Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 9 novembre 1995, présenté par le Ministre de l'économie et des finances ;
Le Ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 91-2772 du 13 juillet 1995 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à M. Jean-Patrick Y... la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 ;
2 ) de remettre intégralement le complément d'imposition contesté à la charge de M. Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 février 1997 :
- le rapport de Mme HELMHOLTZ, président-rapporteur,
- les observations de Me DREVES, avocat de M. Y...,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : "Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu" ;
Considérant que les sommes versées à un salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la mesure où elles ne réparent pas un préjudice autre que celui résultant pour ce salarié de la perte de son revenu ;
Considérant que, dans le cadre d'un plan de réduction des effectifs de son établissement de Tréguier, la société "CIT-ALCATEL" a versé en 1987 à M. X... une indemnité de licenciement de 205 000 F ; que, si l'administration a exclu des bases d'imposition du contribuable, outre l'indemnité conventionnelle de 33 165 F, une somme de 50 000 F représentative de dommages et intérêts pour tenir compte des difficultés de reclassement professionnel ainsi que du préjudice moral subi par l'intéressé, elle a regardé le surplus, soit 121 835 F, comme représentatif de salaires soumis à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le plan social de l'établissement de Tréguier prévoyait que la diminution importante des effectifs de cet établissement s'accompagnerait de mesures destinées à limiter les conséquences prévisibles de la rupture du contrat de travail des salariés licenciés ; que l'indemnité définie dans le cadre de ce plan, laquelle en dehors de la part conventionnelle, n'a pas été fixée en fonction du salaire antérieurement perçu par les intéressés, a eu pour objet de compenser le préjudice résultant du départ de l'entreprise que chacun des salariés avait accepté dans des conditions particulièrement difficiles compte tenu, à la fois, de sa qualification et de la situation du marché du travail dans une région offrant des possibilités d'emplois limitées ; qu'eu égard à ces différentes circonstances, l'indemnité litigieuse doit être regardée comme réparant en totalité un préjudice autre que la seule perte de revenus consécutive à la rupture du contrat de travail ; qu'ayant, ainsi, le caractère de dommages et intérêts, la somme de 205 000 F versée à M. Y... n'était pas soumise à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a accordé à M. Y... la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987 ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner l'Etat à payer à M. Y... une somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du Ministre de l'économie et des finances est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. Y... une somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. Y... au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Ministre de l'économie et des finances et à M. Y....