Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 mars 1995, présentée pour la commune de Saint-Yvi (Finistère), par la société civile professionnelle d'avocats au barreau de Rennes DRUAIS - DOUCET - MICHEL ;
La commune de Saint-Yvi demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-1862 du 25 janvier 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la société "Groupe populaire d'assurances" la somme de 165 491 F et a rejeté son appel en garantie contre le service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère ;
2 ) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société "Groupe populaire d'assurances" devant le Tribunal administratif de Rennes et de la condamner à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3 ) à titre subsidiaire, de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Finistère à la garantir des condamnations prononcées contre elle et de condamner cet établissement public à lui verser la somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ;
Vu le code des communes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 1997 :
- le rapport de M. MARGUERON, conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat au barreau de Rennes, représentant la commune de Saint-Yvi,
- les observations de Me A..., avocat au barreau de Quimper, représentant la société "Groupe populaire d'assurances",
- les observations de Me X..., avocat au barreau de Rennes, représentant le service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère,
- et les conclusions de Mme DEVILLERS, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 10 juin 1989, les sapeurs-pompiers du centre de secours de Rosporden, lequel dépend du service dé-partemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère, sont intervenus à la demande du maire de Saint-Yvi pour détruire un essaim d'abeilles qui se trouvait dans un conduit de cheminée sur le toit du pavillon de M. et Mme Z... ; que l'introduction à l'intérieur de ce conduit, qui débouchait, en réalité, dans les combles de la maison, d'un bâton de soufre enflammé a provoqué l'incendie de la toiture et de la charpente de la construction ; que la commune de Saint-Yvi fait appel du jugement en date du 25 janvier 1995 par lequel le Tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la société "Groupe populaire d'assurances", assureur de M. et Mme Z..., qui a indemnisé ces derniers des dommages subis à l'occasion du sinistre, la somme de 165 491 F en réparation de ces dommages et a rejeté ses conclusions tendant à être garantie par le service départemental d'incendie et de secours du Finistère ;
Sur la responsabilité de la commune de Saint-Yvi :
Considérant qu'aux termes de l'article L.131-2 du code des communes, alors applicable : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : ...6 Le soin de pré-venir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ... de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours ..." ;
Considérant que l'emploi par les sapeurs-pompiers d'un bâton de soufre enflammé pour détruire l'essaim d'abeilles, sans qu'ils aient, au préalable et alors qu'aucune urgence ne les en empêchait, vérifié la configuration des lieux à l'intérieur du pavillon et, notamment, sans qu'ils se soient assurés du raccordement du conduit dans lequel s'est effectuée leur intervention, a constitué une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune de Saint-Yvi à l'égard de la société "Groupe populaire d'assurances" ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que M. Z..., qui était présent sur les lieux lors de l'intervention des sapeurs-pompiers et, pour avoir fait édifier la maison, savait que l'un des conduits situé sur le toit débouchait dans les combles, n'a pas signalé cette particularité ; qu'en s'étant ainsi abstenu de le faire, il a commis lui-même une faute de nature à exonérer la commune de la moitié de sa responsabilité ; qu'il suit de là que le montant de l'indemnité que la commune de Saint-Yvi a été condamnée, outre intérêts, à verser à la société "Groupe populaire d'assurances" par le jugement attaqué doit être ramené à la somme de 82 745,50 F ;
Sur l'appel en garantie dirigé par la commune de Saint-Yvi contre le service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère :
Considérant qu'aux termes de l'article 91 de la loi du 7 janvier 1983 susvisée, alors applicable : " ...les communes sont civilement responsables des dom-mages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est diminuée à due concurrence. - La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit par la commune, soit par la victime du dommage ..." ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une commune peut demander à être garantie des condamnations mises à sa charge en conséquence d'agissements fautifs commis par les agents du service départemental d'incendie et de secours à l'occasion d'une intervention qui relève de la police municipale et qui a été sollicitée par la commune, alors même que ces agents sont intervenus rapidement et avec des moyens adaptés, sans transgresser ou méconnaître les instructions éventuellement données par le maire ;
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, les dommages dont la réparation incombe à la commune de Saint-Yvi ont été provoqués par les agissements fautifs commis lors du déroulement de leur intervention par les agents du service départemental d'incendie et de secours du Finistère ; que, dans les circonstances de l'espèce, ces dommages doivent être regardés comme entièrement imputables à ladite faute ; que, dès lors, la commune est fondée, en application des dispositions précitées de l'article 91 de la loi du 7 janvier 1983, à demander à être garantie par l'établissement public en cause de la totalité des condamnations prononcée à son encontre ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Yvi est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé et n'est pas entaché de contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Rennes a, d'une part, entièrement fait droit à la demande d'indemnité présentée par la société "Groupe populaire d'assurances", d'autre part, rejeté ses conclusions tendant à être garantie par le service départemental d'incendie et de secours du Finistère des condamnations prononcées à son encontre et, par suite, à demander la réformation de l'article 1er du jugement et l'annulation de son article 3 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le service départemental d'incendie et de secours du Finistère et la société "Groupe populaire d'assurances" succombent dans la présente instance ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce qu'ils puissent bénéficier du remboursement des frais qu'ils ont exposés ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, de les condamner à verser chacun à la commune de Saint-Yvi la som-me de 4 000 F ;
Article 1er : L'indemnité que la commune de Saint-Yvi a été condamnée à verser à la société "Groupe populaire d'assurances" par le jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 25 janvier 1995 est ramenée à la somme de quatre vingt deux mille sept cent quarante cinq francs cinquante centimes (82 745,50 F).
Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 25 janvier 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère garantira la commune de Saint-Yvi de la totalité des condamnations prononcées à son encontre.
Article 4 : L'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Rennes en date du 25 janvier 1995 est annulé.
Article 5 : Le service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère et la société "Groupe populaire d'assurances" verseront chacun à la commune de Saint-Yvi la somme de quatre mille francs (4 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Saint-Yvi ainsi que les conclusions du service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère et de la société "Groupe populaire d'assurances" tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetés.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Yvi, au service départemental d'incendie et de secours (S.D.I.S) du Finistère, à la société "Groupe populaire d'assurances" et au ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.