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24/10/2002 | FRANCE | N°97NC02287

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1e chambre, 24 octobre 2002, 97NC02287


(Première chambre)
Vu la requête, et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 17 octobre 1997, 27 août et 5 novembre 2001, présentés pour Mme Ghislaine X... et pour Mme Anne-Marie X..., par Me Honnet, avocat ;
Mmes X... demandent à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 8 juillet 1997 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes de 1 703 120 francs et 50 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la décision du préfet de l'Aube d'int

erdire la récolte 1990 sur leur exploitation ;
2° - de condamner l'Etat à...

(Première chambre)
Vu la requête, et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la Cour les 17 octobre 1997, 27 août et 5 novembre 2001, présentés pour Mme Ghislaine X... et pour Mme Anne-Marie X..., par Me Honnet, avocat ;
Mmes X... demandent à la Cour :
1° - d'annuler le jugement du 8 juillet 1997 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser les sommes de 1 703 120 francs et 50 000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la décision du préfet de l'Aube d'interdire la récolte 1990 sur leur exploitation ;
2° - de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 703 120 francs avec intérêts au taux légal à compter du 1er mai 1990 et la somme de 50 000 francs au titre des préjudices annexes et des frais irrépétibles ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 27 juin 2001 à 16 heures, l'ordonnance de réouverture de l'instruction du 27 juin 2001 et l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 21 août 2002 à 16 heures ;
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ayant été informées de ce que la décision paraissait susceptible d'être fondée sur des moyens soulevés d'office ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2002 :
- le rapport de M. SAGE, Président,
- et les conclusions de Mme ROUSSELLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 188-7 du code rural dans sa rédaction issue de l'article 8 de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 : "Lorsqu'il constate qu'un fonds est exploité sans qu'ait été, en application de l'article 188-2, souscrite la demande d'autorisation d'exploiter ou présentée la déclaration préalable exigée, le préfet met en demeure l'intéressé de présenter la demande d'autorisation ou la déclaration préalable requise. A défaut de présentation de la demande ou de la déclaration par l'intéressé, dans le délai imparti par la mise en demeure, le préfet transmet le dossier au procureur de la République en vue de l'application des dispositions de l'article 188-9. .../Lorsqu'il constate qu'un fonds est exploité en dépit d'un refus d'autorisation d'exploiter devenu définitif, le préfet met en demeure l'auteur de l'infraction de cesser d'exploiter le fonds dans un délai qu'il fixe. Si, à l'expiration de ce délai, l'intéressé n'a pas déféré à la mise en demeure, le préfet transmet le dossier au procureur de la République ..." ; qu'il ressort de ces dispositions que le préfet ne tenait le pouvoir de mettre en demeure un exploitant agricole de cesser d'exploiter les terres dont il disposait qu'à la suite d'un refus d'autorisation d'exploiter devenu définitif ;
Considérant qu'en mettant en demeure le 27 avril 1990 le GAEC de Valwimbourg, constitué par Mmes X..., simultanément de déposer dans le délai d'un mois une demande d'autorisation et de cesser Aimmédiatement l'exploitation des biens litigieux, le préfet de l'Aube a entaché sa décision, sur le second point, d'une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision susmentionnée du préfet de l'Aube a empêché Mmes X... de procéder à la récolte du printemps 1990 ; qu'ont ainsi été perdus selon les estimations non contestées des requérantes 1904 quintaux de tournesol d'une valeur de 280 francs le quintal, soit 533 120 francs, et 9 000 quintaux d'orge d'une valeur de 128,77 francs le quintal, soit 1 158 930 francs ; que les pertes de récolte devant être regardées comme ayant été subies du fait de la décision illégale du préfet de l'Aube s'établissent ainsi à un total de 1 692 050 francs ; que l'administration ne conteste pas que cette estimation correspondrait au seul bénéfice que Mmes X... auraient pu retirer de la vente des récoltes de l'année 1990 pour des terrains qu'elles avaient loué à partir du 16 mars 1990 ; qu'il y lieu, dès lors, de retenir ce montant ;
Considérant que si les requérantes ont demandé une somme de 50 000 francs au titre des préjudices annexes et frais irrépétibles, elles n'indiquent pas la part revenant à chacun de ces chefs de préjudice et, par suite, ne mettent pas à la Cour à même de se prononcer sur la pertinence de leur demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer à Mmes X... la somme de 1 692 050 francs, soit 257 951,36 euros ;
Sur les intérêts :

Considérant que Mmes X... ont droit aux intérêts au taux légal à dater de la réception de leur demande valant sommation de payer ; qu'en l'absence de justification de la date de réception de leur demande d'indemnité adressée au préfet de l'Aube le 17 mai 1991, il y a lieu de fixer le point de départ des intérêts au taux légal au 20 juillet 1994, date d'enregistrement de la demande au greffe du Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, valant sommation de payer ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mmes X... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que, pour le même motif que celui qui a été énoncé ci-dessus, il ne peut être fait droit à la demande de Mmes X... ;
Article 1er : Le jugement n° 941315 du Tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 8 juillet 1997 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mmes X... et Anne-Marie X... la somme de deux cent cinquante sept mille neuf cent cinquante et un euros trente six centimes (257 951,36 euros) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 1994.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes Ghislaine et Anne-Marie X... et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 97NC02287
Date de la décision : 24/10/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

AGRICULTURE - CHASSE ET PECHE - EXPLOITATIONS AGRICOLES - CUMULS - CUMULS D'EXPLOITATIONS - CONTENTIEUX.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.


Références :

Code rural 188-7
Loi 90-85 du 23 janvier 1990 art. 188-2, art. 188-9


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. SAGE
Rapporteur public ?: Mme ROUSSELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2002-10-24;97nc02287 ?
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