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20/01/1993 | FRANCE | N°91NT00460

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1e chambre, 20 janvier 1993, 91NT00460


VU la requête et le mémoire complémentaire enregistrés le 27 juin et 30 octobre 1991 sous le numéro 91NT00460, présentés pour la COMMUNE DE MARTINVAST (Manche) représentée par son maire, à ce dûment autorisé par délibération du Conseil Municipal en date du 5 juillet 1991, par Maître X..., avocat au Conseil d'Etat à la Cour de cassation ;
La COMMUNE DE MARTINVAST demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 5 mars 1991, par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamnée, solidairement avec le département de la Manche, à réparer les conséquence

s dommageables de l'accident subi par Mme Y... le 21 novembre 1986, à payer ...

VU la requête et le mémoire complémentaire enregistrés le 27 juin et 30 octobre 1991 sous le numéro 91NT00460, présentés pour la COMMUNE DE MARTINVAST (Manche) représentée par son maire, à ce dûment autorisé par délibération du Conseil Municipal en date du 5 juillet 1991, par Maître X..., avocat au Conseil d'Etat à la Cour de cassation ;
La COMMUNE DE MARTINVAST demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 5 mars 1991, par lequel le Tribunal administratif de Caen l'a condamnée, solidairement avec le département de la Manche, à réparer les conséquences dommageables de l'accident subi par Mme Y... le 21 novembre 1986, à payer les frais d'expertise et à garantir le département de la Manche à hauteur de 40 % des sommes mises à leur charge ;
2°) de rejeter les demandes formées devant le Tribunal administratif de Caen par les époux Y..., la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche et la Compagnie Mutuelles du Mans ;
3°) subsidiairement de condamner le département de la Manche à la garantir entièrement des sommes susceptibles d'être mises à sa charge ;
4°) de réduire le montant des indemnités accordées ;
5°) de condamner les époux Y..., la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche, le département de la Manche et la Compagnie Mutuelles du Mans aux dépens comprenant les frais d'expertise ;
6°) de condamner in solidum les époux Y..., le département de la Manche, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche et les Mutuelles du Mans à lui verser une somme de 15 000 F sur le fondement de l'article R 222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi du 28 pluviose au VIII ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 1993 :
- le rapport de M. GRANGE, conseiller,
- les observations de Maître DAVY, avocat de la Compagnie Mutuelles du Mans et de Maître Z..., se substituant à Maître VINCENT, avocat de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche,
- et les conclusions de M. CHAMARD, commissaire du gouvernement,

Sur l'appel principal de la COMMUNE DE MARTINVAST :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 21 novembre 1986 Mme Y... a perdu le contrôle de son véhicule en circulant sur la route départementale 900 du département de la Manche sur le territoire de la COMMUNE DE MARTINVAST ; que l'accident a été provoqué par la présence, dans un virage, d'un écoulement d'eau provenant du débordement d'un fossé longeant la voie ; que l'écoulement normal de l'eau dans le fossé était perturbé par l'obstruction d'une canalisation permettant de franchir un chemin communal qui se raccordait à la route ; que cette canalisation étant incorporée à la voie en constituait une dépendance nécessaire ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la victime avait la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage ;
Considérant que le débordement du fossé est imputable aux travaux d'entretien des accotements de la route départementale qui étaient alors en cours, et qui ont contribué à obstruer la canalisation dont s'agit ; que si le phénomène est apparu peu de temps avant l'accident, il est constant que les agents du département qui se trouvaient sur les lieux n'ont pris aucune mesure d'urgence pour informer les usagers d'un tel danger ; que ces circonstances révèlent un défaut d'entretien normal de la route départementale ; qu'en revanche, si la commune avait la charge d'entretenir la canalisation, il est constant qu'elle n'a pu, en raison du caractère soudain du débordement, intervenir utilement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de la canalisation aurait fait obstacle, antérieurement aux travaux dont s'agit, à l'écoulement normal des eaux ; que, dès lors, la commune établit l'entretien normal de l'ouvrage lui appartenant ; qu'il suit de là que seul le département de la Manche doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident ; que la COMMUNE DE MARTINVAST est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée, solidairement avec le département de la Manche, à réparer les conséquences dommageables de l'accident ;
Sur l'appel provoqué du département de la Manche :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme Y... ait commis une imprudence ou une maladresse de nature à exonérer en tout ou partie le département de sa responsabilité ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonné par les premiers juges, que les blessures de Mme Y..., âgée de 27 ans au jour de l'accident, ont été consolidées le 21 novembre 1987 ; que cet accident a provoqué une incapacité permanente partielle de 15 %, un préjudice esthétique qualifié de très léger, des souffrances physiques qualifiées de moyennes ainsi qu'un certain préjudice d'usage dans les activités ménagères courantes ;

Considérant que pour évaluer le montant global de l'indemnité qui doit être mise à la charge du département de la Manche, il y a lieu, non pas d'additionner, comme l'a fait à tort le tribunal administratif, les créances respectives de Mme Y... et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche, les prestations de cette dernière étant calculées en fonction des règles propres à la législation des accidents du travail, mais d'évaluer, selon les règles du droit commun, le préjudice de la victime et de déterminer la part de celui-ci sur laquelle la Caisse de sécurité sociale peut exercer son recours ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation des troubles réparant le préjudice esthétique et les souffrances endurées, en fixant l'indemnisation due de ce chef à 40 000 F ; qu'il y a lieu d'ajouter à cette somme celle de 54 008,55 F correspondant aux frais médicaux, pharmaceutiques, de transport et d'hospitalisation pris en charge par la Caisse Primaire pendant la période écoulée jusqu'à la date de consolidation, ainsi qu'une somme de 67 554,19 F correspondant aux indemnités journalières servies par la caisse pendant la même période ; que les troubles dans les conditions d'existence résultant d'une incapacité permanente partielle de 15 % seront équitablement réparés par une indemnité de 75 000 F dont 20 000 F représentent les troubles non physiologiques ; que la nécessité d'avoir partiellement recours à une aide ménagère peut être compensée par une indemnité de 15 000 F ; qu'ainsi la réparation du préjudice corporel global qui doit être mise à la charge du département de la Manche doit être fixée à 251 562,74 F ; qu'en outre le département sera tenu seul au remboursement des autres chefs de préjudice retenus par le tribunal ;
Sur les droits de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche :
Considérant qu'aux termes de l'article L 454-1, alinéa 3 du code de la sécurité sociale applicable aux accidents du travail : "Si la responsabilité du tiers auteur de l'accident est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et du préjudice esthétique et d'agrément ..." ; que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'indemnité destinée à compenser la nécessité d'avoir recours à une aide ménagère ne présente pas le caractère d'un préjudice personnel sur lequel la Caisse de sécurité sociale ne pourrait exercer ses droits ;

Considérant que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche a droit, dans les limites ainsi indiquées, au remboursement, d'une part, des indemnités journalières, des prestations en nature et des arrérages échus au 15 décembre 1991 - dernière date à laquelle la caisse a indiqué ce montant - de la rente versée à Mme Y..., et d'autre part, à défaut d'accord du tiers responsable pour le paiement d'un capital représentatif de la rente qu'elle verse, au remboursement le cas échéant, au fur et à mesure de leurs échéances, des arrérages d'une rente, déterminée par application des barèmes fixant le capital représentatif d'une rente d'accident du travail, dont le capital constitutif ne peut être supérieur à la différence entre la part d'indemnité mise à la charge du département de la Manche sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse et le montant des sommes versées par la caisse le 15 décembre 1991 ;
Considérant que la part d'indemnité sur laquelle la Caisse de sécurité sociale est admise à exercer ses droits s'élève, en l'espèce, à la somme de 191 562,74 F ; que la Caisse Primaire justifie de débours s'élevant à 121 562,74 F au titre des indemnités journalières et des prestations en nature et à 78 467,36 F au titre des arrérages échus au 15 décembre 1991 de la rente d'accident du travail qu'elle verse à Mme Y..., soit au total 200 030,10 F ; que sa demande ne peut être accueillie qu'à hauteur de la somme de 191 562,74 F comme il a été dit ci-dessus ;
Sur les droits de Mme Y... :
Considérant que les droits de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche ci-dessus déterminés absorbant l'intégralité de la somme de 191 562,74 F sur laquelle peut s'exercer la créance de la Caisse, l'indemnité devant être versée à Mme Y... au titre de ses préjudices corporels et matériels doit être fixée à 61 815 F ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise à la charge du département de la Manche ;
Sur l'appel en garantie du département de la Manche dirigé contre la COMMUNE DE MARTINVAST :
Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, la COMMUNE DE MARTINVAST n'a aucune responsabilité dans l'accident ; que par suite l'appel en garantie du département doit être rejeté ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE MARTINVAST et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche tendant à l'application de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner le département de la Manche à payer à la COMMUNE DE MARTINVAST une somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il n'y a pas lieu de condamner le département de la Manche à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er - Le jugement en date du 5 mars 1991 du Tribunal administratif de Caen est annulé en tant qu'il porte condamnation de la COMMUNE DE MARTINVAST.
Article 2 - Le département de la Manche est condamné à verser à Mme Y... une somme de soixante et un mille huit cent quinze francs (61 815 F).
Article 3 - Le département de la Manche versera à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche la somme de cent quatre vingt onze mille cinq cent soixante deux francs soixante quatorze centimes (191 562,74 F).
Article 4 - L'article 7 du jugement du Tribunal administratif de Caen en date du 5 mars 1991 est annulé.
Article 5 - Le surplus du jugement du Tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 - Le département de la Manche versera à la COMMUNE DE MARTINVAST une somme de cinq mille francs (5 000 F) au titre de l'article L 8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 7 - Les conclusions de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Manche ainsi que le surplus des conclusions de Mme Y... et du département de la Manche sont rejetés.
Article 8 - Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MARTINVAST, au département de la Manche, à Mme Y..., à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91NT00460
Date de la décision : 20/01/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOURUE DU FAIT DE L'EXECUTION - DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRAVAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RECOURS OUVERTS AUX DEBITEURS DE L'INDEMNITE - AUX ASSUREURS DE LA VICTIME ET AUX CAISSES DE SECURITE SOCIALE - DROITS DES CAISSES DE SECURITE SOCIALE - IMPUTATION DES DROITS A REMBOURSEMENT DE LA CAISSE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GRANGE
Rapporteur public ?: M. CHAMARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1993-01-20;91nt00460 ?
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