VU l'ordonnance en date du 19 janvier 1989 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour administrative d'appel de NANTES le dossier de la requête sommaire présentée par M. Bernard Y... et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 décembre 1988 sous le n° 104095 ;
Vu la requête susmentionnée et le mémoire ampliatif, enregistré au greffe de la Cour le 18 avril 1989, présentés pour M. Bernard Y... demeurant ..., par Me B. X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et enregistrés au greffe de la Cour sous le n° 89NT00822 ;
M. Y... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 851223 et 851261 du 11 octobre 1988 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1977 à 1980 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1980, par avis de mise en recouvrement du 20 août 1984 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 6 février 1991 :
- le rapport de Melle BRIN, conseiller,
- et les conclusions de M. LEMAI, commissaire du gouvernement,
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif de Caen n'a pas été en mesure, malgré la demande du greffe de la Cour, de produire la minute du jugement attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce dernier ne contient ni les visas ni l'analyse des mémoires échangés par les parties doit être regardé comme établi ; qu'ainsi le jugement du 11 octobre 1988 du Tribunal administratif de Caen doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. Y... devant le tribunal administratif ;
Sur la recevabilité :
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que dans ses réclamations à l'administration en date des 30 juillet et 20 septembre 1984, M. Y... a seulement demandé une réduction des impositions mises à sa charge à la suite des redressements résultant de la reconstitution des recettes de son entreprise, et a proposé que ces impositions soient calculées sur un chiffre d'affaires s'élevant à 505 900 F pour 1977, 555 969 F pour 1978, 572 265 F pour 1979 et à 678 035 F pour 1980 au lieu du chiffre d'affaires qu'il avait déclaré et qui s'élevait, respectivement, à 489 907 F, 553 221 F, 550 171 F et à 642 733 F ; que si les conclusions des demandes de M. Y... tendent à la décharge des impositions litigieuses, elles ne sont, en vertu de l'article R.200-2, 5° alinéa du livre des procédures fiscales, recevables que dans la limite de celles présentées dans la réclamation ;
Sur le bien fondé des impositions et la charge de la preuve :
Considérant, en premier lieu, que M. Y... ayant contesté les redressements dont il a fait l'objet, l'administration, bien qu'elle ait regardé la comptabilité de celui-ci comme non probante, a suivi la procédure contradictoire et a fixé les compléments d'impôts sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée en litige conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, il appartient au contribuable d'apporter la preuve soit du caractère probant de celle-ci, soit, à défaut, de l'exagération de l'évaluation des bases d'imposition ;
Considérant, en second lieu, que l'administration ne conteste pas la régularité formelle de la comptabilité de l'entreprise de menuiserie-charpente exploitée par M. Y... à Vimoutiers (Orne) ; que, pour estimer cette comptabilité comme non probante, elle fait valoir que certains frais généraux ont été imputés en achats au lieu d'être affectés au compte impôts et taxes ; que cette circonstance est sans incidence sur le montant des résultats déclarés de l'entreprise ; que l'administration fait également valoir que le contribuable a fait des prélèvements insuffisants pour assurer les dépenses de train de vie et que les soldes des balances espèces, limitées aux opérations privées, ont été fortement créditeurs ; que M. Y..., dont le foyer a disposé d'une source de revenus extérieure à l'entreprise vérifiée, est fondé à soutenir que cette situation, à la supposer même exacte, n'est pas de nature à elle seule à faire perdre aux écritures comptables le caractère de justification qui s'attache à toute comptabilité régulièrement tenue ;
Considérant, en troisième lieu, que M. Y... établit l'existence de circonstances propres à son entreprise tenant aux difficultés qu'elle connaissait et au fait qu'elle travaillait sur devis et sur marché qui expliquent que des variations de taux de marge brute ont pu être constatées ; que, d'ailleurs, l'étude faite par le service manque de précision tant sur le montant de ce taux que sur son mode de calcul ; que si des écarts significatifs entre les chiffres d'affaires déclarés et ceux résultant de la reconstitution faite par le vérificateur ont été relevés, cette circonstance, en raison de l'imprécision et de l'incertitude qui s'attachent à une telle méthode, ne suffit pas, par elle-même, à démontrer l'absence de sincérité de la comptabilité ;
Considérant que, dans ces conditions, M. Y... doit être regardé comme apportant, par sa comptabilité, la preuve qui lui incombe de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ; qu'en conséquence il est fondé à demander la réduction en droits et pénalités de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'impôt sur le revenu à concurrence des dégrèvements sollicités dans sa réclamation ; que, par suite, les conclusions présentées en appel et tendant à la décharge des pénalités afférentes aux droits mis à sa charge sont devenues irrecevables ;
Article 1er : Le jugement n° 851223 et 851261 en date du 11 octobre 1988 du Tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : Pour la détermination des bases de l'impôt sur le revenu et du montant de la taxe sur la valeur ajoutée assignés à M. Bernard Y... au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 le montant du chiffre d'affaires à retenir est fixé à la somme de 505 900 F pour l'année 1977, 555 969 F pour l'année 1978, 572 265 F pour l'année 1979 et de 678 035 F pour l'année 1980.
Article 3 : Il est accordé à M. Y... la décharge de la différence entre le montant de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement et celui qui résulte de l'article 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions des demandes présentées par M. Y... devant le Tribunal administratif de Caen et des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y..., et au ministre délégué au budget.