrement des impositions ; que, contrairement à ce que soutient la société, l'administration n'était pas tenue de communiquer d'elle-même, en l'absence de toute demande, lesdits documents ; que, si la société fait valoir qu'elle a, en vain, réclamé au service au cours de l'instance devant le tribunal, la communication des pièces dont il s'agit, cette circonstance est sans incidence sur la régularité des impositions litigieuses, dès lors que sa demande était postérieure à l'établissement de celles-ci ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que les factures adressées à des clients étrangers dont la société soutient qu'elle n'a pas été en mesure d'en obtenir la communication par l'administration, étaient décrites en détail dans les annexes n 1 à 41 de la notification de redressements du 15 avril 1985 et que, pour chaque officine d'exportation, étaient mentionnés le numéro de la facture, la date de la livraison et le montant de la vente ; que ces factures figuraient dans la comptabilité de la S.A. SERVEC et n'étaient pas en possession de l'administration qui ne pouvait de ce fait procéder à leur communication ; que, dans ces conditions, la S.A. SERVEC n'est pas fondée à soutenir que la procédure de redressement contradictoire aurait été entachée d'irrégularité ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que les agents des impôts n'ont pas participé aux investigations menées par la police judiciaire sur le fondement de l'ordonnance du 30 juin 1945, à la suite de la découverte, dans le cadre de l'instruction d'une plainte pour faux et usage de faux déposée le 1er août 1984 contre M. SLIMANE Y..., de faits de nature à révéler l'existence d'infractions aux règles de facturation ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que la première intervention sur place du vérificateur a eu lieu le 3 juillet 1984, date à laquelle les opérations menées par la police judiciaire n'avaient pas encore commencé et que la demande de communication des renseignements a été adressée par les services fiscaux à l'autorité judiciaire le 18 février 1985, soit postérieurement à la dernière intervention sur place du vérificateur, qui a eu lieu le 5 novembre 1984 ; que, dans ces conditions et nonobstant la circonstance que les investigations de la police judiciaire n'ont été suivies d'aucune poursuite pénale sanctionnant des infractions aux règles de facturation, le moyen tiré d'un détournement de procédure ne peut qu'être rejeté ;
Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré d'une violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant, dès lors que cette disposition n'est applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant que le bénéfice de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 262 du code général des impôts pour les exportations de biens meubles corporels est, en vertu de l'article 74 de l'annexe III au même code, pris pour l'application dudit article 262, subordonnée notamment à la condition que le fournisseur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation conforme au modèle donné par l'administration qui doit, après visa par le service des douanes du point de sortie, être mise à l'appui de la comptabilité ; que, d'autre part, l'application des dispositions de l'article 275 du code général des impôts autorisant les assujettis à recevoir en franchise de taxe les biens qu'ils destinent à l'exportation est subordonnée à la condition que les intéressés adressent à leur fournisseur, préalablement à la livraison des biens, une attestation visée par le service des impôts certifiant que les produits commandés par eux sont destinés à être exportés ;
Considérant que le vérificateur a réintégré dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des exportations directes d'un montant de 783 000 F, à défaut de production d'un document douanier et des ventes en franchise d'un montant de 13 847 905 F, en l'absence d'attestations délivrées par les acheteurs ; que, sur ces deux points, les documents produits par la société requérante, en raison de leur imprécision et de leur absence de concordance avec les factures litigieuses, n ont pas de valeur probante ; que, dès lors, les redressements dont il s'agit ne peuvent qu'être confirmés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de l'aboutissement de la procédure pénale ouverte afin d'instruire la plainte contre X déposée par M. SLIMANE Y... ni d'ordonner l'expertise sollicitée, que la S.A. SERVEC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté en partie ses demandes ;
Article 1er : La requête de la S.A. SERVEC est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. SERVEC et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.