Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 16 mai 1995, présenté par le ministre du budget ;
Le ministre du budget demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-901 en date du 24 janvier 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à M. X... la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1988 ;
2 ) de décider que M. X... sera rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 1988, à raison de la totalité de la cotisation supplémentaire, droits et pénalités d'assiette, initialement mise à sa charge ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 1998 :
- le rapport de M. GRANGE, conseiller,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs : "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations" ; que ces dispositions impliquent qu'un délai suffisant soit effectivement accordé aux parties, à compter de la réception de l'avis, pour qu'elles puissent utilement présenter leurs observations ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le Tribunal administratif de Nantes a fondé sa décision sur un moyen d'ordre public qu'il avait entendu soulever d'office et tiré de ce que les dispositions de l'article 202 bis du code général des impôts ne seraient pas applicables au requérant ; que la lettre par laquelle il a informé les parties de son intention de soulever un tel moyen, et qui fixait un délai de cinq jours à partir de sa réception pour présenter des observations, a été reçue par le directeur des services fiscaux le 19 décembre 1994 alors que l'audience du tribunal a eu lieu le 20 décembre 1994 ; qu'en raison de l'impossibilité matérielle dans laquelle l'administration s'est trouvée ainsi placée de présenter utilement des observations sur ce moyen, dans le délai qui lui était imparti, le ministre du budget est fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices non commerciaux : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession. Sous réserve des dispositions de l'article 151 sexies, il tient compte des gains ou pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle ... ; 1ter. Les agents généraux d'assurance et leurs sous-agents peuvent demander que le revenu imposable provenant des commissions versées par les compagnies qu'ils représentent, ès qualité, soit déterminé selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ..." ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts : "Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait ou de l'évaluation administrative sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691 ..." ; et qu'aux termes de l'article 202 bis du même code dans sa rédaction applicable en 1988 : "En cas de cession ou de cessation de l'entreprise, les plus-values mentionnées à l'article 151 septies ne sont exonérées que si les recettes de l'année de réalisation, ramenées le cas échéant à douze mois, et celles de l'année précédente ne dépassent pas les limites de l'évaluation administrative ou du forfait" ; que, toutefois l'administration admet que le seuil d'exonération, porté au double des limites de l'évaluation administrative par l'article 202 bis du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 16-II-1 de la loi de finances rectificative pour 1989, soit appliqué pour les plus-values réalisées en 1988 ; qu'il est constant qu'en l'espèce le ministre et le contribuable placent le litige sur le terrain de la loi fiscale ainsi interprétée par l'administration ;
Considérant, d'une part, que, lorsqu'un agent d'assurances a exercé l'option prévue par les dispositions du 1 ter de l'article 93 du code général des impôts, les revenus qu'il perçoit dans l'exercice de cette activité ne cessent pas de relever de la catégorie des bénéfices des professions non commerciales ; que, par ailleurs, la circonstance que le revenu imposable provenant des commissions que perçoit un tel agent soit déterminé selon les règles prévues en matière de traitements et salaires est sans incidence sur l'imposition des plus-values qu'il réalise en cours ou en fin d'activité ;
Considérant, d'autre part, que, dans le cas d'un agent d'assurances cessant son activité en cours d'année, il y a lieu, pour déterminer si la limite d'exonération de la plus-value alors réalisée est ou non franchie, de ramener le chiffre d'affaires constaté entre le 1er janvier et la date de réalisation à une valeur annuelle calculée au prorata des jours écoulés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X..., qui exerçait l'activité d'agent général d'assurances, et qui avait opté pour le régime d'imposition des commissions prévu à l'article 93-1 ter précité du code général des impôts, a réalisé en 1988, à l'occasion de la cessation de son activité intervenue le 31 mars, une plus-value d'un montant net non contesté de 289 460 F résultant de la cession de son portefeuille ; que les recettes qu'il a perçues du 1er janvier au 31 mars 1988, ramenées à douze mois, se sont élevées à 420 841 F ; qu'elles excèdent ainsi, en tout état de cause, le seuil d'exonération prévu par l'article 202 bis du code général des impôts, seuil qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne s'applique pas à la moyenne des recettes calculée sur deux années, mais aux recettes de chaque année de référence ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a considéré que la plus-value dont il s'agit était imposable en tant que bénéfice non commercial selon des modalités qui ne sont pas par elles-mêmes contestées ; que le moyen tiré de ce que l'imposition serait inéquitable et injuste selon les dates de cession est inopérant ; que la demande de M. X... doit, dès lors, être rejetée ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que M. X... succombe dans la présente instance ; que ses conclusions tendant au remboursement des sommes qu'il a exposées et non comprises dans les dépens ne peuvent, dès lors, en tout état de cause, en vertu de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qu'être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 24 janvier 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : M. X... est rétabli au rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1988 à raison de l'intégralité de la cotisation supplémentaire initialement mise à sa charge et des pénalités d'assiette dont elle a été assortie.
Article 4 : Les conclusions de M. X... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. X....