VU la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 12 janvier et 22 janvier 1990, présentés pour la société VEZIN, dont le siège est au lieudit "Le Croisy", 44700 Orvault, représentée par son président directeur général, par Me Y..., avocat ;
La société VEZIN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 octobre 1989 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Nantes soit condamnée à lui verser une somme de 1 million de francs du fait des sujétions imprévues rencontrées par l'entreprise sous-traitante Solétanche lors des travaux d'extension de la Médiathèque et du parc de stationnement voisin ;
2°) de condamner la ville de Nantes à lui verser cette indemnité, avec intérêts et capitalisation de ces intérêts, ainsi qu'à lui rembourser les frais et dépens de première instance et d'appel ; VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des marchés publics ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 1992 :
- le rapport de M. DUPOUY, conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me MERAND, avocat de la société VEZIN, de Me REVEAU, avocat de la ville de Nantes,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Nantes ;
Au fond :
Considérant que, par acte signé le 16 novembre 1981, la société VEZIN s'est engagée, sans réserve et conformément aux stipulations des documents contractuels, à exécuter pour le compte de la ville de Nantes les travaux de gros-oeuvre nécessités par l'extension de la Médiathèque, moyennant un prix global et forfaitaire de 3 708 380 F toutes taxes comprises ; qu'elle a chargé une entreprise sous-traitante, la société Solétanche, de réaliser les fondations selon une technique différente de celle qui avait été prévue au marché ; que pour demander la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des dépenses supplémentaires entraînées par les difficultés rencontrées au cours de l'exécution des travaux de fondations et qu'elle a été condamnée devant les tribunaux judiciaires à rembourser à son sous-traitant, la société requérante soutient que ces difficultés, tenant à la consistance hétérogène du terrain, étaient imprévisibles et ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;
Considérant qu'il ressort de l'examen des documents contractuels, et notamment du cahier des clauses techniques particulières, que les renseignements géologiques communiqués par la ville de Nantes préalablement à la conclusion du marché révélaient la présence dans le sous-sol d'ouvrages appartenant à la S.N.C.F., de vestiges d'anciennes constructions ainsi que de remblais de nature très diverse et d'épaisseur variable ; qu'il était précisé que ces renseignements, fournis à titre indicatif, devaient être complétés par d'autres études préliminaires laissées à la charge du cocontractant ; qu'il est constant que l'entreprise VEZIN n'a effectué aucun sondage ou vérification complémentaire lui permettant d'apprécier précisément la nature et l'importance des contraintes du terrain ; qu'elle n'invoque aucun fait du maître de l'ouvrage qui l'aurait empêchée de se rendre compte de l'étendue des obligations qui découlaient pour elle de la conclusion d'un marché à forfait ; que, dans ces conditions, les réelles difficultés rencontrées dans la réalisation des fondations, à supposer même qu'elles aient entraîné un bouleversement de l'économie du marché, ne peuvent être regardées comme des sujétions imprévisibles de nature à ouvrir à l'entreprise requérante un droit à indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société VEZIN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce que la ville de Nantes soit condamnée à lui verser une indemnité d'un million de francs ;
Sur les dépens :
Considérant que si la société VEZIN et la ville de Nantes demandent chacune la condamnation de l'autre aux dépens de première instance et d'appel, elles n'apportent aucune précision sur la nature et le montant des frais ainsi allégués ; que leurs conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société VEZIN, qui est la partie perdante, à verser à la ville de Nantes une somme de 3 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er - La requête présentée par la société VEZIN est rejetée.
Article 2 - La société VEZIN versera à la ville de Nantes une somme de trois mille francs (3 000 F) au titre de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 - Le présent arrêt sera notifié à la société VEZIN, à la ville de Nantes et au ministre de l'équipement, du logement et des transports.