Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 août 1995, présentée pour M. Michel Y..., demeurant ... Dieppe, par Me A..., avocat au barreau de Dieppe ;
M. Y... demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 921347 en date du 6 juin 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rouen ne lui a accordé qu'une décharge partielle des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1983 et 1984 à raison de la taxation d'office des revenus d'origine indéterminée ;
2 ) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
3 ) de lui accorder le remboursement des frais de procédure prévus à l'article R.207-1 du livre des procédures fiscales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 1998 :
- le rapport de Mme HELMHOLTZ, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Y... demande la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1983 et 1984 résultant de la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, dans le mémoire produit en défense devant le Tribunal administratif de Rouen, le directeur des services fiscaux de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a admis les justifications présentées par M. Y... concernant une somme de 100 000 F appartenant à M. Z... et a prononcé le dégrèvement correspondant ; que le jugement du 6 juin 1995 a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ce point ; que, par suite, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges étaient tenus de répondre à ses explications sur l'origine de la somme susvisée ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L.16 et de l'article L.69 du livre des procédures fiscales que l'administration peut, lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, lui demander des justifications et si le contribuable s'est abstenu de répondre à ces demandes de justification, le taxer d'office sur le revenu, à raison des sommes dont il n'a pu justifier l'origine ;
Considérant qu'à la suite des constatations opérées lors de la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble de M. Y... portant sur les années 1982, 1983 et 1984, le vérificateur a estimé que les sommes portées au crédit des comptes bancaires de l'intéressé excédaient notablement le montant des revenus bruts déclarés au titre de chacune des années vérifiées ; qu'il a alors adressé le 26 septembre 1986 une demande de justification de l'origine de sommes portées au crédit des comptes bancaires au titre des années litigieuses ainsi que du solde créditeur de la balance des espèces établie au titre de l'année 1983 ;
Considérant que le requérant qui ne conteste pas que le vérificateur réunissait les éléments lui permettant d'adresser une demande de justification, soutient, d'une part, qu'il avait fourni des réponses précises et vérifiables aux demandes concernant les crédits bancaires de 40 012 F au titre de 1983 et de 76 363 F au titre de 1984 ainsi que le solde créditeur de 701 800 F de la balance des espèces établie au titre de 1983 et que, d'autre part, compte tenu des réponses suffisantes apportées sur l'origine de la majeure partie des crédits sur lesquels il était interrogé, l'administration n'était pas en droit de réintégrer d'office lesdites sommes dans ses revenus imposables ; qu'il résulte de l'instruction que, pour justifier des sommes litigieuses, l'intéressé s'est borné à indiquer que celles-ci provenaient de retraits antérieurs effectués sur ses comptes bancaires, du réinvestissement d'intérêts, d'avances et du remboursement de bons de caisse sans assortir ces affirmations ni de précisions suffisantes ni de pièces justificatives malgré le délai supplémentaire dont il a disposé jusqu'au 4 décembre 1986, date de son entrevue avec le vérificateur ; qu'ainsi, de telles réponses imprécises et invérifiables équivalant à un défaut de réponse, autorisaient l'administration à taxer d'office le requérant, à hauteur des sommes susmentionnées, sur le fondement des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales, sans être tenue préalablement de faire usage de son droit de communication auprès des banques et nonobstant la circonstance que ces sommes ne représentaient qu'une part résiduelle par rapport à la demande de justifications ; qu'enfin, l'intéressé ne saurait utilement invoquer l'instruction du 28 avril 1976 relative à la procédure d'imposition ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L.76 du livre des procédures fiscales : "Les bases ou les éléments servant au calcul d'impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination" ;
Considérant que M. Y... soutient que la notification de redressements en date du 9 décembre 1986 aurait été insuffisamment motivée dès lors que les redressements concernant les revenus d'origine indéterminée n'auraient pas été intégrés dans les nouvelles bases d'imposition fixées après la vérification ; qu'il résulte de l'examen de la notification de redressements susvisée que celle-ci énumérait les crédits bancaires injustifiés année par année ainsi que le solde créditeur de la balance des espèces taxés d'office ; qu'une telle notification satisfait aux prescriptions de l'article L.76 précité alors même qu'à la suite d'une omission matérielle, lesdits redressements n'apparaissent pas dans le tableau récapitulatif des bases d'imposition figurant à la fin du document ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu du dernier alinéa de l'article L.192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve incombe à M. Y... régulièrement taxé d'office en application des dispositions des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les crédits bancaires injustifiés :
Considérant, en premier lieu, que si M. Y... soutient que les crédits de 20 000 F, d'une part, et de 2 300 F et 3 800 F, d'autre part, portés respectivement le 9 février 1983 et le 24 novembre 1983 au crédit du compte ouvert au nom de son fils à la Caisse d'Epargne de Dieppe proviennent de retraits qu'il aurait effectués sur ses comptes ouverts à la Société Générale, il n'assortit cette affirmation d'aucune pièce justificative ;
Considérant, en second lieu, que si le requérant soutient que la somme de 75 000 F se décomposant en deux sommes de 20 000 F et une somme de 35 000 F qu'il a versées le 7 mars 1984 sur trois comptes ouverts à la Caisse d'Epargne, provenait de retrait d'espèces de 95 000 F effectué sur un de ses comptes ouverts à la Société Générale le 23 décembre 1983, il n'apporte aucun élément établissant une quelconque corrélation entre les versements du 7 mars 1984 et le retrait effectué à la fin de l'année précédente alors que d'autres retraits d'espèces ont été effectués dans l'intervalle ;
Considérant, enfin, que le requérant admet ne pouvoir apporter aucune justification sur un virement de 100 000 F du 22 mars 1983 sur son compte ouvert à la Société Générale n 36 7051 15 ;
En ce qui concerne le solde créditeur de la balance des espèces :
Considérant que M. Y... soutient que les dépôts d'espèces constatés par le vérificateur en 1983 auprès de M. X..., directeur de la banque nordique Manufacturers Hanover proviennent de prélèvements sur ses comptes bancaires, d'intérêts réinvestis, d'une avance d'un tiers et de bons de caisse ;
Considérant, en premier lieu, que le requérant se borne à faire état de prélèvements sur ses comptes ouverts à la Caisse d'Epargne, de 20 000 F, de 40 000 F et de 30 000 F en indiquant qu'il en a rapporté l'origine et qu'il ignore le motif de l'absence de prise en compte de ces sommes ; que, contrairement à ce que l'intéressé soutient, le tribunal administratif a clairement indiqué dans le jugement attaqué qu'aucun justificatif n'avait été apporté de nature à établir que lesdites sommes ne devaient pas être prises en compte dans les disponibilités dégagées ; qu'en appel, le contribuable n'apporte pas davantage d'élément sur lesdits prélèvements ;
Considérant, en deuxième lieu, que le requérant soutient qu'une somme de 125 000 F correspondrait au réinvestissement des intérêts produits par les placements de fonds effectués par M. X... ; qu'à l'appui de cette affirmation, il invoque l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 16 décembre 1985 statuant sur les délits commis par M. X... et qui indique que le prévenu effectuait le réinvestissement des profits découlant des opérations qu'il avait exécutées pour le compte des personnes qui lui avaient remis des fonds ; que cette seule constatation de nature tout à fait générale ne saurait, en tout état de cause, établir que la somme de 125 000 F représenterait des intérêts qui étaient acquis au requérant au titre de l'année 1983 alors qu'il avait lui-même indiqué, lors de son audition par un officier de police judiciaire, comme l'atteste les mentions du procès-verbal établi le 12 avril 1984, ne pas avoir connaissance des montants des intérêts qui auraient été capitalisés ;
Considérant, en troisième lieu, que M. Y... fait valoir que le financement des versements effectués auprès de M. X... a été fait, à concurrence de 347 000 F par la réalisation, au cours de l'année 1983, de bons de caisse souscrits antérieurement ; que, toutefois, les attestations formulées en termes généraux émanant de la Société Générale et du Crédit agricole n'établissent pas les faits allégués ; que le certificat produit et relatif à une opération de remboursement de bons effectuée en 1987 ne saurait davantage établir la réalité de l'opération invoquée par le requérant ;
Considérant, enfin, que s'agissant de la somme de 100 000 F qui représente une avance effectuée pour le compte de M. Z..., ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, l'administration a admis, en cours d'instance devant les premiers juges, les justifications de l'intéressé ; que les conclusions de M. Y... sont, sur ce point, sans objet ;
Sur les pénalités :
Considérant que M. Y... conteste l'application des pénalités de mauvaise foi au titre de l'année 1984 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a prononcé, en cours d'instance devant le tribunal administratif, un dégrèvement de 18 766 F au titre des pénalités assignées au contribuable pour l'année 1984 qui correspond à la substitution de l'intérêt de retard à la majoration pour absence de bonne foi initialement assignée ; que les conclusions du requérant sont également sur ce point sans objet ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen n'a pas fait entièrement droit à sa demande ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais sur le fondement de l'article R.207-1 du livre des procédures fiscales :
Considérant que le requérant n'établit pas que la présente procédure a donné lieu à des frais limitativement énumérés à l'article R.207-1 du livre des procédures fiscales ; qu'à supposer que le requérant puisse être regardé comme ayant invoqué en réalité les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sa demande qui n'est pas chiffrée est, en tout état de cause, irrecevable ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.