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31/10/2022 | FRANCE | N°22NC01032

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 31 octobre 2022, 22NC01032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Demathieu Bard Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de prescrire une expertise portant sur le décompte général et final du marché de réalisation d'un bâtiment destiné à regrouper plusieurs services du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon, ainsi que sur ses conditions d'exécution.

Par une ordonnance n° 1700611 du 16 janvier 2108, partiellement réformée par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour

administrative d'appel de Nancy, il a été fait droit à cette demande.

Par jugement du 7 ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Demathieu Bard Construction a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de prescrire une expertise portant sur le décompte général et final du marché de réalisation d'un bâtiment destiné à regrouper plusieurs services du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon, ainsi que sur ses conditions d'exécution.

Par une ordonnance n° 1700611 du 16 janvier 2108, partiellement réformée par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, il a été fait droit à cette demande.

Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal administratif de Besançon a, à la demande du CHRU de Besançon, prononcé la récusation de l'expert désigné, récusation confirmée par un arrêt du 3 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy.

Par une ordonnance du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Besançon a prononcé la désignation d'un nouvel expert.

Par une ordonnance du 22 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, à la demande du CHRU de Besançon, interprété l'ordonnance n° 1700611 du 16 janvier 2018 tel que rectifiée par la cour administrative d'appel de Nancy.

Les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, d'étendre les opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis et Socotec construction.

Par une ordonnance n° 2101289 du 13 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a mis la société Egis hors de cause, admis l'intervention volontaire de la société Egis conseil et rejeté la requête des sociétés requérantes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 avril 2022 sous le n° 22NC01032, et un mémoire enregistré le 6 septembre 2022, les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés représentées par Me Caron, demandent à la cour :

1°) de réformer l'ordonnance n° 2101289 du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de mettre dans la cause les sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis conseil et Socotec construction ;

3°) d'étendre les opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis conseil et Socotec construction.

Elles soutiennent que :

- la position adoptée par le juge des référés dans l'ordonnance contestée contrevient directement à l'ordonnance du 22 septembre 2020, notamment en ce qui concerne la consistance de l'expertise ;

- l'extension sollicitée vise à éclairer l'expert dans l'accomplissement de sa mission et permettre aux opérations d'expertise de se dérouler en présence des acteurs de l'opération qui ont eu à connaître des sujétions d'exécution rencontrées ;

- il est indispensable que l'expert analyse les difficultés techniques auxquelles le groupement initial a été confronté lors des travaux ;

- les sociétés appelées en la cause ne sont pas manifestement étrangères au litige ;

- le moyen tiré de ce que les actions qu'elles envisageraient d'engager seraient prescrites ne saurait prospérer.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 juillet 2022, la société Arcadis ESG, représentée par Me Keller, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ;

2°) de la mettre hors de cause ;

3°) de mettre à la charge des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'appartient pas à l'expert de décrire les surcoûts d'exécution et leur imputabilité au regard des informations contenues dans les documents de consultation ;

- l'ordonnance attaquée a exactement apprécié l'étendue des missions confiées à l'expert ;

- les sociétés requérantes fondent leur demande d'extension de l'expertise sur des éléments d'ores et déjà caractérisés comme exclus de la mission de l'expert telle qu'interprétée par l'ordonnance du 22 septembre 2020 ;

- elle est manifestement étrangère à la procédure d'expertise en cours et au litige qui pourrait être engagé devant le juge administratif à son issue ;

- la question de la connaissance qu'aurait pu avoir le maître d'ouvrage des difficultés sur la nature du sol au stade de la consultation a été définitivement écartée des débats tout comme la qualification des sujétions imprévues.

Par des mémoires en défense enregistrés les 12 juillet et 16 septembre 2022, la société Socotec construction, représentée par Me Lacaze, demande à la cour :

1°) de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la requête d'appel des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ;

3°) de rejeter les demandes d'extension des opérations d'expertise dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés appelantes et tous succombants la somme de 5 000 à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- toute action en garantie émanant des membres du groupement conception-construction à son encontre serait nécessairement frappée de prescription depuis, au plus tard, le mois de janvier ou avril 2018 ;

- les demandes d'extension des opérations d'expertise dirigées à son encontre sont donc inutiles ;

- l'expertise ne peut porter sur les documents de consultation du marché dont faisait partie l'étude géotechnique ;

- sa mise hors de cause a déjà été prononcée par des décisions précédentes ;

- l'expert judiciaire n'a émis aucun avis sur la nécessité de sa présence aux opérations d'expertise.

Par un mémoire enregistré le 25 juillet 2022, la société Philippe Donze, représentée par Me Nicolier, s'en remet, sous les plus expresses réserves de responsabilité, tous droits et moyens demeurant réservés, à la sagesse de la cour sur l'utilité ou non de déclarer les opérations d'expertise communes aux sociétés visées.

Par mémoires enregistrés les 1er août et 16 septembre 2022, le Centre hospitalier universitaire de Besançon, représenté par Me Daumin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ;

2°) de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

A titre subsidiaire :

3°) de rejeter les demandes d'extension à parties des opérations d'expertise formulées par les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ;

Dans tous les cas :

4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mission confiée à l'expert a été clairement interprétée par l'ordonnance du 22 septembre 2020 ;

- le périmètre des opérations d'expertise exclut la phase dite précontractuelle de la formation du contrat ;

- il ne revient pas à l'expert de se prononcer sur les documents de la consultation, dont l'étude G11 fait partie ;

- la demande d'extension à parties n'est pas utile pour répondre à la mission confiée à l'expert ;

- les sociétés requérantes ne peuvent engager utilement d'actions à l'encontre des sociétés appelées en la cause en raison de la prescription encourue.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, la société Egis conseil, représentée par Me Riquelme, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ;

2°) de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre à la charge des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés la somme de 1 000 euros à lui verser, chacune, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHRU de Besançon a confié la conception et la réalisation de son projet immobilier à un seul et même groupement d'entreprises ;

- il a, au préalable, conclu le 6 décembre 2007, un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage avec la société Iosis conseil ;

- le patrimoine de la société Iosis conseil lui a été, par la suite, transmis en tant qu'associé unique ;

- le maître d'ouvrage, lors de la procédure de passation du marché a pris soin de poser un certain nombre de questions au groupement dont les réponses ont été contractualisées par le biais d'une mise au point du marché ;

- le CHRU a confié une mission de reconnaissance géotechnique de type G11 à la société B3G2 et une mission d'assistance technique au maître d'ouvrage à un groupement constitué des sociétés HGM, mandataire et Auberger-Favre ;

- le CHRU a, par lettre, du 28 juin 2012, notifié au groupement sa décision de faire exécuter les prestations à ses frais et risques ;

- le marché initial a fait l'objet d'une décision de réception le 3 mai 2016 à effet au 1er juillet 2015 ;

- le tribunal administratif de Besançon a, par jugement du 19 juin 2014, confirmé par un arrêt du 19 avril 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, rejeté les conclusions de la société Demathieu et Bard tendant à la condamnation du CHRU à lui verser la somme de 1 663 055,86 euros H.T. au titre du solde du marché ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Demathieu Bard construction, par ordonnance du 16 janvier 2018, partiellement rectifié par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, désigné un expert ;

- le CHRU a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une requête en interprétation de l'ordonnance du 16 janvier 2018 rectifiée ;

- il a été statué sur cette demande par une ordonnance du 22 septembre 2020 ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, par une ordonnance du 13 avril 2022, rejeté la demande des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés demandant l'extension de l'expertise ;

- cette ordonnance n'est pas critiquée en ce qu'elle a mis hors de cause la société Egis et a accepté l'intervention volontaire de la société Egis conseil ;

- l'ordonnance attaquée ne pourra qu'être confirmée pour défaut d'utilité des demandes d'extension, particulièrement à son égard ;

- l'ordonnance attaquée procède à une parfaite application des ordonnances précédemment rendues et notamment celle du 22 septembre 2022 ;

- les sociétés appelantes ne sont pas en mesure de justifier l'utilité de leur demande d'extension, tout au moins à son égard en sa qualité de programmiste ;

- le programme établi par la société Iosis conseil, aux droits desquels elle vient désormais, faisait partie des éléments d'information dont disposaient les membres du groupement de conception-réalisation avant la signature du contrat ;

- elle n'a pas eu à connaître des sujétions d'exécution rencontrées par le groupement de conception-réalisation en cours d'exécution, sa mission s'étant achevée à la conclusion de ce marché ;

- toute action au fond dirigée à son encontre serait à ce jour prescrite ;

- la demande d'extension de l'expertise des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés était, de toute façon, présentée tardivement.

Par une ordonnance du 27 septembre 2022, la clôture d'instruction de la présente instance a été fixée au 13 octobre 2022 à 12 : 00 heures.

II. Par une requête, enregistrée le 27 avril 2022 sous le n° 22NC01039, et un mémoire en réplique enregistré le 13 octobre 2022, la société Demathieu Bard Construction, représentée par Me Salamand, demande à la cour :

1°) de réformer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'étendre l'expertise aux sociétés B3G2, Egis conseil, Arcadis et Socotec construction ;

3°) de réserver les dépens.

Elle soutient que :

- elle a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, dans le cadre des difficultés qu'elle avait rencontrées en cours du chantier de la réalisation d'un bâtiment destiné à regrouper plusieurs services du centre hospitalier universitaire (CHU) de Besançon, la prescription d'une expertise ;

- le juge des référés, par une ordonnance n° 170061 du 12 janvier 2018, partiellement réformée par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, a défini le périmètre de la mission confiée à l'expert ;

- lors de la désignation d'un nouvel expert, le juge des référés du tribunal administratif a précisé qu'il reviendrait à celui-ci de proposer une extension des opérations d'expertise à d'autres parties que celles initialement désignées ;

- les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ont, par une demande à laquelle elle s'est elle-même associée, sollicité l'extension des opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis, Egis et Socotec construction ;

- elle entend faire appel de l'ordonnance du 13 avril 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande ;

- une partie peut être attraite à l'expertise dès lors qu'elle détient des documents et informations dont la communication dans le cadre des opérations d'expertise pourrait être utile à l'expert pour répondre à l'une de ces misions ;

- les missions confiées par le CHU aux sociétés appelées en la cause ont nécessairement eu une influence sur la conception et la programmation de l'ouvrage, de sorte que l'extension de l'expertise à ces opérateurs présente un caractère utile ;

- le titulaire d'un marché peut, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat ;

- elle ne peut être regardée comme forclose dans son action ;

- l'extension des opérations sollicitée présente une utilité certaine au regard des missions qui incombent toujours à l'expert ;

- le premier juge a fait une interprétation erronée des demandes formulées par les sociétés requérantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, la société Arcadis ESG, représentée par Me Keller demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Demathieu Bard construction ;

2°) de la mettre hors de cause ;

3°) de mettre à la charge de la société Demathieu Bard construction la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mission de l'expert a fait l'objet d'une interprétation par ordonnance du 22 septembre 2020 du tribunal administratif ;

- il ne revient pas à l'expert de procéder à la mission telle que définie au regard des informations contenues dans les documents de consultation ;

- l'ordonnance attaquée a ainsi exactement apprécié l'étendue des missions confiées à l'expert ;

- elle n'a pas la qualité de concepteur de l'ouvrage et est manifestement étrangère à la procédure d'expertise en cours et au litige qui pourrait être engagé devant le juge administratif à la suite de cette procédure ;

- la question de la connaissance qu'aurait pu avoir le maître d'ouvrage des difficultés sur la nature du sol a été définitivement écartée des débats par les décisions du 19 juin 2014 et 19 avril 2016 du tribunal administratif et de la cour administrative d'appel de Nancy ;

- toute nouvelle demande sur ces points se heurte à l'autorité de la chose jugée.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2022, la société Socotec construction, représentée par Me Lacaze, demande à la cour :

1°) de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la requête d'appel des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés ;

3°) de rejeter les demandes d'extension des opérations d'expertise dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge solidaire des sociétés appelantes et tous succombants la somme de 5 000 à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- toute action en garantie émanant des membres du groupement conception-construction à son encontre serait nécessairement frappée de prescription depuis, au plus tard, le mois de janvier ou avril 2018 ;

- les demandes d'extension des opérations d'expertise dirigées à son encontre sont donc inutiles ;

- l'expertise ne peut porter sur les documents de consultation du marché dont faisait partie l'étude géotechnique ;

- sa mise hors de cause a déjà été prononcée par des décisions précédentes ;

- l'expert judiciaire n'a émis aucun avis sur la nécessité de sa présence aux opérations d'expertise.

Par mémoires enregistrés les 1er août et 16 septembre 2022, le Centre hospitalier universitaire de Besançon, représenté par Me Daumin, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la société Demathieu Bard construction ;

2°) de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

A titre subsidiaire :

3°) de rejeter les demandes d'extension à parties des opérations d'expertise formulées par les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés et soutenues par la société Demathieu Bard construction ;

Dans tous les cas :

4°) de mettre à la charge de la société Demathieu Bard construction la somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mission confiée à l'expert a été clairement interprétée par l'ordonnance du 22 septembre 2020 ;

- le périmètre des opérations d'expertise exclut la phase dite précontractuelle de la formation du contrat ;

- il ne revient pas à l'expert de se prononcer sur les documents de la consultation, dont l'étude G11 fait partie ;

- la demande d'extension à parties n'est pas utile pour répondre à la mission confiée à l'expert ;

- les sociétés requérantes ne peuvent engager utilement d'actions à l'encontre des sociétés appelées en la cause en raison de la prescription encourue.

Par mémoire enregistré le 6 septembre 2022, les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés représentées par Me Caron, demandent à la cour :

1°) d'accueillir la requête de la société Demathieu Bard construction ;

2°) de réformer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

3°) de mettre dans la cause les sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis conseil et Socotec construction ;

4°) d'étendre et rendre communes et opposables les opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis conseil et Socotec construction.

Elles soutiennent que :

- le moyen tiré de ce que les actions qu'elles envisageraient d'engager seraient prescrites ne saurait prospérer ;

- il est indispensable que l'expert analyse les difficultés techniques auxquelles le groupement initial a été confronté lors des travaux ;

- l'expert ne se prononcera pas sur la consistance des documents de la consultation, mais notamment sur le point de savoir si la consistance et l'ampleur des sujétions d'exécution rencontrées par le groupement étaient ou non prévisibles ;

- le choix du système de fondations de l'ouvrage est au cœur des surcoûts dénoncés par la société Demathieu Bard construction, sur lesquels l'expert devra donner son avis.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 septembre 2022, la société Egis conseil, représentée par Me Riquelme, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la société Demathieu Bard construction ;

2°) de rejeter les conclusions formées par les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés au soutien de cette requête en appel ;

3°) de confirmer l'ordonnance du 13 avril 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Besançon ;

4°) de mettre à la charge de la société Demathieu Bard construction et des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés la somme de 1 000 euros à lui verser, chacune, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le CHRU de Besançon a confié la conception et la réalisation de son projet immobilier à un seul et même groupement d'entreprises ;

- il a, au préalable, conclu le 6 décembre 2007, un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage avec la société Iosis conseil ;

- le patrimoine de la société Iosis conseil lui a été, par la suite, transmis en tant qu'associé unique ;

- le maître d'ouvrage, lors de la procédure de passation du marché a pris soin de poser un certain nombre de questions au groupement dont les réponses ont été contractualisées par le biais d'une mise au point du marché ;

- le CHRU a confié une mission de reconnaissance géotechnique de type G11 à la société B3G2 et une mission d'assistance technique au maître d'ouvrage à un groupement constitué des sociétés HGM, mandataire et Auberger-Favre ;

- le CHRU a, par lettre, du 28 juin 2012, notifié au groupement sa décision de faire exécuter les prestations à ses frais et risques ;

- le marché initial a fait l'objet d'une décision de réception le 3 mai 2016 à effet au 1er juillet 2015 ;

- le tribunal administratif de Besançon a, par jugement du 19 juin 2014, confirmé par un arrêt du 19 avril 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, rejeté les conclusions de la société Demathieu et Bard tendant à la condamnation du CHRU à lui verser la somme de 1 663 055,86 euros H.T. au titre du solde du marché ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la société Demathieu Bard construction, par ordonnance du 16 janvier 2018, partiellement rectifié par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, désigné un expert ;

- le CHRU a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'une requête en interprétation de l'ordonnance du 16 janvier 2018 rectifiée ;

- il a été statué sur cette demande par une ordonnance du 22 septembre 2020 ;

- le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, par une ordonnance du 13 avril 2022, rejeté la demande des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés demandant l'extension de l'expertise ;

- cette ordonnance n'est pas critiquée en ce qu'elle a mis hors de cause la société Egis et a accepté l'intervention volontaire de la société Egis conseil ;

- l'ordonnance attaquée ne pourra qu'être confirmée pour défaut d'utilité des demandes d'extension, particulièrement à son égard ;

- l'ordonnance attaquée procède d'une parfaite application des ordonnances précédemment rendues et notamment de celle du 22 septembre 2022 ;

- les sociétés appelantes ne sont pas en mesure de justifier l'utilité de leur demande d'extension, tout au moins à son égard en sa qualité de programmiste ;

- le programme établi par la société Iosis conseil, aux droits desquels elle vient désormais, faisait partie des éléments d'information dont disposaient les membres du groupement de conception-réalisation avant la signature du contrat ;

- elle n'a pas eu à connaître des sujétions d'exécution rencontrées par le groupement de conception-réalisation en cours d'exécution, sa mission s'étant achevée à la conclusion de ce marché ;

- toute action au fond dirigée à son encontre serait à ce jour prescrite ;

- la demande d'extension de l'expertise des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés était, de toute façon, présentée tardivement.

Par une ordonnance du 27 septembre 2022, la clôture d'instruction de la présente instance a été fixée au 13 octobre 2022 à 12 : 00 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées, n° 22NC01032 et 22NC01039, sont dirigées contre la même ordonnance et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

2. Le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Besançon a lancé en 2009 un marché de conception-réalisation pour la construction d'un nouveau bâtiment regroupant plusieurs services. Les documents du marché attiraient l'attention des candidats sur le caractère hétérogène et difficile du terrain et mettaient à la charge de l'attributaire du marché une étude géotechnique complémentaire et les sujétions techniques découlant dudit terrain. Un groupement d'entreprises composé de la société AIA architectes ingénierie associés, de la société AIA architectes, de la société AIA ingénierie, de la Sarl Philippe Donze et de la société Demathieu Bard construction, mandataire de ce groupement, a déposé une offre que le maître d'ouvrage a souhaité voir approfondir compte tenu du coût annoncé concernant le poste fondations. Le groupement a alors confirmé par écrit que les conditions de son offre resteraient inchangées quelles que soient les sujétions d'exécution rencontrées. Le marché a été attribué, par acte d'engagement du 7 janvier 2011, à ce groupement pour un montant global et forfaitaire de 47 754 184,42 euros TTC avec une réception des bâtiments le 7 avril 2014. A la suite de la découverte sur le site des dimensions importantes d'une doline, la société Demathieu et Bard a adressé au maître d'ouvrage, le 23 mars 2012, un mémoire en réclamation d'un montant de 5 970 464,20 euros TTC que le CHRU a rejeté le 30 mars suivant au motif que les sujétions techniques dont se prévalait la société ne pouvaient être regardées comme imprévisibles lors de la conclusion du contrat. L'entreprise ayant arrêté l'exécution de tous les travaux sur le site, le maître d'ouvrage a engagé une procédure aboutissant à une décision du 29 juin 2012 d'exécuter une partie du marché au frais et risques du groupement. Par jugement n° 1201770 du 19 juin 2014, confirmé par un arrêt du 22 mars 2016 de la cour administrative d'appel de Nancy, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les demandes de la société Demathieu et Bard tendant à la condamnation du CHRU de Besançon, d'une part, à réparer les préjudices subis en raison de l'exécution, à ses frais et risques, d'une partie du marché et, d'autre part, à lui verser une somme au titre du décompte général du marché. Par décision du 5 octobre 2016, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi en cassation de la société. Celle-ci a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon de prescrire une expertise portant sur le décompte général et final du marché, sur les conditions d'exécution de celui-ci eu égard à la technicité des difficultés rencontrées sur le chantier, l'imputabilité de ces difficultés et sur le quantum des préjudices en résultant pour la société. Par ordonnance n° 1700611 du 16 janvier 2018, réformée par une ordonnance du 21 juin 2018 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy, il a été fait droit à cette demande et le périmètre de l'expertise a été ainsi fixé. Par une ordonnance n° 1901995 du 22 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a, sur la demande du centre hospitalier, interprété cette ordonnance réformée du 16 janvier 2018. Entretemps, par ordonnance du 13 juillet 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon avait nommé un nouvel expert en raison de la récusation de celui initialement désigné. Par ordonnance n° 2101298 du 13 avril 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés, présentée sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, tendant à étendre les opérations d'expertise aux sociétés B3G2, Arcadis ESG, Egis et Socotec construction. Ces sociétés ainsi que la société Demathieu Bard construction interjettent appel de cette décision.

3. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, ou mettre hors de cause une ou plusieurs des parties ainsi désignées. (...). ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est saisi d'une demande d'une partie ou de l'expert tendant à l'extension de la mission de l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance, le juge des référés ne peut ordonner cette extension qu'à la condition qu'elle présente un caractère utile. Cette utilité doit être appréciée, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

4. Il ressort des pièces du dossier que, la demande d'extension des opérations d'expertise des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés procède de leur intention de contester le bien-fondé l'étude géotechnique G11 réalisée, préalablement à l'appel d'offres pour le compte du centre hospitalier, par la société B3G2, validée par les sociétés Arcadis ESG, Iosis conseil et Socotec construction, qui étaient respectivement l'assistant technique à la maîtrise d'ouvrage, le programmiste de l'opération de construction et le contrôleur technique de l'opération. Cette demande, soutenue par la société Demathieu Bard Construction, était présentée avec pour objectif de rechercher la responsabilité quasi délictuelle de ces entreprises en raison de fautes supposées dans la réalisation des études qui leur avaient été confiées par le maître d'ouvrage. Un tel litige doit, toutefois, être regardé comme distinct de celui opposant, sur le fondement des relations contractuelles, le centre hospitalier et la société Demathieu Bard construction et pour lequel l'expertise ordonnée par la décision du 16 janvier 2018 a été spécifiquement prescrite.

5. Il ressort d'ailleurs des motifs de l'ordonnance du 21 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Nancy, rectifiant la mission confiée à l'expert par l'ordonnance du 16 janvier 2018 du tribunal administratif, ainsi que des motifs de l'ordonnance en interprétation du 22 septembre 2020 devenue définitive, notamment énoncés à ses points 11, 15 et 16 que le périmètre de l'expertise ne comprend pas l'analyse des différents éléments ayant concouru à l'élaboration du marché litigieux, et en particulier, ne confie pas à l'expert, le soin de recueillir les informations dont auraient ou non disposé les différents membres du groupement de la part du maître d'ouvrage, antérieurement à la signature du contrat.

6. Il résulte de ce qui précède que la demande d'extension de l'expertise sollicitée par les sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés, qui, au demeurant, n'a fait l'objet d'aucune consultation ni d'aucune demande de l'expert, ne présente pas de caractère utile dans le cadre du litige précité opposant le CHRU de Besançon et la société Demathieu Bard construction. Dès lors, ces sociétés ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande. Par suite leur requête d'appel, ainsi que celle de la société Demathieu Bard construction, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : la requête n° 22NC01032 des sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés est rejetée.

Article 2: La requête n° 22NC01039 de la société Demathieu Bard construction est rejetée.

Article 3 : L'ensemble des conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés AIA Architectes, AIA ingénierie et AIA Architectes ingénieurs associés, à la société Demathieu Bard construction, au centre hospitalier régional universitaire de Besançon, aux sociétés Arcadis ESG, Socotec construction, Egis conseil, Philippe Donze, HGM ingénierie, Fondasol, Franki fondation, CTE, Sogea Franche-Comté et B3G2.

Copie en sera transmise à M. A..., expert.

La présidente de la Cour

Signé : S. Favier

La République mande et ordonne au préfet du Doubs, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

2

Nos 22NC01032, 22NC01039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 22NC01032
Date de la décision : 31/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SOCIÉTE D'AVOCATS MOLAS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-10-31;22nc01032 ?
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