Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 7 février 1996, sous le n 96NT00186, présentée pour Mme Yolande X..., demeurant "Les Jardins de Hutret", 50440 Sainte-Croix-Hague, par Me Y..., avocat au barreau de Cherbourg ;
Mme X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 93-1559 du 5 décembre 1995 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1987 ;
2 ) de prononcer la décharge des compléments d'imposition contestés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 1996 :
- le rapport de Mme HELMHOLTZ, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. AUBERT, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : "Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu" ;
Considérant que les sommes versées à un salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la mesure où elles ne réparent pas un préjudice autre que celui résultant pour ce salarié de la perte de son revenu ;
Considérant que, dans le cadre d'un plan de réduction des effectifs de son établissement de Cherbourg-Querqueville (Manche), la société "CIT-ALCATEL" a versé en 1987 à Mme X... une indemnité de départ volontaire d'un montant de 150 000 F ; que, si l'administration a exclu des bases d'imposition de la requérante, outre l'indemnité conventionnelle de 13 450 F, une somme de 25 000 F représentative de dommages et intérêts pour tenir compte des difficultés de reclassement professionnel ainsi que du préjudice moral subi par l'intéressée, elle a regardé le surplus, soit 111 550 F, comme représentatif de salaires soumis à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le plan social de l'établissement de Cherbourg-Querqueville prévoyait que la diminution importante des effectifs de cet établissement s'accompagnerait de mesures destinées à limiter les conséquences prévisibles de la rupture du contrat de travail des salariés licenciés ; que l'indemnité définie dans le cadre de ce plan, laquelle, en dehors de la part conventionnelle, n'a pas été fixée en fonction du salaire antérieurement perçu par les intéressés, a eu pour objet de compenser le préjudice résultant du départ de l'entreprise que chacun des salariés avait accepté dans des conditions particulièrement difficiles compte tenu, à la fois, de sa faible qualification et de la situation du marché du travail dans une région offrant des possibilités d'emplois limitées ; qu'eu égard à ces différentes circonstances, l'indemnité litigieuse doit être regardée comme réparant en totalité un préjudice autre que la seule perte de revenus consécutive à la rupture du contrat de travail ; qu'ayant, ainsi, le caractère de dommages et intérêts, la somme de 150 000 F versée à Mme X... n'était pas soumise à l'impôt sur le revenu ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande de décharge ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Caen, en date du 5 décembre 1995, est annulé.
Article 2 : Mme X... est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1987.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X... et au ministre de l'économie et des finances.