Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juin et 25 juin 1993, présentés pour M. Bernard X..., demeurant ... à La Tranche Sur Mer (Vendée), par Me Rossinyol, avocat ;
M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement, en date du 20 avril 1993, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;
2 ) de lui accorder la décharge de l'imposition contestée ;
3 ) de prononcer, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi, le sursis à exécution de l'imposition et du jugement contestés ;
4 ) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 1995 :
- le rapport de M. Grangé, conseiller,
- les observations de Me Y..., se substituant à Me Rossinyol, avocat de M. X...,
- et les conclusions de M. Isaia, commissaire du gouvernement,
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision en date du 13 septembre 1993, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de la Vendée a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme de 115 202 F, des pénalités dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu assignée à M. X... au titre de l'année 1981 ; que les conclusions de la requête de M. X... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure de vérification :
Considérant qu'aux termes de l'article L.47 du livre des procédures fiscales : " ...une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification, et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ..." ;
Considérant qu'il est constant que la vérification de comptabilité de la discothèque-night-club que M. X... exploite à La Tranche Sur Mer (Vendée) a été précédée d'un avis conforme aux prescriptions de l'article L.47 précité du livre des procédures fiscales, et que la première intervention du vérificateur s'est effectuée dans l'entreprise elle-même ; qu'aucune disposition du code général des impôts n'oblige l'Administration à avertir le contribuable de la date des interventions ultérieures ; que le requérant n'établit pas que le caractère inopiné de ces interventions l'ait empêché en fait d'user de la faculté légale dont il dispose de se faire assister d'un conseil de son choix ; que s'il soutient, pour la première fois en appel, qu'hormis la première intervention sur place, le contrôle s'est poursuivi à son domicile sans qu'il l'ait expressément autorisé, il n'est pas établi que ce transport ait été effectué contre son gré ; que ni la circonstance qu'au cours de la vérification le vérificateur ait adressé une demande écrite d'informations, ni celle qu'il n'aurait pas été donné suite à la demande du contribuable de saisir les supérieurs hiérarchiques du vérificateur ne suffisent à établir que le contribuable aurait été privé des possibilités de débat oral et contradictoire ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les charges réintégrées :
Considérant que le vérificateur a réintégré aux résultats trois factures de restaurant de 690 F, 976 F et 4 006 F ; que le ministre fait valoir que les pièces justificatives de ces dépenses n'étaient pas libellées au nom de l'entreprise et que l'exploitant n'a produit aucune explication de nature à démontrer que les charges en cause auraient été engagées dans l'intérêt de l'exploitation ; que toutefois, s'agissant d'un exploitant individuel, la seule circonstance que des factures, dont il est constant qu'elles étaient régulièrement inscrites en comptabilité, étaient établies au nom de celui-ci, ne suffit pas à elle seule dénier tout caractère déductible à ces factures ; que le requérant soutient, sans être contredit sur ce point, que ces dépenses sont représentatives de repas offerts au personnel au début, au milieu et à la fin de la haute saison d'été pour le motiver ; qu'ainsi, le requérant doit être regardé avoir apporté la preuve, qui lui incombe, que les dépenses en cause ont été exposées dans l'intérêt de l'exploitation ;
En ce qui concerne la plus-value de réévaluation du fonds de commerce :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 octodecies du code général des impôts : "I. Les contribuables qui exercent pour la première fois l'option pour le régime simplifié prévue à l'article 267 septies A de l'annexe II au présent code peuvent constater en franchise d'impôt les plus-values acquises, à la date de prise d'effet de cette option, par les éléments non amortissables de leur actif immobilisé. Cette constatation doit être faite en comptabilité au plus tard à la clôture du premier exercice pour lequel l'entreprise se trouve soumise au régime simplifié ..." ;
Considérant, en premier lieu, qu'en procédant à la révision de la valeur comptable de son fonds de commerce en 1981, M. X... a pris une décision qui lui est opposable et dont l'Administration était en droit de tirer les conséquences fiscales ; qu'il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires du contribuable a dépassé pour la première fois en 1980 les limites du forfait ; qu'à la date du 18 décembre 1980 à laquelle il a exercé l'option en faveur du régime réel simplifié, le contribuable était au nombre de ceux à qui cette option était ouverte ; que la circonstances que pour l'exercice 1981 il se soit trouvé placé de plein droit, du fait du montant du chiffre d'affaires de cet exercice, sous le régime d'imposition au bénéfice réel simplifié, n'a pas pu avoir pour effet, en l'absence d'un texte le prévoyant expressément, de le priver du bénéfice de l'avantage que l'article 39 octodecies précité du code attache à l'option qu'il avait régulièrement exercée ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, pour établir que l'écart de réévaluation comptabilisé de 1 189 000 F, ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 39 octodecies du code général des impôts qu'à hauteur de 475 600 F, l'Administration a estimé que la valeur réelle du fonds au 1er janvier 1981 n'excédait pas 486 000 F au lieu de 1 200 000 F ; qu'elle s'est fondée sur une évaluation de la valeur du fonds représentant 55 % du chiffre d'affaires moyen des trois dernières années, obtenue par comparaison avec quatre ventes d'établissements semblables intervenues entre 1979 et 1985 dans les environs ; qu'elle a toutefois porté, après avis de la Commission départementale, son évaluation initiale de 268 000 F à 486 000 F ; que le requérant se borne à critiquer la pertinence des choix de référence opérés par l'Administration en soutenant que deux de ces établissements sont situés en zone rurale, que le prix de vente du troisième est manifestement sous-évalué, que le quatrième établissement ne serait pas de même nature que le sien et enfin, sans toutefois l'établir, que sa propre évaluation inscrite en comptabilité, résulterait d'une méthode admise par l'Administration ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à justifier sa propre évaluation ; qu'il ne peut être ainsi regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe à raison de la procédure utilisée, de l'exagération de la base d'imposition ainsi retenue ;
Considérant il est vrai, en troisième lieu, que M. X... entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L80 A du livre des procédures fiscales, d'une instruction administrative n 4G-5-79 du 31 mai 1979 qui demande aux services de "s'abstenir de taxer les plus-values de réévaluation dégagées en franchise d'impôt par suite d'une application erronée des dispositions de l'article 39 octodecies I du code général des impôts ..." ; que toutefois cette disposition ne contient aucune interprétation de texte fiscale dont le contribuable aurait pu faire application ; qu'il ne peut donc s'en prévaloir ;
Sur les pénalités :
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, l'Administration a substitué les intérêts de retard aux pénalités initialement appliqués ; que, les intérêts de retard étant dus de plein droit et ne constituant pas une sanction, le moyen tiré de ce que les pénalités n'auraient pas été motivées devient inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est seulement fondé à demander que la base de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1981 soit réduite de 5 672 F ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre du budget, des conclusions tendant à l'allocation de sommes au titre de l'article L.8.1 précité du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel peuvent être présentées en tout état de la procédure et pour la première fois en appel ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 4 000 F au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er - A concurrence d'une somme de cent quinze mille deux cent deux francs (115 202 F) en ce qui concerne les pénalités dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu assignée à M. X... au titre de l'année 1981, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X....
Article 2 - Les bases de l'impôt sur le revenu auquel M. X... a été assujetti au titre de l'année 1981 sont réduites de cinq mille six cent soixante douze francs (5 672 F).
Article 3 - M. X... est déchargé de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti et celle qui résulte de l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 - Le jugement du tribunal administratif de Nantes en date du 20 avril 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 - L'Etat (ministre du budget) versera une somme de quatre mille francs (4 000 F) à M. X... au titre de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 7 - Le présent arrêt sera notifié à M. X... et au ministre du budget.