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05/07/1989 | FRANCE | N°89NT00139

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 05 juillet 1989, 89NT00139


VU la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée contre le jugement du Tribunal administratif de CAEN du 10 septembre 1987 par M. Yves X... et enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 18 novembre 1987, sous le n° 92699 ;
VU la requête susmentionnée et

le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour admini...

VU la décision en date du 1er décembre 1988, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 2 janvier 1989, par laquelle le président de la 3ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour, en application de l'article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée contre le jugement du Tribunal administratif de CAEN du 10 septembre 1987 par M. Yves X... et enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 18 novembre 1987, sous le n° 92699 ;
VU la requête susmentionnée et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de NANTES le 2 janvier 1989, sous le n° 89NT00139, présentés pour M. Yves X..., demeurant "Les Lierres" à RADON (Orne), par la société civile professionnelle "Fortunet - Mattei - Dawance", avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, et tendant à ce que la Cour :
1°) réforme le jugement en date du 10 septembre 1987, par lequel le Tribunal administratif de CAEN a laissé à sa charge la moitié des conséquences dommageables que lui a causé la délivrance d'un permis de construire illégal et lui a refusé l'indemnisation de différents chefs de préjudice qu'il prétend avoir subis du fait de ce même permis ;
2°) condamne l'Etat (ministre de l'Equipement, du Logement, de l'aménagement du Territoire et des Transports) à lui verser la somme de 902 760 F, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 mars 1982 ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience du 7 juin 1989 :
- le rapport de M. DUPUY, conseiller,
- et les conclusions de M. MARCHAND, commissaire du gouvernement,

Considérant que par un arrêté du maire de RADON en date du 16 septembre 1981, M. X... a obtenu l'autorisation de construire un local à usage de cabinet médical en extension de sa maison d'habitation ; que par deux jugements des 2 mars 1982 et 25 mai 1984, le Tribunal administratif de Caen a, sur la requête d'un voisin de l'intéressé, respectivement, ordonné qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté puis, prononcé l'annulation de ce même arrêté pour violation des dispositions de l'article R 111-18 du code de l'urbanisme fixant les règles de prospect des constructions par rapport aux voies privées ; qu'en réponse à la requête de l'intéressé tendant à obtenir réparation du préjudice causé par la délivrance de ce permis illégal, le tribunal administratif a, par son jugement du 10 septembre 1987, limité la responsabilité de l'Etat à la moitié des conséquences dommageables de cette délivrance irrégulière et, sur cette base, condamné ce dernier à verser au requérant une indemnité totale de 73 056,52 F représentant les frais de construction, d'aménagement intérieur et de démolition de la partie d'immeuble irrégulièrement construite, une prime d'assurance couvrant les travaux litigieux, le montant de parts sociales remboursées à l'organisme constructeur et la perte financière entrainée par le remboursement anticipé d'un prêt immobilier ; que M. X... fait appel de ce jugement en ce qu'il laisse à sa charge la moitié des conséquences dommageables de l'illégalité du permis annulé et lui refuse la réparation de certains chefs de préjudice ;

Sur la responsabilité :
Considérant, d'une part, qu'en délivrant à M. X..., le 16 septembre 1981, un permis de construire dont l'illégalité a été sanctionnée par le Tribunal administratif de Caen dans les conditions rappelées ci-dessus, le maire de RADON a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers le bénéficiaire de ce permis ;
Considérant, d'autre part, que la qualification juridique et la destination de la bande de terrain, formant voie communale privée, en bordure de laquelle M. X... a été autorisé à construire, ne pouvaient, dans les circonstances de l'affaire, qu'apparaître incertaines à ce dernier, qui ne s'était pas moins attaché à en faire figurer l'emplacement dans le dossier de sa demande de permis de construire du 3 août 1981 ; que, par contre, le maire de RADON qui a délivré le permis au nom de l'Etat ne pouvait ignorer la nature et l'étendue de cette bande de terrain incluse dans un lotissement communal et demeurée propriété de la commune ; que, dans ces conditions, M. X... ne saurait se voir reprocher une attitude fautive de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen n'a pas déclaré l'Etat entièrement responsable de la totalité des conséquences dommageables qu'il a subies du fait de la délivrance de cet acte illégal ; qu'il suit de là que ledit jugement doit être réformé dans ce sens ;

Sur l'étendue du droit à réparation :
- en ce qui concerne les chefs de préjudice réparés par le jugement attaqué :
Considérant que les droits à indemnisation que le jugement attaqué a reconnus à M. X... au titre des différents chefs de préjudice précités pour un montant total de 73 056,52 F ne sont pas contestés ; que l'Etat étant, ainsi qu'il vient d'être dit, déclaré entièrement responsable des conséquences dommageables que la délivrance du permis de construire illégal a entrainées vis-à-vis du requérant, il y a lieu de porter à 146 113,04 F l'indemnité due à ce dernier au titre de ces mêmes préjudices ;

- En ce qui concerne les autres chefs de préjudice allégués :
Considérant que M. X... ne peut se prévaloir d'un droit à indemnité qu'à raison des différents préjudices qu'il a réellement subis et qui sont la conséquence directe du permis illégal qui lui a été délivré ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'installation temporaire de la famille du requérant dans un autre logement loué à RADON ait été décidée pour des motifs autres que de convenances personnelles ; qu'ainsi, M. X... n'établit pas que les frais de location qu'il a supportés pendant une période de quatre mois seraient la conséquence directe de la délivrance du permis de construire illégal ni que, de ce fait, il aurait été privé de la possibilité de donner sa maison en location et de percevoir les loyers correspondants ; qu'il n'est donc pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui payer, du chef de ces préjudices, les sommes, respectivement, de 9 110,60 F et de 4 800 F ;
Considérant, en second lieu, que si M. X... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'une perte au niveau du droit de présentation de clientèle et un manque à gagner lié à sa reconversion comme médecin salarié seraient directement imputables à la faute commise lors de la délivrance du permis illégal, il résulte de l'instruction que le requérant, en revanche, a supporté des troubles divers dans ses conditions d'existence familiales et professionnelle du fait de ladite faute ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant une indemnité de 50 000 F, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X... n'établit pas qu'au moment de la revente de sa maison, dont il est constant qu'après la démolition de l'extension irrégulièrement construite, elle avait retrouvé son état initial, il aurait subi un manque à gagner résultant d'une moins-value devant être imputée à la faute qu'a commise l'administration en lui délivrant le permis illégal ; qu'ainsi, M. X... n'est pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à lui verser, de ce chef, la somme de 541 572,36 F ;
Considérant enfin, que M. X... prétend avoir supporté, à partir de son départ de RADON le 18 octobre 1982, une charge financière du fait de l'immobilisation d'une somme de 531 184,36 F correspondant au prix de revient total de sa maison ; qu'il évalue cette charge à un montant annuel de 48 398 F sur la base d'un rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du Tribunal administratif de Caen ; que, toutefois, le départ de M. Y... à la date susindiquée et son renoncement à exercer la médecine libérale dans cette commune pour occuper un emploi de médecin salarié à Nantes doivent être regardés comme ayant procédé d'un choix volontaire de sa part ; que, dès lors, la charge financière alléguée ne présente pas un lien direct de cause à effet avec la faute commise par l'administration ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à demander que cette dernière soit condamnée à l'indemniser de ce chef de préjudice ;

Sur les intérêts :
Considérant que la somme précitée de 146 113,04 F ne saurait porter intérêts à partir d'une date antérieure à celle du 18 octobre 1982, à laquelle M. X... a présenté sa demande préalable au ministre de l'urbanisme ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée en appel les 18 novembre 1987 et 15 février 1988 ; qu'à la première de ces dates, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; qu'il y a lieu, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, de faire droit à la demande correspondante ; qu'à l'inverse, il n'était pas dû à nouveau une année d'intérêts à la date du 15 février 1988, et que la dernière demande de capitalisation doit, en conséquence, être rejetée ;

Article 1 - L'Etat (ministère de l'Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer) est déclaré entièrement responsable du préjudice subi par M. X... du fait de la délivrance à l'intéressé, par le maire de RADON (Orne), d'un permis de construire illégal.

Article 2 - L'Etat (ministère de l'Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer) est condamné à verser à M. X..., d'une part, la somme de 146 113,04 F, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 1982, d'autre part, la somme de 50 000 F, tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 3 - Les intérêts afférents à l'indemnité de 146 113,04 F que l'Etat est condamné à verser à M. X... et échus le 18 novembre 1987 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 - Le jugement en date du 10 septembre 1987 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 - Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.

Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. X..., au ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro d'arrêt : 89NT00139
Date de la décision : 05/07/1989
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-05-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE


Références :

. Code civil 1154
Code de l'urbanisme R111-18


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. DUPUY
Rapporteur public ?: M. MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;1989-07-05;89nt00139 ?
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