VU la requête présentée par M. Pascal JEANNES, demeurant ..., et enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 1990 ;
M. JEANNES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 8820 F du 27 octobre 1989 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1983 à 1985 ;
2°) de lui accorder la décharge sollicitée ;
3°) d'ordonner que, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête, il soit sursis à l'exécution du jugement et des articles de rôle correspondants ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 1992 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- les observations de M. JEANNES,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article R.83 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat ressortit à la compétence d'une juridiction administrative, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions" ;
Considérant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur la réclamation du contribuable qui entend contester la créance du Trésor, en tout ou en partie, en ce qui concerne les impositions auxquelles il a été assujetti, ne constituent pas des actes détachables de la procédure d'imposition ; qu'elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux que dans le cadre de la procédure prévue aux articles R.190 et suivants du livre des procédures fiscales ; que les conclusions présentées devant la Cour par M. JEANNES tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 1987 du directeur des services fiscaux de Loire-Atlantique rejetant ses réclamations sont ainsi entachées d'une irrecevabilité manifeste ;
Considérant que les conclusions de la requête de M. JEANNES en ce qu'elles tendraient à l'annulation de l'instruction 5 F - 6 16-75 du 16 juin 1975 sont présentées pour la première fois en appel ; qu'elles constituent une demande nouvelle et sont, par suite, et en tout état de cause, manifestement irrecevables ;
Considérant qu'il suit de là que les conclusions susanalysées de la requête doivent, sans qu'il y ait lieu pour la Cour de transmettre le dossier au Conseil d'Etat, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions :
Considérant que les conclusions de M. JEANNES tendant à la décharge d'une somme de 1 193 F correspondant aux pénalités de recouvrement sont présentées pour la première fois en appel ; qu'elles constituent une demande nouvelle et sont, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que la notification adressée le 11 août 1986 à M. JEANNES fait état de la nature et du montant des redressements ainsi que de leurs motifs ; que cette notification, alors même qu'elle ne mentionne pas les dispositions du code général des impôts servant de fondement aux redressements, est suffisamment motivée au sens de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition n'a pas été régulière ;
En ce qui concerne le bien fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 83 du code général des impôts : "Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent et en nature accordés : ...3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut ... ; elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu ... Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels ..." ;
Considérant que les frais de transport exposés par les contribuables pour se rendre à leur lieu de travail ou en revenir sont, en règle générale, inhérents à leur fonction ou leur emploi et doivent donc, à ce titre, être admis en déduction en vertu des dispositions précitées de l'article 83 du code ; que, toutefois, il en va autrement dans les cas où la distance séparant leur domicile du lieu de travail présente un caractère anormal ;
Considérant que le requérant soulève, par la voie de l'exception, l'illégalité du paragraphe 4 d'une instruction ministérielle du 16 juin 1975 ; que cette dernière qui se borne à préciser, à l'intention des agents de l'administration, les principes dégagés par la jurisprudence pour l'application de l'article 83 du code n'a pas servi de fondement aux impositions contestées ; que, dès lors, le moyen invoqué ne saurait être, en tout état de cause, accueilli ;
Considérant que M. JEANNES, qui occupe un emploi salarié à l'Herbergement (Vendée), demande que soient déduites de ses bases d'imposition au titre des années 1983, 1984 et 1985 les dépenses que lui ont occasionnées les trajets quotidiens qu'il effectue entre ce lieu et la commune de Nantes, distante de quarante cinq kilomètres, où il réside ;
Considérant que le requérant soutient qu'en raison de l'inexistence du marché locatif privé et de son impossibilité à prétendre à l'attribution d'un logement géré par des organismes d'habitations à loyer modéré, il n'a pas pu trouver, sur son lieu de travail, un logement pour une personne seule ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des recherches sur l'ensemble du marché locatif qu'il aurait effectivement entreprises sans succès ; qu'il n'établit pas que le choix d'une résidence à une distance normale de son lieu de travail l'aurait contraint à des dépenses hors de proportion avec ses revenus ou supérieures aux frais réels dont il fait état ; qu'ainsi les frais de trajet qu'il expose ne peuvent être regardés comme inhérents à la fonction ou à l'emploi au sens de l'article 83 précité et ne sont justifiés que pour des motifs de convenance personnelle ;
Considérant que la réponse ministérielle du 7 janvier 1991 à M. X..., député, invoquée par M. JEANNES est postérieure à la mise en recouvrement des impositions contestées ; que, dès lors, il ne saurait, en tout état de cause, utilement s'en prévaloir sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. JEANNES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.8.1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8.1 dudit code : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à M. JEANNES la somme de 12 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er - La requête de M. Pascal JEANNES est rejetée.
Article 2 - Le présent arrêt sera notifié à M. JEANNES et au ministre délégué au budget.