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04/06/2024 | FRANCE | N°24NC00899

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 04 juin 2024, 24NC00899


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le 18 décembre 2023, Mme A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise en vue de déterminer les responsabilités éventuelles suite à des infiltrations d'eau en provenance du sous-sol de la voie publique qui affectent la cave de son domicile.



Par une ordonnance n° 2309061 du 26 mars 2024, le juge des référés

du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.





Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le 18 décembre 2023, Mme A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise en vue de déterminer les responsabilités éventuelles suite à des infiltrations d'eau en provenance du sous-sol de la voie publique qui affectent la cave de son domicile.

Par une ordonnance n° 2309061 du 26 mars 2024, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2024, Mme A..., représentée par le cabinet Cassel, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 26 mars 2024 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg;

2°) de faire droit à sa demande d'expertise

3°) de mettre à la charge de la commune de Sarreguemines la somme de 3000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés a jugé à tort qu'elle n'était plus recevable à introduire au fond tendant à la réparation des préjudices dont elle se prévaut et qu'en conséquence l'expertise n'était pas utile ;

-l'expertise sollicitée a un caractère d'utilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2024, la commune de Sarreguemines, représentée par Me Choffel, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure d'expertise est inutile en raison de l'expiration du délai de recours contre la décision implicite de rejet intervenue le 31 juillet 2023, Mme A... ne disposant plus de la possibilité d'introduire un recours en responsabilité contre la commune.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que Mme A... est propriétaire d'une maison située au 12 rue d'Ippling à Sarreguemines. Elle indique que, par temps de pluie, la cave de son domicile est affectée d'infiltrations d'eau en provenance du sous-sol de la voie publique, la rendant inutilisable. Par ailleurs, la présence de racines et radicelles d'arbre dans le sous-sol détériorerait les fondations de la maison et le sous-sol de la cave. Mme A... indique également devoir procéder à des opérations de pompage manuel après chaque épisode pluvieux, cela afin d'éviter l'extension des dégâts. L'assureur de Mme A... et celui de la commune de Sarreguemines ont effectué plusieurs visites du domicile sans parvenir à déterminer l'origine du sinistre. Mme A... indique, au demeurant, qu'aucune fuite ni détérioration des tuyaux d'évacuation et d'alimentation d'eau au sein de sa propriété n'ont été constatés. Elle a demandé, par conséquent, au tribunal administratif de Strasbourg que soit désigné un expert aux fins de déterminer l'étendue et les causes des désordres affectant sa propriété. Mme A... fait appel de l'ordonnance par laquelle le juge des référés du Tribunal Administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur la demande d'expertise :

2. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple demande et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. (...) ". L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de ces dispositions doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription.

3. Aux termes de l'article R.421-1 du code de justice administrative, " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formé devant elle. (...) " Par ailleurs, l'article R.421-2 du même code précise que " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". Il résulte, en outre, de l'article R.421-5 de ce code que " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Enfin, l'article R.112-3 du code des relations entre le public et l'administration dispose que " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception. (...) ", et l'article R.112-5 du même code précise qu'il comporte " 1° La date de réception de la demande et la date à laquelle, à défaut d'une décision expresse, celle-ci sera réputée acceptée ou rejetée ; 2° La désignation, l'adresse postale et, le cas échéant, électronique, ainsi que le numéro de téléphone du service chargée du dossier ; (...) / Il indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les vois de recours à l'encontre de la décision. ".

4. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. En revanche, si une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur. Il n'est fait exception à ce qui est dit précédemment que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation.

5. En l'espèce, Mme A... a adressé, le 29 mai 2023, une demande préalable à la commune de Sarreguemines, dans l'objectif que celle-ci reconnaisse sa responsabilité quant aux désordres affectant son domicile et prenne des mesures afin d'y remédier. Par accusé réception du 21 juin 2023, réceptionné le 25 juin 2023 par la requérante, la commune de Sarreguemines confirmait avoir reçu la demande préalable le 31 mai 2023, et indiquait à Mme A..., d'une part, que le silence gardé par la commune pendant deux mois suivant la réception de la demande vaudrait refus implicite, et d'autre part, que la requérante disposait d'un délai de deux mois pour contester l'éventuelle décision de refus, qu'elle soit expresse ou implicite, devant le tribunal administratif de Strasbourg. Une décision de rejet implicite de la demande de Mme A... est née le 31 juillet 2023.

6. Mme A... soutient que son courrier du 29 mai 2023 ne constituait qu'un simple courrier d'information en l'absence de conclusions indemnitaires. Elle indique notamment qu'elle n'a pas évoqué dans ce courrier de régime de responsabilité sur lequel elle aurait fondé sa demande et qu'elle n'a sollicité l'indemnisation de la collectivité d'aucun chef de préjudice.

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de rejet d'une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur, quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. En conséquence, le fait que Mme A... n'ait évoqué, dans son courrier du 29 mai 2023, ni le régime de responsabilité sur lequel elle aurait fondé sa demande ni les chefs de préjudice au titre desquels elle sollicitait l'indemnisation de la commune de Sarreguemines n'a pas empêché la naissance d'une décision implicite de rejet de sa réclamation susceptible de lier le contentieux le 31 juillet 2023.

8. En second lieu, il n'est établi aucun élément montrant que les dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision implicite de la décision de la commune de Sarreguemines ayant rejeté la réclamation de Mme A....

9. Dès lors, l'expertise sollicitée n'est pas utile au sens des dispositions de l'article R.532-1 du code de justice administrative dans la mesure où Mme A... ne dispose plus de la possibilité d'introduire un recours en responsabilité contre la commune, n'ayant pas contesté la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable, qui est intervenue le 31 juillet 2023, dans le délai de recours contentieux de deux mois.

10. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties formulées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A... et à la commune de Sarreguemines.

La présidente,

Signé : P. Rousselle

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24NC00899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Numéro d'arrêt : 24NC00899
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET CASSEL (SELAFA)

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;24nc00899 ?
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