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14/11/1991 | FRANCE | N°89NT00566

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 14 novembre 1991, 89NT00566


VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 10ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le dossier de la requête présentée par la société O.T.H. INFRASTRUCTURE et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 septembre 1986 sous le n° 81743 ;
VU la requête susmentionnée et le mémoire complémentaire enregistré le 5 décembre 1986, présentés par Me Y..., avocat au Conseil d'Eta

t et à la Cour de cassation, pour la société O.T.H. INFRASTRUCTURE, don...

VU l'ordonnance en date du 2 janvier 1989 par laquelle le président de la 10ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, le dossier de la requête présentée par la société O.T.H. INFRASTRUCTURE et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 septembre 1986 sous le n° 81743 ;
VU la requête susmentionnée et le mémoire complémentaire enregistré le 5 décembre 1986, présentés par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la société O.T.H. INFRASTRUCTURE, dont le siège social est ..., représentée par M. IMHOF, liquidateur amiable, et enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 89NT00566 ;
La société O.T.H. INFRASTRUCTURE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 juillet 1986 par lequel le Tribunal administratif de RENNES, d'une part, l'a condamnée conjointement et solidairement avec M. Z..., architecte, et l'entreprise Ducassou à verser à l'Etat (ministre de l'éducation nationale) les sommes de 419.621,35 F et 265.664 F en réparation des désordres affectant l'I.U.T. de VANNES et, d'autre part, l'a condamnée à garantir intégralement M. Z... des condamnations prononcées à son encontre et a mis les frais d'expertise à concurrence de 25 % de leur montant à sa charge solidairement avec les constructeurs précités ;
2°) de rejeter le recours du ministre de l'éducation nationale ;
3°) subsidiairement, de réduire les indemnités allouées ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code civil, notamment ses articles 1792 et 2270 ;
VU le code des marchés publics ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 1991 :
- le rapport de M. DUPOUY, conseiller,
- les observations de Me X..., se substituant à Me PODEUR, avocat du ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale,
- et les conclusions de M. CADENAT, commissaire du gouvernement,

Considérant que l'Etat ayant fait édifier à VANNES (Morbihan) un institut universitaire de technologie selon un procédé de construction industrialisé, le ministre chargé des universités a, le 28 avril 1981, saisi le Tribunal administratif de RENNES d'une demande tendant à obtenir réparation, sur le fondement de la garantie décennale, du préjudice résultant des désordres affectant les façades des bâtiments de cet institut ; que, par des conclusions additionnelles enregistrées le 24 septembre 1981, le ministre a, en outre, demandé la condamnation des constructeurs à réparer les désordres affectant les installations de chauffage central ; que, par jugement du 3 juillet 1986, rendu après expertises, le Tribunal administratif de RENNES a condamné conjointement et solidairement M. Z..., architecte, la société O.T.H. INFRASTRUCTURE et l'entreprise Ducassou à payer à l'Etat les sommes de 419.621,35 F et 265.664 F toutes taxes comprises, majorées des intérêts au taux légal, en réparation des conséquences dommageables des désordres affectant respectivement les façades et le chauffage central ; qu'il a, en outre, condamné, d'une part, l'entreprise Ducassou à payer à l'Etat une somme de 1.000 F et, d'autre part, la société O.T.H. à garantir l'architecte de la totalité de la condamnation prononcée à son encontre à raison des déficiences du système de chauffage ; que Me BAUMGARTNER, mandataire-liquidateur de la société Bureau d'Etudes Techniques INFRASTRUCTURE demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a retenu à tort la responsabilité de la société O.T.H. et, subsidiairement, la réduction du montant des condamnations ; que M. Z... et l'entreprise Ducassou, représentée par Mes Duran et Locquais, syndics à la liquidation de ses biens, ont présenté des conclusions incidentes tendant à la décharge et, subsidiairement, à la réduction des condamnations prononcées à leur encontre ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si la société O.T.H. soutient, dans sa requête sommaire, que le jugement attaqué est irrégulier faute pour le président du tribunal d'avoir rouvert l'instruction après le dépôt le 30 mai 1986, soit la veille de la clôture de l'instruction, d'un nouveau mémoire, il résulte de l'examen de ce mémoire qu'il ne contenait aucun argument nouveau sur lequel le tribunal se serait fondé pour rendre son jugement ; que, dès lors, ce moyen doit être rejeté ;
Sur la prescription de l'action en garantie décennale en ce qui concerne les désordres affectant le chauffage central :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 7-4 du fascicule 01 du cahier des prescriptions communes applicables aux marchés de travaux de bâtiments passés au nom de l'Etat, annexé au décret n° 62-1278 du 20 octobre 1962 en vigueur à la date de passation du marché, le délai de l'action en garantie décennale court à partir de la date de la réception provisoire ; que selon l'article 2-1 du cahier des prescriptions spéciales du marché conclu pour la construction de l'I.U.T. de VANNES, ces dispositions étaient applicables à ce marché ; que les travaux de construction ont fait l'objet d'une réception provisoire le 4 octobre 1971, avec effet au 15 juin 1971 ; que si des réserves ont été mentionnées dans le procès-verbal dressé lors de ces réceptions, ces réserves, qui ne concernaient que des travaux de finition de faible importance, n'ont pas fait obstacle à ce que le délai de garantie décennale courût à partir de la réception provisoire ; qu'ainsi, ce délai était expiré le 24 septembre 1981, date à laquelle le ministre chargé des universités a saisi le tribunal administratif de conclusions tendant à ce que les constructeurs soient solidairement condamnés à réparer les désordres affectant les installations de chauffage central ; qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient le ministre en appel, ces désordres n'étaient pas invoqués dans sa demande du 24 juin 1981 ; que, par suite, la société O.T.H., d'une part, M. Z... et l'entreprise Ducassou dans leurs recours incidents, d'autre part, sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif les a condamnés, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, à payer à l'Etat une indemnité de 265.664 F en réparation de ces désordres ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
En ce qui concerne les désordres liés à l'insuffisance de l'écran thermique des panneaux de façades :
Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les constructeurs, il résulte de l'instruction que les désordres dus à l'insuffisance de l'écran thermique des panneaux de façades et se manifestant par des phénomènes de condensation à l'intérieur de l'ensemble du bâtiment "tertiaire", étaient de nature, eu égard à leur importance et à leur généralité, à rendre ce bâtiment impropre à sa destination ; que, dès lors, ces désordres engagent la responsabilité décennale des constructeurs vis-à-vis de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte des termes des conventions conclues les 8 juin et 24 juin 1970 par le ministre de l'éducation nationale pour la construction de l'I.U.T. de VANNES avec, respectivement, le Bureau d'Etudes O.T.H. et l'architecte, M. Z..., que si le bureau d'études a participé à la conception et à l'adaptation du projet-type, il n'est pas intervenu dans le choix et la mise en oeuvre des matériaux de façade ; qu'il est donc fondé à demander à être déchargé de la condamnation qui a été prononcée contre lui en ce qui concerne les désordres liés à l'insuffisance de l'écran thermique des panneaux de façade, lesquels sont imputables à un vice de conception ; qu'en revanche, l'entreprise Ducassou qui, outre son rôle dans l'exécution des travaux, a participé à la conception du projet-type, n'est pas fondée à demander, par la voie du recours incident, à être déchargée de la condamnation prononcée contre elle pour ces désordres ;
En ce qui concerne les désordres liés au défaut d'étanchéité des fenêtres :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertises, que les infiltrations dues au manque d'étanchéité des fenêtres ont pour origine à la fois une erreur de conception et une mauvaise exécution des travaux ; que, dès lors, ni la société O.T.H., ni l'entreprise Ducassou ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu leur responsabilité s'agissant de ces désordres ;
En ce qui concerne les désordres liés aux infiltrations d'eaux dans la bibliothèque :
Considérant que, contrairement à ce que soutient l'architecte, c'est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que les travaux permettant de remédier à la descente d'eaux pluviales dans la bibliothèque, nonobstant leur faible coût, étaient couverts par la garantie décennale ; qu'en outre, l'entreprise Ducassou n'est pas fondée à demander à être déchargée de la condamnation prononcée contre elle pour ces désordres, dès lors qu'ils procèdent, selon les constatations de l'expert, d'une faute d'exécution et qu'il n'est pas établi qu'ils auraient été provoqués ou aggravés par un défaut d'entretien imputable au maître de l'ouvrage ;
Sur le montant de l'indemnité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent la société O.T.H. et l'entreprise Ducassou, la pose d'une bavette d'aluminium pour remédier au défaut d'étanchéité des fenêtres n'est pas de nature à apporter une plus-value au bâtiment ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte évaluation de ce chef de préjudice en condamnant les constructeurs à payer à l'Etat une somme de 121.301,35 F toutes taxes comprises à ce titre ; que, de même, il n'y a pas lieu de déduire de la somme de 298.320 F allouée par le tribunal pour la réparation des désordres résultant de la faiblesse de l'écran thermique des panneaux, le coût de réfection de la peinture, estimé forfaitairement par l'expert en tenant compte de la vétusté des peintures existantes ; qu'en revanche, c'est à tort que les premiers juges ont accordé à l'Etat une somme de 35.000 F en réparation des troubles de jouissance, dès lors que ce chef de préjudice n'a donné lieu à aucun commencement de justification ;
Sur les frais d'expertise exposés en première instance et les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre la moitié des frais d'expertise à la charge de l'Etat et l'autre moitié, à parts égales, à la charge des constructeurs ; que si le ministre demande en outre la condamnation des autres parties aux dépens, ses conclusions, qui ne sont assorties d'aucune précision sur la nature et le montant des frais ainsi allégués, ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er - Les articles 3 et 5 du jugement du Tribunal administratif de RENNES en date du 3 juillet 1986 sont annulés.
Article 2 - La société Bureau d'Etudes Techniques INFRASTRUCTURE, représentée par Me BAUMGARTNER, M. Z..., architecte, et l'entreprise Ducassou, représentée par Mes Duran et Locquais, sont condamnés conjointement et solidairement à payer à l'Etat (ministre de l'éducation nationale) la somme de cent vingt et un mille trois cent un francs et trente cinq centimes (121.301,35 F) toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 1981.
Article 3 - M. Z... et l'entreprise Ducassou sont condamnés conjointement et solidairement à payer à l'Etat (ministre de l'éducation nationale) la somme de deux cent quatre vingt dix huit mille trois cent vingt francs (298.320 F) toutes taxes comprises, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 1981.
Article 4 - Les frais d'expertise exposés en première instance sont mis à la charge de l'Etat à concurrence de 50 % et à la charge du Bureau d'Etudes Techniques INFRASTRUCTURE, de M. Z... et de l'entreprise Ducassou, à parts égales, à concurrence de 50 %.
Article 5 - Les articles 1er et 6 du jugement sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 6 - Le surplus des conclusions de la requête et des appels incidents est rejeté.
Article 7 - Le présent arrêt sera notifié à Me BAUMGARTNER, mandataire-liquidateur de la société Bureau d'Etudes Techniques INFRASTRUCTURE, à M. Z..., à Mes Duran et Locquais, syndics à la liquidation des biens de l'entreprise Ducassou et au ministre de l'éducation nationale.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 89NT00566
Date de la décision : 14/11/1991
Type d'affaire : Administrative

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DELAI DE MISE EN JEU.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - FAITS DE NATURE A ENGAGER SA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - REPARATION - PREJUDICE INDEMNISABLE - EVALUATION.


Références :

Code civil 1792, 2270
Décret 62-1278 du 20 octobre 1962 annexe


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: DUPOUY
Rapporteur public ?: CADENAT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1991-11-14;89nt00566 ?
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