VU 1°) sous le n° 90NT00064, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er février 1990, présentée pour la COMMUNE DE LA VERRIE (Vendée), représentée par son maire en exercice, par la SCP Cassard, Salaün, Ruffault, Caron, avocats ;
La COMMUNE DE LA VERRIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 1989 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a déclarée entièrement responsable du préjudice subi par la société Doux et MM. Julien et Joël X... du fait de l'inondation de bâtiments d'élevage et a ordonné un supplément d'instruction afin que puisse être déterminé le montant de ce préjudice ;
2°) de rejeter la requête présentée par la société Doux et les consorts X... devant le Tribunal administratif de Nantes et d'ordonner, le cas échéant, une expertise pour rechercher les causes de l'inondation litigieuse ;
VU 2°) sous le n° 90NT00234, la requête enregistrée le 10 mai 1990, présentée pour la COMMUNE DE LA VERRIE (Vendée), représentée par son maire en exercice, par la SCP Cassard, Salaün, Ruffault, Caron, avocats ;
La COMMUNE DE LA VERRIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 mars 1990 par lequel le Tribunal administratif de Nantes l'a condamnée à verser à la société Doux et à MM. Julien et Joël X..., respectivement, les sommes de 52 730 F et 10 028 F avec intérêts de droit à compter du 31 août 1987, en réparation du préjudice subi du fait de l'inondation du bâtiment d'élevage de MM. X... ;
2°) de rejeter, si besoin est après expertise, la demande présentée par la société Doux et les consorts X... devant le Tribunal administratif de Nantes ;
VU les autres pièces des dossiers ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mars 1992 :
- le rapport de M. DUPOUY, conseiller,
- les observations de Me Y..., se substituant à Me GAUTIER, avocat de la société Doux et des consorts X...,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,
Considérant que les requêtes de la COMMUNE DE LA VERRIE (Vendée) sont relatives aux conséquences d'un même dommage et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'inondation qui a affecté, le 4 juin 1985, le bâtiment d'élevage de MM. Julien et Joël X... et entraîné la mort par noyade d'un nombre important de volailles a été provoquée par le débordement de l'eau d'un fossé insufisamment entretenu, situé en bordure de la voie communale n° 203 ; que, dès lors, la responsabilité de la commune est engagée du fait de cet ouvrage public à l'égard duquel les victimes ont la qualité de tiers ; que, toutefois, l'action des eaux n'a pu avoir de conséquences aussi graves qu'en raison de l'implantation du bâtiment, d'une longueur de 120 mètres, sur un bassin versant le long duquel s'écoulent les eaux de pluie ; qu'en ne prenant aucune disposition pour protéger contre les risques d'inondation une installation abritant un élevage de près de 40 000 poulets, les victimes ont commis une faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; que les autres fautes alléguées par cette dernière et relatives à l'arrachage d'une haie et au défaut d'entretien d'un fossé privé ne sont pas établies ; que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en limitant la responsabilité de la COMMUNE DE LA VERRIE au deux tiers des conséquences dommageables de l'inondation ;
Sur le préjudice :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'inondation, 9 200 poulets arrivés à maturité ont dû être envoyés à l'équarissage et 2 130 kilogrammes ont été saisis par les services vétérinaires ; que, toutefois, le nombre total de poulets se trouvant dans le bâtiment d'élevage au moment du sinistre était sensiblement supérieur à celui qui était mentionné sur le récépissé de déclaration de l'exploitation au titre de la législation des installations classées ; qu'ainsi, compte tenu de la rémunération moyenne perçue par poulet, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par MM. Julien et Joël X... en l'évaluant à la somme de 8 000 F ;
Considérant, en second lieu, que si la société Doux n'établit pas avoir pris en charge les pertes de rémunérations des éleveurs, elle justifie, en revanche, du préjudice résultant, d'une part, d'un prix de revient du lot livré par MM. X... à la suite de l'inondation supérieur à celui des autres lots reçus au cours de la même période et, d'autre part, de l'incidence financière sur le coût unitaire d'abattage de la réception d'un lot de poulets en nombre insuffisant ; qu'ainsi, compte tenu de ce qui précède, le préjudice indemnisable de la société Doux doit être fixé à la somme de 22 000 F ; qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions du recours incident de MM. X... et de la société Doux tendant à l'allocation d'une indemnité totale de 103 426,30 F et de fixer, compte tenu du partage de responsabilité, à 5 333 F et 14 666 F les sommes qui leur sont dues par la COMMUNE DE LA VERRIE ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que MM. X... et la société Doux ont droit aux intérêts des sommes de 5 333 F et 14 666 F à compter du 31 août 1987, date de l'enregistrement de leur demande devant le tribunal administratif ; que la capitalisation de ces intérêts a été demandée le 5 juillet 1990 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; qu'eu égard aux développements qui précèdent, les conclusions des consorts X... et de la société Doux tendant à l'allocation d'une somme de 3 000 F au titre de l'article L.8.1 précité doivent être rejetées ;
Article 1er - Les indemnités de dix mille vingt huit francs (10 028 F) et cinquante deux mille sept cent trente francs (52 730 F) que la COMMUNE DE LA VERRIE a été condamnée à payer à MM. Julien et Joël X... et à la société Doux par le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 28 mars 1990 sont ramenées à cinq mille trois cent trente trois francs (5 333 F) et quatorze mille six cent soixante six francs (14 666 F). Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 31 août 1987. Les intérêts échus le 5 juillet 1990 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 - Les jugements du Tribunal administratif de Nantes des 29 novembre 1989 et 28 mars 1990 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 - Le surplus des conclusions des requêtes de la COMMUNE DE LA VERRIE ainsi que le recours incident de MM. X... et de la société Doux sont rejetés.
Article 4 - Les conclusions de MM. X... et de la société Doux tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 - Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LA VERRIE, à MM. Julien et Joël X..., à la société Doux et au ministre de l'agriculture et de la forêt.